Hamid Grine, en vieux briscard du métier, aborde dans son nouveau roman Il ne fera pas long feu, édité chez les éditions Alpha, l’univers de la presse. Une panoplie de personnages : Hassoud (personnage central du roman), Mehrez (reporter), Chawki, Zerbit (chef du gouvernement), Lakhdar( Red chef), Linda,….et Si Messaoud, crées de toutes pièces et frisant le monde du réel pour tisser en filigrane l’histoire racontée.
Hassoud, directeur d’un journal "Espoir", est un être pervers, hideux, vil, qui harcèle les femmes et fait du chantage à ses journalistes (qui lui écrivent des articles et dossiers de complaisance), aux entreprises (qui lui offrent de d’argent de peur d’un scandale médiatique), qui cumule les 4X4 et rêve de fructifier son capital et construire une villa dans des quartiers huppés et chics.
Ce dernier se croyant être une personnalité importante se voit réduit à moins que rien par un chef d’entreprise qui lui tend un piège. En contre partie d’une somme d’argent colossale, il fomente un dossier contre le chef du gouvernement en titrant en première page : "Il ne fera pas long feu", ce qui le fera descendre en flamme, puisqu’il sera menotté comme un vulgaire malfrat et incarcéré. Le roman Il ne fera pas long feu suscite la curiosité, invite à la réflexion… "Il est bien parti pour faire long feu", dira notre collègue. Une œuvre à méditer, après lecture bien sûr.
A propos du personnage Hassoud, corrompu et corrupteur, un véritable "schizophrène" qui a perdu le sens du contact avec la réalité, Hamid Grine dira : "Il est évident que je ne vise personne. C’est une histoire inventée de toutes pièces, ce n’est pas le portrait d’un directeur de journal que je connais et ce n’est pas un écrit ou un essai sur la presse algérienne". Hamid Grine, romancier au talent avéré, incontesté, vu sa prolixité et son exploration du rapport humain, a répondu avec amabilité et sincérité à nos questions dans l’entretien qui suit…
Dépêche de Kabylie : Qu’est ce qui vous a inspiré le personnage central du Roman?
Hamid Grine : tout simplement le milieu de la presse ici et dans certains pays arabes.
Déjà au 19e siècle, Balzac (Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes) ainsi que Maupassant avec Bel ami ont ausculté le monde de la presse. Ils ont décrit une faune où tous les coups bas sont permis. Pour "il ne fera pas long feu", je décris donc un milieu que je connais bien pour l'avoir longtemps fréquenté ici et à l'étranger. Même si Hassoud est inventé de toutes pièces, on trouve son spécimen dans la société algérienne. Des beggaras, il y'en a beaucoup. Pour faire court, je dirais que hassoud est un personnage de composition inspiré par notre société.
Les personnages du roman sont à profil duel et contrasté…un choix minutieux et délibéré ?
Oui. Comme des personnages réels. On n'est jamais tout à fait noir ou tout à fait blanc, nous sommes tous gris, paradoxaux, gentils ici et méchants là. Tout dépend des situations auxquelles on est confronté. On peut être 10/10 le matin et dix minutes plus tard à cause d'une agression ou d'un autre élément provocateur retombé à 0/10. Deux hommes différents en dix minutes. Et peut être même 4 ou 5 hommes dans la journée. Je pense qu'il faudrait prendre chaque être humain dans sa vérité du moment. Mes personnages sont ainsi. Comme vous et moi.
La projection du roman dans l’espace temporel, d’une Algérie récente,- le profil du personnage central, Hassoud, (Généreux, froid, apeuré, pervers, brutal, sans moralité aucune, corrompu et corrupteur) issu d’une mère castratrice et d’un père fruste et analphabète- est sujet à commentaires et interrogations, voire réflexions… Etes-vous d’accord ?
Parfaitement. Hassoud est un personnage emblématique d'une certaine minorité pervertie de la société algérienne. A ce titre, il est matière à interrogation. Hassoud n'est pas né du néant. On le croise chaque jour. Il ronge notre société car c’est un anti-modèle qui est devenu pour beaucoup une sorte de modèle. Quand les intellectuels crèvent la dalle, normal que les beggaras tiennent le haut du pavé.
