samedi 31 octobre 2009

Ahcène Bouskia. Professeur à l’Ecole supérieure de la magistrature

Professeur à l’Ecole de la magistrature, ancien conseiller à la Présidence et à la Cour suprême, et auteur de plusieurs ouvrages consacrés au droit, Ahcène Bouskia estime dans l’entretien qu’il nous a accordé que la correctionnalisation des crimes économiques participe à la banalisation de la corruption.

- La corruption a pris des proportions alarmantes dans notre pays et la loi 01/06, relative à la prévention et la lutte contre ce fléau ne semble pas l’avoir freinée. Pourquoi, selon vous ?
- Une loi ne peut être un facteur de lutte ou d’encouragement. Sa valeur tient à son application sur le terrain, c’est-à- dire ce que les magistrats et les services de la police judiciaire en font. A mon avis, la loi 01/06 est inopportune. On a focalisé sur un texte, et dès qu’il a été mis au point, c’est l’autosatisfaction. Savez-vous que nous sommes l’un des rares pays à avoir promulgué un texte spécial pour la lutte contre la corruption. Des pays comme la France, ou nos voisins immédiats, ont plutôt modifié leur code pénal. Alors, je me demande si l’Algérie avait besoin d’une loi spéciale, d’autant que notre code pénal était en mesure de prendre en charge le phénomène et il le faisait bien d’ailleurs. Moi je pense que nous n’avions pas besoin de ce texte. Maintenant, concernant la correctionnalisation, de mon point de vue, elle est inopportune, parce qu’elle a coïncidé avec les affaires qui portent sur des milliards de dinars. En tant que juriste, je me pose des questions. Pourquoi correctionnaliser et pourquoi maintenant ? Je ne prête aucune intention à quiconque, mais c’est une coïncidence qui suscite des interrogations. De plus, cette correctionnalisation n’a pas été suivie de mesures d’accompagnement. Pour être plus pratique, correctionnaliser c’est renvoyer une affaire de détournement de dizaines, voire de centaines de milliards de dinars, devant un tribunal présidé par un juge unique, qui peut être fraîchement sorti de l’Ecole de la magistrature. Sans pour autant juger la qualité des magistrats issus de cette école, surtout pour certains jeunes, notamment les femmes, et qui sont excellents, ce sont en général des juges qui n’ont aucune expérience. Prendre de telles affaires est un danger pour eux, au risque de bâcler le dossier, mais également pour le prévenu qui peut ne pas avoir droit à un procès équitable. Je pense qu’il aurait fallu revoir d’abord la composition des tribunaux, revenir peut- être à la collégialité avant de correctionnaliser les crimes économiques. Le juge unique, c’est uniquement depuis 1993. Avant, la décision était collégiale. De plus, ce même juge unique est tenu de rendre un certain nombre de décisions par audience et ces affaires sont souvent noyées dans le lot de centaines de dossiers à juger. Le deuxième point que j’estime important concerne les investigations, c’est-à-dire la constatation et la recherche des infractions. Ceux qui défendent la loi 01/06 disent que ce texte a prévu des techniques spéciales d’investigation comme l’infiltration, la surveillance électronique, etc, considérées comme étant ses points forts. Mais ce mécanisme est dépassé depuis la loi du 20 décembre 2006 relative au code de procédure pénale. Plus grave, les infractions de change, qui sont minimes par rapport à la corruption et au détournement, et qui peuvent être d’ailleurs réglées par la voie transactionnelle, sont citées parmi les sept infractions spéciales qui permettent à la police judiciaire d’avoir des pouvoirs exorbitants et spéciaux pour mener l’enquête. Pourtant, la corruption et les détournements qui sont des faits plus graves ne figurent pas parmi les infractions pour lesquelles le nouveau code de procédure pénale a prévu de nouveaux mécanismes d’investigation et de recherche. Les infractions spéciales sont le trafic de drogue, les crimes transnationaux, les atteintes aux systèmes de traitement automatique de données, le blanchiment d’argent, le terrorisme et les infractions liées à la législation de change, qui sont tous, exception faite pour le terrorisme, des délits et pour lesquels il a été prévu une extension des compétences pour la police judiciaire qui peut désormais mener son enquête sur tout le territoire national. Mieux encore, le texte a prévu même des pôles spécialisés avec des juges spécialisés. Vous savez, en matière d’investigation de corruption et de détournement de deniers publics, le juge d’instruction est tenu par un délai en matière de détention provisoire qui ne doit pas dépasser les 8 mois. On lui donne une affaire de centaines de milliards de dinars et on lui demande de ne pas dépasser ce délai en matière de détention. Automatiquement, on aboutit à une instruction bâclée parce le juge d’instruction n’a pas eu de temps ni de moyens, comme ceux des juges des pôles. Dans le meilleur des cas, le pauvre juge unique va se retrouver avec une instruction inachevée. C’est un danger aussi bien pour l’Etat que pour la société. C’est un danger pour l’Etat parce que, faute d’avoir suffisamment de moyens pour ramener des preuves, des délinquants peuvent se retrouver en liberté. Cela peut être un danger pour le prévenu lui-même puisque ce dernier risque d’être condamné sans qu’il y ait de charges probantes en raison de la précipitation. Lorsque je dis que je suis contre la correctionnalisation, ce n’est pas par souci pour plus de répression, mais par souci de justice qui, elle, nécessite du temps. Il faut donner du temps aux dossiers lourds et la qualification délictuelle avec la pression de la société et de tout l’environnement qui l’entourent ne permettent pas cette sérénité nécessaire au traitement convenable de ce genre de dossiers.
- Selon vous, sommes-nous devant une omission ou d’une volonté délibérée de faire de ce texte une loi sans effet ?
- Je pense qu’il s’agit plutôt d’une omission. Nos lois sont très mal rédigées. Il n’y a pas de cohérence et de concordance dans nos textes. Une simple lecture de la version arabe et de celle en langue française suffit pour relever de graves anomalies, notamment de terminologie mais aussi d’omission. Par exemple, dans l’article 29, vous trouvez l’usage illicite des biens dans la version arabe, mais pas en français. L’article 35 stipule dans sa version française « que tout agent qui prend, reçoit ou conserve des intérêts » alors qu’en arabe, on ne retrouve pas la notion de conservation. L’article 31 qui fait état de cas de soustraction des droits et taxes par les agents publics, cite dans sa version française les taxes, alors que celles-ci ne sont pas mentionnées dans le texte en langue arabe. Plus grave, l’agent public est désigné comme fonctionnaire alors qu’en réalité ce n’est pas le cas. En fait, ceux qui ont élaboré ce texte ont copié la convention internationale de lutte contre la corruption presque intégralement avec une terminologie moyen-orientale au lieu de l’algérianiser pour la rendre plus conforme à notre environnement et notre culture. Lors des débats au niveau du Parlement, même les députés n’ont pas relevé ces incohérences qui, faut-il le préciser, peuvent changer le cours d’une affaire en cas de mauvaise interprétation par l’une au l’autre partie au procès.
- Pensez-vous que l’ancien texte était plus adéquat pour lutter contre la corruption ?
- L’ancienne loi méritait d’être revue. Cela a été fait dans un premier temps avec la suppression de la peine capitale pour les crimes économiques. Je pense que nous aurions pu aller vers un deuxième pas, en supprimant la peine perpétuelle et garder des sanctions criminelles comprises entre 10 et 20 ans, selon les montants détournés.
- Etes-vous pour le retour à une hiérarchisation des peines selon les montants, comme cela était le cas auparavant ?
- Je suis plutôt pour fixer un montant symbole qui fait la différence entre le crime et le délit. Par exemple, mettre un seuil de 10 millions de dinars, au-dessous duquel l’acte est qualifié de délit et sera puni par des peines légères. Si le montant est égal ou supérieur à ce seuil, il sera prévu des peines sévères allant de 10 à 20 ans. Il est vrai que le texte prévoit des peines complémentaires, comme la confiscation par exemple, mais cela n’est pas nouveau. Elles existaient dans le code pénal. Il n’y a que la restitution des biens mal acquis qui constitue une nouvelle disposition. Il aurait peut-être fallu juste revoir ce code et combler ses failles. Nous n’avions pas besoin d’une loi spécifique et le débat n’est pas d’ordre juridique mais plutôt d’opportunité.
- Certains magistrats affirment qu’auparavant ils avaient les mains ligotées par cette disposition pénale qui faisait de la plainte préalable des organes sociaux, une obligation quand il s’agit de détournement au sein d’une institution publique. Etes-vous d’accord avec eux ?
- La plainte préalable n’existait pas en matière de corruption. Elle a été introduite pour le détournement, mais uniquement lorsqu’il s’agit d’entreprise publique. En fait, l’article 119 du code de procédure pénale, puisqu’il s’agit de lui, était mal rédigé et prêtait à confusion. Ce qui a suscité un débat sur la nécessité ou non d’une plainte pour ouvrir une enquête. Mais il fallait juste modifier la loi. Nous ne sommes pas devant le Coran, et même si c’était le cas, il y a « Al ijtihad » (la jurisprudence).
- Cela revient à dire qu’une telle loi n’aide pas à avancer en matière de lutte contre la corruption ?
- Nous n’avons pas avancé dans ce domaine. Je pense qu’avec une correctionnalisation sans mesures d’accompagnement nous avons régressé. Le seul domaine où nous avons avancé est celui de la formation des magistrats. Je pense qu’il faut souligner l’effort consenti pour former les magistrats des tribunaux, surtout dans la lutte contre la criminalité économique.
- Même s’il est bien formé, pensez-vous qu’un juge peut évoluer dans un environnement qui encourage ou incite à la corruption ?
- Pas du tout. Le juge est le dernier maillon de la chaîne. Il est là pour distribuer des peines. Le mécanisme prévu par la loi sur la corruption et qui peut justifier ce texte spécial fait état de l’institution d’un organe national de prévention contre ce fléau, mais à ce jour il n’a même pas été mis en place. De plus, j’ai des doutes quant à son efficacité et je suis persuadé qu’il ne fera pas avancer les choses. La corruption est un problème de gouvernance et d’environnement. Ce n’est pas en multipliant les organes de lutte que nous allons combattre le fléau. Il faut tarir la source et là je reviens à la moralisation de la vie publique, la bonne gouvernance, la démocratie, etc. Aussi, il faut doter les services de police judiciaire de moyens pour les aider à mener leurs missions, dont celle de lutter contre la corruption.
- Mais lorsque ces mêmes services sont éclaboussés par des affaires de corruption, peuvent-ils réellement assumer leur mission ?
- C’est vrai, c’est un environnement général et lorsque ces services sont éclaboussés par ce genre d’affaires, dans ce cas-là, il n’y a rien à faire. Les plus parfaites des lois ne peuvent venir à bout de la corruption s’il y a une mauvaise gouvernance ou un environnement malsain. Dans un environnement idéal, où les magistrats appliquent correctement la loi, où les services de la police judiciaire mènent de bonnes investigations, même si la loi est mauvaise elle donnera des résultats.
- Que faut-il faire alors ? Une volonté politique claire de lutte contre la corruption ou plutôt de nouveaux textes plus répressifs ?
- Le problème de fond est celui de la bonne gouvernance et de la démocratie. Remarquez le classement des pays où sévit la corruption. Les plus corrompus sont ceux où la démocratie est absente et où la mauvaise gouvernance est maîtresse. Les mieux classés sont connus pour leurs régimes transparents et démocratiques.

