mercredi 21 octobre 2009

A cause d’un fer à cheval…

Le succès de n’importe quel événement socioculturel repose en premier lieu sur la qualité de l’organisation. Une foire commerciale, un gala musical, un carnaval, une kermesse, une compétition sportive ou, tout simplement, une manifestation de rue, peu importe la nature du rendez-vous, exigent beaucoup de tact et de savoir-faire pour en garantir la finalité. La réussite, dans ce cas de figure, se mesure à l’intensité du plaisir procuré aux participants, au degré de satisfaction du public convié ou à la réalisation de l’objectif assigné à l’opération. Il y a évidemment la lancinante question des moyens matériels et logistiques mis à disposition, mais l’essentiel réside dans l’abnégation, la disponibilité et la culture des organisateurs.

Leur implication, tant physique qu’intellectuelle, dans la préparation et la gestion instantanée de l’événement en question compte énormément. L’examen minutieux de toutes les étapes du spectacle ou du défilé, le partage judicieux des tâches, la rigueur dans le travail, l’écoute permanente du public, la prospective et la capacité à improviser en cas de couac, voilà des qualités primordiales pour tout «manager» sérieux qui tient absolument au succès de son entreprise. La maîtrise de ces fondamentaux pose toujours problème en Algérie.

A chaque occasion, on assiste impuissants à une espèce d’anarchie qui trouve son explication dans la médiocrité de l’organisation elle-même. La culture du laisser-aller et la coutume des passe-droits ont la peau dure à tous les niveaux. Un vigile, qui laisse passer une connaissance sans ticket dans un stade de football, sera contraint d’empêcher, quelques minutes plus tard, l’accès à un homme qui s’est convenablement acquitté de ses droits d’entrée. Son acte est immoral. Il mérite pour cela une lourde sanction.

A défaut de réparation, la victime de ce comportement irresponsable se sentira naturellement frustrée. Quand plusieurs autres cas font face à la même injustice, il y a lieu de craindre un violent débordement de protestation. Un journaliste accrédité, empêché de faire son travail, c’est aussi de la mauvaise organisation. Il est inconcevable que des personnes étrangères à la profession soient autorisées, si souvent, à occuper indûment le box réservé à la presse.

Cet exemple rappelle l’attitude démissionnaire des responsables du stade Mustapha Tchaker de Blida, lors du match Algérie-Rwanda, et des remous qui en ont résulté. Il y a aussi un énorme effort à faire en matière de conditions d’accueil et d’écoute : l’amélioration de l’animation, la ponctualité, la transparence, le respect des plannings et la disponibilité des services annexes. En un mot, le professionnalisme n’est pas notre marque de fabrique. Cette tare ne concerne pas uniquement les gestionnaires de nos enceintes sportives et culturelles. Les mêmes lacunes sont également omniprésentes dans la sphère administrative et au sein des institutions publiques.

Le citoyen d’aujourd’hui exige la vérité et la transparence. Il veut être informé et associé à la prise de décision. Une distribution opaque de logements sociaux, une mauvaise prise en charge de l’hygiène ou de la sécurité au niveau d’un quartier donné, une passation douteuse d’un marché public ou une promesse non tenue à propos d’une question soulevée de longue date sont ressenties comme des marques de mépris et d’exclusion. Le sentiment de ne pas être entendu, écouté et respecté pousse les gens à commettre des actes contraires à leurs intentions premières.

Il est temps de méditer sur la paradoxale conjugaison entre le règne proclamé de «l’opinion publique» et l’abandon vécu par la majorité écrasante de cette souveraineté statistique. A regarder de très près, les mécontentements des citoyens de Diar Echems (El Mouradia) comme les débordements du stade de Blida obéissent à la même logique démissionnaire des responsables.

Les violences entre bandes rivales à Bab El Oued et l’adoption de l’émeute comme mode d’expression à travers de nombreuses localités du pays traduisent un déficit de confiance chez les autorités compétentes en raison d’un vide sidérant en matière de communication et de transparence. Dans bien des cas, une oreille attentive et une explication détaillée d’un dossier quelconque suffisent à ramener la foule coléreuse à de meilleurs
sentiments. C’est comme qui dirait que la guerre fut perdue à cause d’un vulgaire fer à cheval.

Par Kamel Amghar

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