Il ne fera pas long feu, est une véritable dissection d’une société rongée par la corruption, l’appât du gain facile, le contraste et la contradiction. Vous qui n’êtes pas sans savoir les dessous du monde de la plume. Est-ce une manière de pointer du doigt ces fléaux de la société qui la gangrènent et la font trébucher ?
Vous avez tout à fait raison. Ce roman est une dénonciation de l'arrivisme et de l'argent facile c'est aussi un coup de gueule : qu'avons nous fait de nos valeurs?
Qu'avons nous fait du mérite, de la matière grise et du travail?
Nos repères ne sont plus les hommes de culture. Mais les hommes d'argent qui ont comme devise : "L'Algérie est une vache qu'il faut traire sans scrupules."
"Cueillir le jour avant la nuit", un roman à connotation philosophique ; "le café de Gide", bien après les exploits sportifs de Belloumi et de l’équipe nationale, en passant par "chroniques d’une élection pas comme les autres", d’où puisez-vous cette prolixité et cette subtilité à "slalomer" entre des genres aussi variés que profonds ?
L'éclectisme est dans ma nature. J’aime toutes les musiques, toutes les littératures, tous les genres humains. Je suis un homme d'ouverture et non de fermeture. J'aime voir une partie de football. Mais en même temps, j'aime lire Sénèque. Je bois à toutes les sources. Pourvu qu'elles soient claires. Pour répondre à votre question, je pense que l'éclectisme est une question d'éducation. Il est consubstantiel à la tolérance et à l'amour des autres.
La pertinence de la description des personnages, de l’approche sociologique des rapports entre employeurs, employés et le … N’est-il pas le regard du “vieux routier” du secteur de la communication que vous êtes ?
Absolument. J'aime citer cette anecdote : à une jeune fille qui lui demandait : "comment écrire et quoi écrire?", Dostoïevski répond : "Parlez de ce que vous voyez, et entendez, n'inventez rien. Mettez tout en perspective..." Je suis ce précepte. Il est évident que mon roman est le fruit de mon expérience de journaliste et d'observateur de la presse.
Au fait, à quoi vous attendiez-vous avant sa publication ?
Pour être sincère, j'espére qu'il sera apprécié par les journalistes. Les premières marques de sympathie qui me viennent de cette corporation me confortent dans cette idée.
Auteur à succès, vos romans ont connu plusieurs rééditions, n’est-il pas légitime de présager que votre dernière cuvée…fera long feu ?
J'espère que mon roman connaîtra le même sort que mes autres publications. Mais mon souhait est ailleurs : qu'il n'y ait plus de Hassoud, à terme dans la presse algérienne. Et que les Lakhdar (le brillant rédacteur en chef de L'espoir) ne soient plus obligés de vendre leurs âmes à des Hassoud.
Propos recueillis par Ahmed Kessi
Œuvre de Hamid Grine
Il est l'auteur de 7 livres sportifs, notamment Lakhdar Belloumi, un footballeur algérien, Editions ENAL, vendu à 20000 exemplaires en 1986. En 2004, il publie Comme des ombres furtives, Editions Casbah, une série de portraits. Une année plus tard, Hamid Grine publie le premier essai de communication politique : Chronique d'une élection pas comme les autres qui évoque les élections présidentielles de 2004. Ensuite, il publie un autre essai philosophique : Cueille le jour avant la nuit (2005). En 2006, il édite son premier roman La dernière prière, toujours chez le même éditeur : Alpha édition. En 2007, La nuit du henné qui sera adapté à l'écran par Rachid Dechemi et Mourad Bourboune. Enfin, Le café de Gide, un autre roman publié en 2008. La pédophilie de Gide n'est que le prétexte pour poser une question plus universelle : celle de la conservation du patrimoine. Il a reçu plusieurs prix : la plume d'or du journalisme sportif, le prix coup de coeur du quotidien Djazair News en 2004 pour Comme des ombres furtives, une récompense des éditeurs maghrébins pour l'ensemble de son oeuvre à l'occasion du salon international du livre à Alger en 2008.