Par Salima Tlemçani

Tout est relatif, sauf l’absolu

Comparaison n’est pas raison, cette expression est assez connue pour avoir raison. Il y a quelques jours, et pour expliquer l’interdiction d’un ouvrage, le commissaire du Salon du livre (si si, il s’appelle comme ça), n’a rien trouvé de mieux que d’invoquer l’argument classique de la tradition (non, nous ne sommes pas comme les autres).

Il expliquait que tout comme le Salon de Paris ou de Beyrouth, il y a des interdits, appuyant sa démonstration avec un « l’ENTV n’est pas Canal+ ». Sauf que tout le monde sait que ces deux chaînes ne font pas le même métier, et pas uniquement sur l’érotisme ou les seins nus. Lors des émeutes de Diar Echems, Canal + a montré les images de cette colère, alors que l’unique télévision algérienne ne l’a pas fait, bien que située à 100 mètres du lieu de l’événement.

Dans le même ordre d’idées et pour bien faire aussi, Khalida Toumi a comparé El Djezaïri, auteur de Poutakhine, à Roger Garaudy, interdit de publication en France. D’autres se sont déjà chargés de lui répondre, les ouvrages de Garaudy ont été interdits par une décision de justice, même si on peut ne pas être d’accord.

Et alors ? En se comparant aux modèles développés, l’Algérie est loin des standards et le commissaire du salon, tout comme la brigadière Khalida Toumi le savent. En se comparant aux modèles moins nantis, l’Algérie est relativement située en bonne place.

