dimanche 30 août 2009

Le Ramadhan des harraga

Ramadhan pourrait donc servir de prétextes et d'aubaines à plein de choses, y compris les plus inimaginables. La spéculation, la boulimie, le terrorisme, la fausse dévotion, les bagarres, les affaires, la politique et l'oisiveté, on le sait, font depuis longtemps partie du paysage de ce mois. Mais on en découvre d'autres.

Tenez, dans son édition d'hier, un confrère arabophone nous apprend que les gardes-côtes ont mis un dispositif de surveillance spécial pour les harraga qui pourraient profiter de la baisse de vigilance ou de la réduction des troupes pour se faire la belle sans gros risques de se faire prendre avant même de prendre le large.

C'est connu, dans les entreprises d'une telle témérité, il n'y a pas plus bête que d'être arrêté sans avoir essayé. Psychologiquement, la harga est d'abord un défi que les jeunes candidats se lancent à eux-mêmes, avec, au bout, la fierté d'avoir réussi l'impossible pari ou la consolation morale d'avoir tout tenté, y compris en mettant leur vie en péril.

La perspective de se faire ramasser donc sur une plage ou à quelques centaines de mètres de là doit être le pire des cauchemars de ces jeunes qui, on le sait, ont aussi l'ego à fleur de peau. Aller peut-être en prison après un bide aussi monumental ou pire, revenir dans le quartier avec si peu de choses à raconter, une aventure qui a tourné court et une fin de parcours si peu glorieuse doit hanter plus que tout les nuits des brûleurs d'écume.

Ils doivent ainsi redoubler d'ingéniosité, mettre tous les atouts de leur côté et saisir la moindre aubaine qui puisse multiplier leurs chances de «réussite». Parmi ces aubaines, il y a bien sûr la léthargie générale qui prend confortablement ses quartiers dans le pays du premier au dernier jour du Ramadhan.

Ils sont plutôt bien placés, les harraga pour savoir que la vigilance est souvent à son degré zéro aux heures où on jeûne et surtout lorsqu'on… mange.

Parmi eux, il y a ceux qui ont «travaillé» tranquillement dans les parkings de voitures appartenant à des hommes assommés par le manque de nicotine ou en train de s'empiffrer le soir venu. D'autres ont eu tout le loisir de constater combien il était facile de s'esquiver du boulot à l'occasion de furtifs passages dans quelque entreprise. Il y a enfin ceux qui connaissent par cœur les opérations harga qui se sont terminées avant de commencer : jamais pendant le Ramadhan.

Mais maintenant que les gardes-côtes s'y mettent avec des dispositifs spéciaux et des instructions fermes, ça va être drôlement difficile. Ils ne désespèrent pas pour autant. Le jour de l'Aïd peut-être.

Slimane Laouari

Touche pas à mon mollah

La polémique suivant la mise en quarantaine du parti de Nouri El Maliki par ses frères chiites ne dissimulera pas le profond malaise que connaissent les relations syro-irakiennes. Ça sent fortement le roussi depuis que la demande du gouvernement de Baghdad au sujet de djihadistes qui se seraient réfugiés en Syrie après les récents attentats commis sur le sol irakien est restée sans suite. 

Plus question de supplier le voisin sunnite de faire «le ménage chez lui», l'Irak n'a pour priorité de l'heure que d'internationaliser l'affaire.

Les victimes des derniers attentats sanglants à Baghdad méritent autant que feu El Hariri que justice leur soit rendue devant un tribunal international.

Et si tel est le cas, il est évident que les autorités de Damas soient nécessairement amenées à répondre à des questions déplaisantes, aux limites de l'accusation, les fugitifs censés s'être réfugiés en Syrie. Rien à voir avec toutes les autres fois, quand le gouvernement Bush ressassait la cinglante facilité avec laquelle les combattants étrangers s'infiltraient en Irak, profitant de la perméabilité qu'offrait la frontière syro-irakienne.

Ne serait-ce qu'en raison du redéploiement de l'armée irakienne hors des centres urbains, le gouvernement de Baghdad ne peut plus se permettre l'inaction envers ses voisins. Il a fini par leur demander des comptes.

Le destinataire de sa première requête ? Le président Bachar El Assad qui venait à peine de rentrer de Téhéran où il a réaffirmé par voie de félicitations à Ahmadinejad la robustesse de l'alliance irano-syrienne.

Si les prétendues tentatives de l'Occident de vouloir déstabiliser les mollahs d'Iran avaient été vouées à l'échec, la création d'un tribunal international, spécial derniers actes terroristes en Irak, serait-elle cette manière détournée d'atteindre le régime iranien ? Celui-ci semble le croire et n'a pas tardé à dépêcher son chef de la diplomatie à Baghdad, histoire d'apaiser la tension entre Irakiens et Syriens. Il y va de ses propres intérêts, il y a des signes qui ne trompent pas.

Surtout que le renforcement des sanctions contre la république islamique a été assorti d'une nouvelle menace de frappes militaires que Benyamin Netanyahu a brandie à chacune de ses escales sur le Vieux continent après avoir réussi à suspendre les livraisons d'armes que la Russie s'apprêtait à livrer à son allié objectif iranien.

Il y va également des intérêts de la Syrie qui n'a pas terminé de payer les frais judiciaires de l'affaire El Hariri alors que sa prise de distances vis-à-vis du Liban post-législatives a rassuré Paris sans convaincre Washington. Hillary Clinton chaussera-t-elle les escarpins de Mme Rice pour rappeler au régime de Damas qu'il n'a pas fini d'en pâtir s'il venait à trop s'afficher aux côtés de celui de Téhéran ? La Turquie serait la mieux placée pour assurer la médiation entre l'Irak et la Syrie.

Et ce, après avoir démenti la demande d'envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan formulée par le secrétaire général de l'Otan, et au moment où Ankara fait circuler l'information selon laquelle des actes malveillants ont été commis en Turquie à l'aide d'armes livrées par les Etats-Unis à l'Irak. Décidément, tout est mis en œuvre pour sauver une fois pour toutes non pas le dernier des mohicans mais le premier des mollahs.

Par Anis Djaad