Hassoud, directeur d’un journal "Espoir", est un être pervers, hideux, vil, qui harcèle les femmes et fait du chantage à ses journalistes (qui lui écrivent des articles et dossiers de complaisance), aux entreprises (qui lui offrent de d’argent de peur d’un scandale médiatique), qui cumule les 4X4 et rêve de fructifier son capital et construire une villa dans des quartiers huppés et chics.
Ce dernier se croyant être une personnalité importante se voit réduit à moins que rien par un chef d’entreprise qui lui tend un piège. En contre partie d’une somme d’argent colossale, il fomente un dossier contre le chef du gouvernement en titrant en première page : "Il ne fera pas long feu", ce qui le fera descendre en flamme, puisqu’il sera menotté comme un vulgaire malfrat et incarcéré. Le roman Il ne fera pas long feu suscite la curiosité, invite à la réflexion… "Il est bien parti pour faire long feu", dira notre collègue. Une œuvre à méditer, après lecture bien sûr.
A propos du personnage Hassoud, corrompu et corrupteur, un véritable "schizophrène" qui a perdu le sens du contact avec la réalité, Hamid Grine dira : "Il est évident que je ne vise personne. C’est une histoire inventée de toutes pièces, ce n’est pas le portrait d’un directeur de journal que je connais et ce n’est pas un écrit ou un essai sur la presse algérienne". Hamid Grine, romancier au talent avéré, incontesté, vu sa prolixité et son exploration du rapport humain, a répondu avec amabilité et sincérité à nos questions dans l’entretien qui suit…
Dépêche de Kabylie : Qu’est ce qui vous a inspiré le personnage central du Roman?
Hamid Grine : tout simplement le milieu de la presse ici et dans certains pays arabes.
Déjà au 19e siècle, Balzac (Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes) ainsi que Maupassant avec Bel ami ont ausculté le monde de la presse. Ils ont décrit une faune où tous les coups bas sont permis. Pour "il ne fera pas long feu", je décris donc un milieu que je connais bien pour l'avoir longtemps fréquenté ici et à l'étranger. Même si Hassoud est inventé de toutes pièces, on trouve son spécimen dans la société algérienne. Des beggaras, il y'en a beaucoup. Pour faire court, je dirais que hassoud est un personnage de composition inspiré par notre société.
Les personnages du roman sont à profil duel et contrasté…un choix minutieux et délibéré ?
Oui. Comme des personnages réels. On n'est jamais tout à fait noir ou tout à fait blanc, nous sommes tous gris, paradoxaux, gentils ici et méchants là. Tout dépend des situations auxquelles on est confronté. On peut être 10/10 le matin et dix minutes plus tard à cause d'une agression ou d'un autre élément provocateur retombé à 0/10. Deux hommes différents en dix minutes. Et peut être même 4 ou 5 hommes dans la journée. Je pense qu'il faudrait prendre chaque être humain dans sa vérité du moment. Mes personnages sont ainsi. Comme vous et moi.
La projection du roman dans l’espace temporel, d’une Algérie récente,- le profil du personnage central, Hassoud, (Généreux, froid, apeuré, pervers, brutal, sans moralité aucune, corrompu et corrupteur) issu d’une mère castratrice et d’un père fruste et analphabète- est sujet à commentaires et interrogations, voire réflexions… Etes-vous d’accord ?
Parfaitement. Hassoud est un personnage emblématique d'une certaine minorité pervertie de la société algérienne. A ce titre, il est matière à interrogation. Hassoud n'est pas né du néant. On le croise chaque jour. Il ronge notre société car c’est un anti-modèle qui est devenu pour beaucoup une sorte de modèle. Quand les intellectuels crèvent la dalle, normal que les beggaras tiennent le haut du pavé.