Le dernier groupe de Tunisiens fuyant leur pays pour se réfugier ici en traversant clandestinement la frontière, invoquant leurs difficultés socioéconomiques, ont contribué, avec l’incarcération de Touafik Ben Brick, à défaire l’image d’une Tunisie qui marche, malgré les félicitations de l’avocat Ksentini, dépêché chez notre voisin en qualité d’observateur positif pour la réélection de Ben Ali. Peut-on comparer l’Algérie ? Oui et non. Un footballeur dirait que de toute façon, l’Algérie c’est mieux que l’Egypte.

Par Chawki Amari

Sénatoriales : l’illégitimité au deuxième degré

Depuis quelques jours et jusqu’à la mi-décembre, la république de la rente sera aux petits soins avec les obscurs intermittents de la politique. Ces élus locaux (APC – APW) pour lesquels, subitement, rien n’est suffisamment beau pour les amadouer. Clientèle peu farouche, elle est le corps électoral exclusif pour conquérir le très rémunérateur maroquin de sénateur. Une sinécure qui flatte l’ego et ouvre les perspectives d’une retraite dorée. C’est donc une discrète bourse des voix qui se met en place où certaines valeurs ont des cotes que ne possèdent pas les autres.

En clair, la corruption par des dessous de table et autres libéralités est en marche ici et là. Partout ! Sans crainte quant à cette comédie des urnes, le pouvoir ferme les yeux sur ces marchandages peu conformes à l’éthique politique. C’est que les futurs impétrants, délégués des vastes terres, sont pour la plupart d’authentiques vassaux qui ont peu ou prou fait leur preuve. Elus des élus, ils seront estampillés comme des illégitimes au second degré quand on sait que les dernières consultations locales se sont soldées par une abstention massive. Issus des baronnies politiques locales, ils arriveront à l’hémicycle précédés fatalement par quelques réputations peu engageantes.

De celles qui les désignent non pas pour leurs compétences et leur probité mais de leur contraire. Manœuvriers sans scrupules mais avec parrains, ils seraient les seuls à avoir su capter les méandres du jeu dans leur wilaya et notamment avoir été capables «d’arroser» amis, adversaires et jusqu’aux scrutateurs ! Il est vrai que nos «chouyoukhs» ont de qui tenir dans les domaines de la rouerie et la duplicité politicarde.

Dans l’ensemble, ils ont eu la même éducation idéologique. Celle qui les a convaincus que parmi les qualités «majeures» de la militance, il y a l’astuce, le double discours, les reniements, le flair des opportunités, l’entrisme et, enfin, la prédation pour survivre. Ainsi à la médiocrité crasse caractérisant ces «Rastignac» de village s’ajoutera chez eux un appétit vorace de biens matériels. Ils sont par conséquent le produit d’un cheminement politique tout à fait à l’opposé de ce qui était initialement recherché à travers ce bicamérisme institué en 1996.

Un dérisoire détournement d’une assise du pouvoir législatif qui a fini par discréditer cette architecture institutionnelle et démonétiser pour longtemps son rôle de contrôle et censure de l’Exécutif. Bien sûr, on peut en dire autant de nos députés à la différence essentielle que les sénateurs sont des élus «quasi clandestins » dont nul citoyen de base ne retient les noms, voire se reconnaisse en leur délégation à cette fonction. Après quinze années d’existence et globalement trois renouvellements, ne pose-t-il pas de nos jours le problème inhérent à son efficacité ? Dans un récent éditorial ( El Watan du 27 octobre), cet aspect est d’ailleurs clairement exposé. «(...) Il s’agit (...) de s’interroger si le Sénat tel qu’il a fonctionné jusqu’ici (...) a sa raison d’être dans le paysage institutionnel», écrit l’auteur du commentaire.

Cette deuxième chambre, tant courtisée et dont on veut briguer un siège, est en définitive perçue comme une coûteuse officine uniquement destinée à perpétuer le clientélisme du régime. Sa remise en cause a également des prolongements locaux autrement plus sensibles. Ainsi, le critérium du choix des hommes et les magouilles qui en découlent ont, chaque fois, suscité de légitimes rejets quant à sa «représentativité» nationale.

En s’inspirant fortement du modèle français, la Constitution de 1996 avait dévolu au Conseil de la nation la représentation spatiale des régions (wilayas) alors que l’APN, elle, est l’émanation des circonscriptions établies sur une base démographique. Les constitutionnalistes nous expliquaient alors que ce bicamérisme était destiné à corriger la sur-représentativité des zones à forte démographie d’une part et d’autre part à devenir un verrou dans l’élaboration de la loi afin de se prémunir des dérives islamistes à travers le fameux «tiers présidentiel ».

Mais si dans les faits cette exigence ancienne convainc de moins en mois l’opinion actuelle, c’est notamment parce que les motifs invoqués à l’origine n’ont plus aucun sens dans le contexte actuel. D’où le corollaire interrogatif suivant : pourquoi le chef de l’Etat continue-t-il à exercer ce pouvoir discrétionnaire lui permettant de nommer par le simple fait du prince un panel de sénateurs dans une institution théoriquement élective ? De cet héritage «zeroualien », son successeur s’en accommode parfaitement et lui trouve de surcroît un meilleur usage. Source d’allégeance, il lui permet de conduire le pays avec un personnel politique aux ordres même quand celui-ci siège dans les Assemblées réputées électives.

Il est significatif que la «réformette » constitutionnelle du 12 novembre 2008 ait justement épargné les articles concernant l’organisation du pouvoir législatif. La raison en est simple : l’habillage en question, que le régime a trouvé à son arrivée en 1999, convenait parfaitement à ses ambitions. A l’usage n’a-t-il pas par le passé montré et démontré ce qu’il pouvait en faire ?

Souvenons-nous de la destitution intempestive de son premier président Bachir Boumaza et de son remplacement par feu Mohamed-Chérif Messaâdia. Mieux ou pis, l’entorse à toute règle organique qui l’a autorisé à designer Bensalah alors qu’il venait d’être «élu» député à l’APN. Loin d’être une auguste Assemblée soucieuse des tables de la loi de la République, ce Conseil de la nation en est réduit à faire la claque. Une tâche de tout repos que tous les petits barons de province courent après lors de l’ouverture de la chasse.

Par Boubakeur Hamidechi

Quand j’entends ad hoc, c’est que Tintin et Milou ne sont pas loin !



Par Hakim Laâlam  
Email : laalamh@yahoo.fr

Sur Internet, Benbitour lance une initiative pour sauver l’Algérie. 

Eepad ou Fawri ?

Je tenais à être parmi les premiers à la féliciter ! Car il lui faut bien ça à Madame La Corruption. Des félicitations en bonne et due forme pour le magnifique cadeau qu’on vient de lui faire en Algérie. Une bonne, une belle, une bien dodue, une bien grasse et bien potelée commission ad hoc chargée officiellement de lui mener la vie dure. Hi ! Hi ! Ho ! Ho ! Ha ! Ha ! Je ne sais pas si du point de vue de la sonorité, je le fais bien, si le rendu est fidèle, mais il s’agit de la série d’onomatopées exprimant le fou rire de Madame La Corruption lorsqu’elle a appris que l’Algérie avait vaillamment décidé de lui faire face, de lui barrer le chemin à l’aide d’une commission ad hoc. Ah ! Cette bonne vieille connaissance ! Qui ne connaît pas chez nous la star des commissions, la commission ad hoc ? Enfants, bébés, même dans votre berceau vous savez qu’elle n’est pas très loin. Vous grandissez, et elle vous accompagne, fidèle et ponctuelle. Cycliquement, elle revient nous voir, nous côtoyer et nous faire sourire… jaune. D’ailleurs, avec le temps, nous avons appris. Appris que la meilleure amie de Madame La Corruption, c’est cette autre Madame, la Commission ad hoc. Ces deux-là sont cul et chemise. Complices au diable ! Friponnes à souhait. Polissonnes comme deux lycéennes qui font le mur du pensionnat pour aller danser. D’ailleurs, les deux ne s’y trompent pas. Lorsque Madame La Corruption apprend qu’on lui envoie Madame La Commission ad hoc, elle sait, la gourmande que les vacances, dans tout ce qu’elles symbolisent comme farniente et possibilité de s’éclater, vont commencer. Même chose pour Madame La Commission ad hoc. Dès qu’elle est désignée pour se mettre sur le dos de sa copine, elle enfile ses lunettes solaires, se couvre de crème anti-UV, s’allonge sur le fauteuil de plage et ferme les yeux. Mmmmmm ! Que c’est bon de fermer les yeux, de ne rien voir, de ne rien entendre, de ne rien faire, sauf, de temps à autre, d’un geste lascif et presque à contrecœur d’écraser deux ou trois mouches. Parmi les plus petites, bien sûr. Car il faut toujours penser à protéger la nature si généreuse, n’est-ce pas ? Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.

H. L. 

Une émission foot sur Canal+ écarte les Algériens

«Qui a dit que nous allions perdre 2 à 0 en Egypte?»
Mohamed Raouraoua, président de la FAF

Canal+ Maghreb compte mettre le paquet sur le football à l’approche de la Coupe du Monde 2010 où deux équipes maghrébines, l’Algérie et la Tunisie, sont sur le point de se qualifier à la phase finale. La nouvelle émission de Canal +, intitulée «Les spécialistes Maghreb», est dédiée à l’actualité du football en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Le football européen est également au programme de «Les spécialistes Maghreb» avec les principaux championnats. Mais pourtant, c’est sur le Maroc que la direction de Canal+ Maghreb a misé, alors que les Lions de l’Atlas sont éliminés de la phase finale de la Coupe du Monde 2010.

En effet, l’émission «Les spécialistes Maghreb» est animée par le trio marocain. Younès Belasry, entouré de deux chroniqueurs marocains, Amine Rahmouni et Ibtissam Koutaïbi, la seule femme sur ce plateau maghrébin. Les autres sont l’Algérien Saïd Haddouche, deux autres Marocains comme l’ancien sélectionneur des Lions de l’Atlas, Abdelkhalek Louzani et Hicham El Khlifi, et enfin le Tunisien Khaled Hosni, sans doute le plus racé de sa génération, puisque ce dernier est déjà consultant sur ART Sport. Au total, cinq journalistes marocains seront présents sur un plateau face à un analyste algérien et un analyste tunisien.

L’émission devra s’appeler dans ce cas-là «Les spécialistes du Maroc». On ignore pourquoi Canal+ Maghreb n’a sollicité aucun consultant algérien local, mis à part Haddouche qui est une valeur sûre du «coaching» et de l’analyse footballistique en Belgique et qui a été découvert par Hafid Derradji dans sa défunte émission «Malaâb al aâlem». Ensemble, ils ont pour mission de décrypter et d’analyser toute l’actualité du football. Au programme également de l’émission: résumé des championnats en Algérie, Maroc, Tunisie et en Europe, avec analyse et images à l’appui et différentes chroniques telles que «le plus beau but» et «les actions insolites de la semaine» et bien d’autres surprises...

L’émission vous entraînera dans le football et ses coulisses. Le baptême du feu aura lieu mercredi 4 novembre à 19h05 et à 00h35 sur Canal+ Maghreb. Néanmoins, cette émission risque d’être sévèrement critiquée en Algérie et même en Tunisie, car il est quand même inconcevable, voire aberrant, que les Algériens qui sont favoris pour aller au Mondial, qui ont une équipe cadette participante au Mondial des - 17 ans, et qui possède une pléiade d’analystes en football, reconnus mondialement comme Mahieddine Khalef ou encore Rabah Madjer (qui est actuellement sans contrat) ne soient pas sollicités pour renforcer cette émission qui a tous les moyens de réussir.

Un choix d’animateur et de chroniqueur déséquilibré, (comme sur ART, là encore, les Egyptiens dominent) qui démontre une nouvelle fois la volonté de Canal+ Maghreb de se rapprocher un peu plus du Maroc alors que l’Algérie a plus de compétences pour occuper actuellement la scène footballistique maghrébine, voire africaine et mondiale. Quand on voit Zidane faire un spot pour soutenir l’Equipe nationale, cela démontre la force de l’Algérie et de ses footballeurs dans le monde pénétrable de l’image et du son.

Amira SOLTANE

Les petites affaires françaises

Pour désigner le premier secrétaire de leur parti, les socialistes français, pourtant très donneurs de leçons sur la rectitude morale, n'ont pas vraiment été un exemple de vertu.

Un vote trituré, des accusations à n'en plus finir entre les deux camps, des menaces d'investir la rue et de recourir à la justice, jamais élection en France n'aura été aussi agitée et jamais elle n'aura tardé à ce point pour livrer son verdict.

Dans la foulée, l'une de ses figures emblématiques, Julien Dray, venait d'être éclaboussée par une affaire de détournement dans les caisses de SOS racisme et une autre association alors que son train de vie avait suscité des interrogations des années durant.