Il ne fera pas long feu, est une véritable dissection d’une société rongée par la corruption, l’appât du gain facile, le contraste et la contradiction. Vous qui n’êtes pas sans savoir les dessous du monde de la plume. Est-ce une manière de pointer du doigt ces fléaux de la société qui la gangrènent et la font trébucher ?
Vous avez tout à fait raison. Ce roman est une dénonciation de l'arrivisme et de l'argent facile c'est aussi un coup de gueule : qu'avons nous fait de nos valeurs?
Qu'avons nous fait du mérite, de la matière grise et du travail?
Nos repères ne sont plus les hommes de culture. Mais les hommes d'argent qui ont comme devise : "L'Algérie est une vache qu'il faut traire sans scrupules."
"Cueillir le jour avant la nuit", un roman à connotation philosophique ; "le café de Gide", bien après les exploits sportifs de Belloumi et de l’équipe nationale, en passant par "chroniques d’une élection pas comme les autres", d’où puisez-vous cette prolixité et cette subtilité à "slalomer" entre des genres aussi variés que profonds ?
L'éclectisme est dans ma nature. J’aime toutes les musiques, toutes les littératures, tous les genres humains. Je suis un homme d'ouverture et non de fermeture. J'aime voir une partie de football. Mais en même temps, j'aime lire Sénèque. Je bois à toutes les sources. Pourvu qu'elles soient claires. Pour répondre à votre question, je pense que l'éclectisme est une question d'éducation. Il est consubstantiel à la tolérance et à l'amour des autres.
La pertinence de la description des personnages, de l’approche sociologique des rapports entre employeurs, employés et le … N’est-il pas le regard du “vieux routier” du secteur de la communication que vous êtes ?
Absolument. J'aime citer cette anecdote : à une jeune fille qui lui demandait : "comment écrire et quoi écrire?", Dostoïevski répond : "Parlez de ce que vous voyez, et entendez, n'inventez rien. Mettez tout en perspective..." Je suis ce précepte. Il est évident que mon roman est le fruit de mon expérience de journaliste et d'observateur de la presse.
Au fait, à quoi vous attendiez-vous avant sa publication ?
Pour être sincère, j'espére qu'il sera apprécié par les journalistes. Les premières marques de sympathie qui me viennent de cette corporation me confortent dans cette idée.
Auteur à succès, vos romans ont connu plusieurs rééditions, n’est-il pas légitime de présager que votre dernière cuvée…fera long feu ?
J'espère que mon roman connaîtra le même sort que mes autres publications. Mais mon souhait est ailleurs : qu'il n'y ait plus de Hassoud, à terme dans la presse algérienne. Et que les Lakhdar (le brillant rédacteur en chef de L'espoir) ne soient plus obligés de vendre leurs âmes à des Hassoud.
Propos recueillis par Ahmed Kessi
Œuvre de Hamid Grine
Il est l'auteur de 7 livres sportifs, notamment Lakhdar Belloumi, un footballeur algérien, Editions ENAL, vendu à 20000 exemplaires en 1986. En 2004, il publie Comme des ombres furtives, Editions Casbah, une série de portraits. Une année plus tard, Hamid Grine publie le premier essai de communication politique : Chronique d'une élection pas comme les autres qui évoque les élections présidentielles de 2004. Ensuite, il publie un autre essai philosophique : Cueille le jour avant la nuit (2005). En 2006, il édite son premier roman La dernière prière, toujours chez le même éditeur : Alpha édition. En 2007, La nuit du henné qui sera adapté à l'écran par Rachid Dechemi et Mourad Bourboune. Enfin, Le café de Gide, un autre roman publié en 2008. La pédophilie de Gide n'est que le prétexte pour poser une question plus universelle : celle de la conservation du patrimoine. Il a reçu plusieurs prix : la plume d'or du journalisme sportif, le prix coup de coeur du quotidien Djazair News en 2004 pour Comme des ombres furtives, une récompense des éditeurs maghrébins pour l'ensemble de son oeuvre à l'occasion du salon international du livre à Alger en 2008.
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