L'affaire n'est pas terminée. A droite, c'est Clearstream qui a alimenté la chronique politico-judiciaires et va sans doute continuer à l'alimenter jusqu'au verdict.

L'aboutissement de ce procès ne sera certainement pas une banale formalité. L'affaire concerne tout de même un ancien chef du gouvernement, ministre des affaires étrangères au moment des faits et un ministre de l'intérieur devenu président de la république.

Et non seulement ils étaient rivaux quand «la chose» est arrivée, mais l'histoire pourrait très bien se répéter à la prochaine présidentielle si, toutefois, Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin s'en sortent avec un minimum de dégâts, ce qui est vraisemblable.

Pour des raisons évidentes, les deux hommes ne vont pas se présenter à ce «match retour» à armes égales et Clearstream y sera bien évidemment pour quelque chose.

Dernière affaire en date, la justice française connaît un moment historique avec le renvoi de Jacques Chirac en correctionnelle, décision sans précédent pour un ancien chef de l'Etat depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Dans toute l'histoire du pays, deux chefs d'Etat seulement sont passés en jugement, Philippe Pétain pour sa collaboration avec l'Allemagne nazie et Louis XVI sous la Révolution.

La décision de renvoyer Jacques Chirac en correctionnelle pour «abus de confiance et détournement de fonds publics», qui vise une affaire relative à ses mandats de maire de Paris (1977-1995), retient contre lui 21 emplois présumés fictifs à son cabinet entre 1992 et 1995, selon des sources judiciaires largement relayées par la presse française.

Grand paradoxe, cette histoire ressurgit alors que l'ancien président de la république n'a jamais été aussi populaire. Heureux de la sympathie que lui témoignent ses compatriotes, mais lucide, il affirmait récemment qu'il comprenait qu'on apprécie mieux les hommes politiques quand ils sont loin des affaires du pays.

Le problème c’est qu'il n'est même pas évident que les français continuent à garder de lui cette image de grand-père tranquille qui veut se rendre utile là où son nouveau statut le permet. Les petites affaires bien à la française rattrapent un peu trop de monde et en même temps.

Slimane Laouari

Etat de droit et prévention

Lorsque le président de la République insiste sur le nécessaire passage par l’Etat de droit, le respect des lois partout et par tous, il met à sa manière le doigt sur des plaies qui contaminent la société algérienne. Au marché de la prédation, de la corruption à grande échelle, des détournements de l’argent public à travers de grands ruisseaux de monnaies qui se convertissent toutes dans les rues de n’importe quelle ville, l’Algérie se corrompt et perd ses énergies.

A l’évidence, tant que la justice ne sera pas au-dessus des personnes et des clans, tant qu’elle ne sera pas indépendante du pouvoir politique et de l’administration, il serait vain de vouloir un pays moderne, développé, au diapason de l’humanité évoluée. Cependant, «les faits sont têtus» Des courants, des rentes gigantesques, le grand banditisme et le terrorisme, des personnages hauts placés opèrent des jonctions, sont organisés pour réduire à néant les discours récurrents de M. Bouteflika, la lutte des institutions et d’honnêtes fonctionnaires par milliers qui résistent sur le terrain des scandales financiers.

Ces derniers s’étalent dans la presse, dans les tribunaux, dans les cafés et les salons plus ou moins feutrés. Des noms sont cités, parfois sans les précautions d’usage, sans respect pour la présomption d’innocence et, parmi des «hauts placés» qui observent le mutisme total, assimilé à du mépris. En réalité, il y a des responsables qui s’estiment descendus de la «la cuisse de Jupiter», intouchables parce qu’ils sont protégés et protègent. Ils sont arrosés et arrosent à tout va. De fait, les premières victimes sont la confiance qui doit régner entre l’Etat et la société, l’économie du pays et les générations futures «volées» avant d’atteindre l’âge adulte pour se poser les questions qui tuent : faut-il tenter la harga, verser dans la violence ou chercher à l’infini un emploi ?

Les derniers rebondissements, du moins ceux qui ont été médiatisés, et il est toujours utile de les porter à la connaissance de l’opinion publique, reposent encore des problématiques cruciales. Le logement, les bidonvilles qui ne connaissent pas une approche rigoureuse pour leur éradication selon des échéanciers affichés, la politique industrielle à chaque fois revisitée, la réforme de l’enseignement qui doit intégrer cette richesse qu’est le pluralisme linguistique, et d’autres sujets qui fâchent bloquent les évolutions du pays et sèment toutes les graines pour des émeutes, des violences qui seront forcément capitalisées.

Mais au profit de qui, de quoi ?Les cautères, la fuite en avant, l’usage de la répression au lieu de la prévention, l’éducation et la libre information dans les médias lourds, le mouvement associatif, dans les mairies sont les meilleurs vaccins.

Par Abdou B.

La haine? C’est... auto-idiot

Il y a une catégorie de voleurs que n’aiment ni les magistrats, ni les victimes, ni les curieux, ni même les... avocats, même les leurs. Et ça c’est... criminel, car l’autoflagellation, c’est illicite.

Ibrahim M. est un voleur d’autoradios dont il a voulu en faire sa spécialité. Le comble, c’est lorsque ce prévenu était à la barre pour répondre de ses actes, cinq automobilistes résidant à la Cité El Amal du plateau des Annassers, Kouba, déposaient plainte pour destruction de biens d’autrui (vitres) suivie de vol d’autoradios, entre autres... Mais il y a cet article 350 qui évoque ce maudit délit de vol. Une catastrophe pour les inculpés et une bouée pour les juges. Devant Selma Bedri, ce jeudi en superforme, l’intransigeante présidente du pénal, le défenseur d’Ibrahim M., Maître Djamel Fodil, a dû s’inspirer très tôt pour trouver la parade à l’inculpation. Il avait les moyens de sa plaidoirie, comme toujours dans ces dossiers.

En effet, la particularité du vol du poste radio réside dans le fait qu’il a été revendu à un voisin, lequel l’ayant reconnu, l’a restitué à son propriétaire qui, magnanime, s’est réconcilié avec le jeune malfaiteur. Réconcilier! C’est le verbe dont se «saisira» Maître Fodil pour bâtir sa plaidoirie. Il dit avec force conviction: «Puisque le président de la République est engagé dans la voie de la réconciliation, le tribunal ne peut que prendre en considération la réconciliation des voisins - prévenu - receleur et victime», récite le visage, éclairé d’un minisourire l’avocat, qui prend la précaution avec beaucoup d’élégance dans la gestuelle et dans l’énoncé du verbe allant dans le sens de l’opportunité des poursuites, arme absolue de tout représentant du ministère public ou encore un adjoint du procureur de préciser que même si l’action publique court toujours, le président a l’autorité nécessaire pour accorder le sursis à son client, et de vite préciser: «Il s’agit, évidemment, Mme la présidente, du président de l’audience pénal.»

Bedri montre sa belle dentition blanche. Et ici, ce n’est pas au juge qu’on peut la jouer. Elle va d’abord savonner l’inculpé. Puis elle rendra hommage au receleur qui a eu un réflexe de civisme avant de tonner: «Je me demande si vous auriez restitué le machin volé si vous n’aviez pas reconnu le véritable propriétaire... hum... hum...», balance, ravie les yeux grands ouverts, la présidente qui ne perd pas de temps. Elle est même ravie car elle vient de constater qu’Ibrahim est dans un état lamentable, lui qui a tant chapardé mais qui s’est fait prendre pour la première fois de sa vie. Il donne l’impression d’attendre le verdict. Il ne cesse de regarder en direction de la représentante du ministère public comme pour la prier de ne pas effectuer de fortes et catastrophiques demandes.

Juste après que Nadia Belkacem, la procureure eut requit deux ans de prison ferme, l’inculpé resta cinq secondes interdit comme s’il venait de recevoir un coup de poing au bas de la nuque. La victime eut, à ce moment quelque chose de particulier dans le regard. Elle avait presque envie de crier: «Vive le parquet!» «Vive le ministère public et vive l’opportunité des poursuites!» Mais elle ne connaissait rien de ces concepts propres à la justice. L’avocat Fodil attendait la sentence. Mais Bedri ne se précipite pas. Elle laisse l’énoncé du verdict en fin d’audience.

Deux heures et demie plus tard, elle revient, les yeux rouges après dix heures de siège, d’examen de dossiers et de conscience. Ibrahim M. est condamné à six mois ferme. Nous étions loin des deux ans! Et Maître Fodil Djamel de pavoiser... car il a vite réalisé que le verdict était un bon cadeau du... 1er-Novembre! Quant à la jeune juge Selma Bedri, elle donne la nette impression de vouloir avancer dans ses exercices hebdomadaires, des exercices qui font qu’elle prend toujours un malin plaisir à entrer dans la salle d’audience avec des leçons bien apprises, la veille de l’audience.

Abdellatif TOUALBIA

L’ENTV est-elle un média ?

Parmi tous ceux, nombreux, qui ont suivi les événements de Diar Echems de ces derniers jours, il en est certains qui vous diront qu’on assiste à une énième édition du lynchage de l’Algérie en bonne et due forme par certains médias étrangers, qui n’ont pas spécialement en ligne éditoriale la promotion de l’image de l’Algérie dans le monde.

Du coup, ces derniers restent dans leur rôle de médias étrangers à l’Algérie et parfois même hostiles. La question n’est donc pas tant si ces médias disent du mal ou du bien de nous, mais plutôt, que font nos médias à nous pour commenter la situation et l’expliquer ? L’ENTV aurait pu entre deux «kaâdat», entre deux «hissass», entre deux feuilletons à l’eau de rose commenter ce tragique événement en l’abordant sous un angle différent de cet angle souvent loin d’être désintéressé, prisé par ces «Medi1», «Al jazeera» et autres.

Ainsi, par exemple, par pure hypothèse, dénoncer la gestion chaotique de la situation de ces citoyens, d’autant qu’ El Watan,dans son édition du vendredi 23 octobre dernier, nous rapportait qu’un haut responsable aurait déclaré ingénument au quotidien Liberté que «nous avons été sensibles aux cas de 1 400 familles vivant dans des F1 et des F2 depuis 1958» ! Ou alors dénoncer la méthode brouillon, voire anarchique, choisie par ces citoyens pour revendiquer leurs droits. En bref, dire n’importe quoi mais dire quelque chose ! Dans un monde où la «com» prend tout l’espace, il reste certain qu’à défaut d’un autre son de cloche, on se contente du son ambiant.

Bien sûr que la situation est difficile à expliquer, bien sûr que la situation est grave, mais au-delà de l’événement, au delà des images, certes, choquantes, a-t-on un instant pensé aux conséquences d’une opinion publique forgée de la main d’un média étranger, souvent hostile, non seulement au régime, mais pis à l’Algérie en tant qu’Etat indépendant. Nos préposés aux médias Censés être la version de cloche locale, la voie de l’Algérie, sont absents et regardent ailleurs. A l’ère du câble, du satellite, la télévision algérienne ne semble pas trop être au courant qu’il existe d’autres canaux médiatiques que l’ENTV.

Que oui ! Il existe des canaux médiatiques autres que le vôtre Messieurs et Mesdames de l’ENTV. La plus pathétique des autruches n’aurait pas trouvé meilleure posture. Pourquoi l’Algérien devrait s’informer de ce qui se passe dans son pays par le biais des télés étrangères ? Télés qui ne se privent pas, du reste, en l’absence de position contradictoire, de déverser leurs venins.

«L’affaire» Diar Echems, une aubaine d’audience pour certains médias destinés à un public essentiellement algérien. Ils font mine de nous informer, mais que de sous-entendus, d’allégories et de suppositoires indolores. Cela dit, à choisir, je préfère avaler des salades et être pris pour un semblant d’être humain que de jeûner, la panse vide, et de n’être considéré que comme un moins que rien, incapable d’assimiler. Au moins, ça a le mérite de remplir le vide.

Transparence

Ayant compris que le business ne se limite pas au seul commerce, certains pays changent leur fusil d’épaule et peaufinent d’ores et déjà une approche plus structurante bénéfique pour l’Algérie qui fait étal de ses nombreux marchés.

L’Algérie des années 1990 n’avait trouvé personne à son chevet d’état malade. Autant elle était fuie comme la peste, autant aujourd’hui ceux qui nous toisaient hier se bousculent aux antichambres des départements ministériels. Le business a chassé d’une pichenette les fondamentaux des premières libertés.

Londres, hier refuge des islamistes, devient, le temps d’une rencontre, notre défenseur le plus acharné face à une Union européenne qui a du mal à trouver ses marques avec les pays de la rive sud, lesquels, il n’y a pas très longtemps, étaient encore des colonies juste bonnes à fournir matières premières et chair à canon. Pour certains pays européens, l’orgueil a du mal à être digéré et il n’en faut pas plus pour que ce soit la Grande-Bretagne, absente de la zone euro et de l’espace Schengen, qui vienne dénoncer le paternalisme de certains.

Le prochain round des négociations, qui portera dès septembre 2010 sur la révision de l’accord entre l’Algérie et l’Union européenne, s’annonce dur et acharné si l’on en juge par les premières passes d’armes provoquées par la loi de finances complémentaire par certains de ses articles jugés restrictifs plus par les hommes d’affaires que par les investisseurs étrangers. Il en a découlé une diminution des flux financiers dans les relations économiques bilatérales, et ce, avec tous les pays même hors UE comme par exemple la Turquie.
Ayant compris que le business ne se limite pas au seul commerce, certains pays changent leur fusil d’épaule et peaufinent d’ores et déjà une approche plus structurante, bénéfique pour l’Algérie qui fait étal de ses nombreux marchés.

Le pragmatisme semble prévaloir, et c’est tant mieux, et aux pouvoirs publics algériens de faire montre d’une plus grande ouverture d’esprit, tout en assumant jusqu’au bout les projets qu’ils veulent porter. Cela passe par une transparence dans la passation des marchés, des facilitations qui existent partout ailleurs (foncier industriel, infrastructures de base) et des textes réglementaires qui ne changent pas au gré des responsables.

L’heure du gagnant-gagnant sera dure à mettre en œuvre tant que les puissances d’inertie et les différentes échelles de corruption continueront à miner les volontés de part et d’autre et à sucer en parasite ceux qui s’échinent à travailler.

Par : Outoudert Abrous

Les émeutiers de Diar Echems ont eu gain de cause

Le cercle de feu

La géostratégie s’est enrichie d’un nouveau concept, l’AFPAK pour Afghanistan et Pakistan. Mais ce sont aussi et peut-être surtout pour ceux qui ont tenu à les mettre côte à côte, cinq lettres qui désignent à leurs yeux la pire menace. Ou encore un cercle de feu qui parcourt ces deux pays.

D’ailleurs, Mme Hillary Clinton a pu mesurer toute l’intensité de cette pression lors de son séjour au Pakistan, se rendant ainsi compte de la complexité de la situation. Elle a voulu prendre l’exacte mesure de la situation qui, avec l’Afghanistan, accapare les plus hautes autorités américaines jusqu’au président Barack Obama pressé de dévoiler sa nouvelle stratégie.

La presse américaine vient de révéler en ce sens que le Pentagone a mis à l’épreuve, lors de manœuvres fictives, différentes stratégies militaires en Afghanistan, sans qu’une décision soit prise. Quant à la secrétaire d’Etat, elle a le privilège rare d’avoir des informations de première main et en temps réel, avec cette flambée de violence qui a marqué son arrivée au Pakistan, même si cela n’est pas nouveau dans ce pays.

En trois jours, ce qui est peu ordinaire, et des rencontres jamais organisées puisqu’elles englobent tout ce que le Pakistan compte comme personnalités hors du champ politique, Mme Clinton a dû faire un large tour d’horizon pour aborder autrement la question du Pakistan.

Ce qui explique son recul hier par rapport à ses propos de la veille, accusant tout simplement ce pays de ne rien faire pour arrêter les dirigeants d’El Qaîda. « Je trouve difficile à croire que personne dans votre gouvernement ne sache où ils sont, ni ne puisse les arrêter s’il le voulait vraiment », a alors déclaré Mme Clinton. Ce qui est grave pour un pays qui se déclare en guerre contre cette menace qui n’est pas la seule d’ailleurs.

Mais l’accusation a été vite rattrapée. « J’ai dit que je ne savais pas si quelqu’un savait », a-t-elle souligné hier, ce qui est fondamentalement différent, levant la suspicion qui caractérisait les propos de la veille. Voilà donc une manière très diplomatique de clarifier le débat et poser les questions les plus sensibles. Celles qui indiquent tout d’abord que le Pakistan est le théâtre d’une violence qui ne baisse pas d’intensité.

Pour dire clairement les choses, il s’agit d’une guerre et de rien d’autre. Peut-être est-ce lié à l’histoire de ce pays et l’autonomie laissée à des régions entières, rendant difficile le retour de l’Etat et l’établissement de son autorité dans ces régions. L’approche, quelle qu’elle soit, devient délicate et même l’armée pakistanaise qui n’en est pas à sa première offensive, a dû marquer une pause – une trêve, disait-on alors – au printemps dernier.

Comment donc sera résolue cette question de l’AFPAK qui mobilise également les chercheurs et les théoriciens de la guerre ? Pour reprendre les spécialistes, il s’agit d’éviter le chaos.

Par T. Hocine

Réponse et bouches cousues

La semaine la plus longue pour les Occidentaux s'est achevée. L'Iran a mis fin au suspense, le docteur El Baradei a finalement eu réponse à l'offre faite aux mollahs. Succès ou échec ? Déception.

Le groupe des «Six» s'attendait à mieux, une réponse assortie d'une batterie de réserves n'en est pas vraiment une. Du moins, elle ne peut être considérée comme formelle. Préliminaire, tout au plus.

Les Occidentaux y voient déjà derrière le désir de la République islamique d'Iran de faire traîner la négociation. Son refus à transférer dans un premier temps et en bloc ses stocks d'uranium vers la Russie constitue à lui seul un obstacle quasi-insurmontable.

Ajoutant à cette condition le souhait du régime de Téhéran d'un «échange simultané» qui lui permettrait de recevoir le combustible nucléaire aussitôt la première portion d'uranium livrée à l'étranger.

A ce propos, un diplomate en poste à Vienne a bien résumé l'opinion qui prévaut aux Etats-Unis et chez ses alliés : «L'Iran veut le beurre et l'argent du beurre.» Ce qui est évidemment inadmissible aux yeux des Occidentaux malgré l'apaisant et coopératif discours de Mahmoud Ahmadinejad.

Ses dires auraient-ils été moins sincères qu'ils ont en eu l'air ? Surtout dans leur dernière partie, le président iranien rappelant le droit indéniable de la République islamique à devenir une puissance nucléaire… civile ? Son rappel ne serait destiné qu'à la consommation interne, les ultraconservateurs craignent de perdre la face face à des réformateurs qui prendraient pour argent comptant les concessions de leurs rivaux. Si, bien sûr, ceux-là venaient à «trahir» un jour les aspirations de toute une nation.

Soit renoncer à l'enrichissement de l'uranium au nom de l'interaction que le président iranien a décelé chez les Occidentaux. Après l'assommante réponse de l'Iran, qui parmi eux se relèvera et retrouvera l'usage de la parole en premier puisque tous semblent avoir été réduits à un silence collectif, gouvernement de Tel-Aviv inclus ?

Les Etats-Unis, qui par la voix d'Hillary Clinton, doutent en la volonté ou en la capacité des autorités pakistanaises à faire la peau aux chefs d'Al Qaïda ?

Ce qui devrait «pourrir» un peu plus les relations tendues entre Washington et Islamabad malgré l'offensive militaire antitalibans au Sud-Wazaristan.

Ou les «grands» de l'Europe, en l'occurrence l'Allemagne et la France, que le président tchèque a fait plier avec les vingt-quatre autres membres de l'Union européenne ? Ce qui permettrait à ses institutions de mieux fonctionner, mais faudrait-il d'abord qu'un accord puisse être trouvé sur le climat et qu'un président qui mérite le job puisse être désigné sans qu'il y est de casse.

Passé ce silence, les Occidentaux accorderont-ils un second délai à l'Iran au bout duquel son régime doit fournir une réponse officielle qui dépasserait largement les aspects techniques de la proposition de l'AIEA ?

Soit une réponse politique claire qui prouverait la bonne foi des Iraniens à aller de l'avant à défaut de déposer un texte contraignant devant le Conseil de sécurité de l'Onu, quitte à subir le veto de la Russie. Mais force est de reconnaître que le manque de confiance est en train de changer de camp.

A présent, ce sont les Iraniens qui cultivent de la méfiance à l'égard des Occidentaux. Parce que mener des pourparlers à «découvert», sans uranium faiblement enrichi en leur possession, reviendrait à apprendre à un aveugle à marcher dans le noir… à la merci de n'importe quelle frappe.

Par Anis Djaad

L’anniversaire

De prime abord, l’entreprise se présente comme une entité monolithique, où un certain nombre de gens sont réunis, chacun pour sa spécialité, pour activer dans le sens que lui auront donné des gens parachutés d’en haut. Ces gens-là ne restent pas généralement en place bien longtemps: c’est selon la stabilité politique du moment, contrairement aux travailleurs de base qui, eux, restent là jusqu’à la retraite ou jusqu’au moment où la Faucheuse les enlève à l’affection des leurs.

Mais en se rapprochant un peu plus, à hauteur d’homme, on peut bien voir que cet ensemble, harmonieux d’apparence, n’émet que des grincements à qui sait lire entre les notes: tout est réglé pour entretenir des conflits d’intérêt interminables qui sont ici atténués par des affinités politiques ou attisés là par des différences régionales. Ne parlons pas du corporatisme: les chauffeurs, les agents d’entretien (dont le nombre diminue depuis que l’entreprise fait appel à une société privée pour faire reluire les couloirs et les bureaux), les secrétaires, les techniciens, les cadres, petits ou moyens...

Tout ce beau monde s’affronte tout au long de l’année pour des raisons qui paraissent excellentes au moment et qui deviennent futiles par la suite, quand le temps aura fait son oeuvre. Et justement, c’est le facteur temps qui a été pris en compte pour rassembler ce groupe hétéroclite, informe et changeant...

Cela a été dur au début: le responsable syndical qui avait pris l’initiative de donner une âme et des traditions était un vieux loup qui connaissait bien la nature humaine: treize années après l’Indépendance, il profita de son passage à la tête d’une section syndicale élue après un bras de fer homérique avec le parti unique, il commença par faire apposer une plaque commémorative à la mémoire des travailleurs de l’entreprise morts au maquis ou durant des missions périlleuses.

Cette heureuse initiative eut pour effet de réduire les fossés entre les responsables et les travailleurs et entre les générations appelées à se succéder. Car depuis cette année mémorable (1976, à l’occasion d’une crise aiguë entre une direction méprisante et un syndicat téméraire mais sûr de son bon droit), chaque année, à la même date, une cérémonie organisée, rassemblant outre les employés toujours en activité, les retraités qui viennent, poussés par la nostalgie à respirer une fois de plus l’air qu’ils avaient eu du plaisir à fuir.

Ainsi est la nature humaine: loin des yeux, près du coeur! Il faut dire qu’une fois toutes les ambitions remisées dans cette fosse commune qu’on appelle l’oubli, les rivalités, les rancunes, les rancoeurs ont disparu. Et devant la stèle fleurie, c’est pendant une bonne heure, un brouhaha joyeux emplit l’esplanade ordinairement vide, balayée par les vents ou brûlée par le soleil.

Des interjections sans fin, des «ah!» de surprise, des «oh!» d’admiration ponctuée par des accolades, des tapes sur le dos, des embrassades chaleureuses. On se croirait à un congrès d’anciens combattants où les «poilus», oublieux des misères des tranchées, se plaisent à célébrer les rares embellies des calmes précaires.

Certes, les usages ont quelque peu vieilli, le poil est plus blanc, les rides plus prononcées, mais les sourires sont plus lumineux. Et au milieu des survivants d’une époque qualifiée d’héroïque par certains ou de «belle» par d’autres, mille anecdotes plus amusantes les unes que les autres sur des personnages hauts en couleur: c’est alors que surgissent du passé les visages des grands absents, ceux qui sont partis, chacun à sa manière, vers un destin commun à tous les hommes. C’est à ce moment que la «Fatiha» prend tout son sens.

La cérémonie peut alors continuer dans le présent par des distributions de cadeaux aux nouveaux retraités et des trophées aux jeunes sportifs.

Selim M’SILI

Mémoire!

Cinquante-cinq années! Tel est l’âge de la Révolution. Age, on ne peut mieux, celui de la maturité. C’est évident, mais, que savent, en fait, les Algériens sur un soulèvement national qui a bouleversé la donne géopolitique africaine tout en signant la fin de l’empire colonial français? Peu, très peu, en réalité, sinon des bribes ici et là qui n’ont pas toujours restitué la vérité d’une Révolution qui a changé la perception même qui a été celle de la décolonisation. En fait, la guerre d’Algérie avait sonné le glas de l’ancien monde bâti sur les empires britannique et français, notamment.

C’est la guerre d’Algérie qui amena le Conseil de sécurité des Nations unies à adopter une résolution (1415 du 6 juin 1961 (XV) sur le droit des peuples coloniaux à l’autodétermination et à l’indépendance) qui changea la face de la géographie mondiale et ouvert la voie au libre arbitre à tous les peuples ployant sous le joug de la domination coloniale. La Révolution algérienne a donc dépassé les frontières du territoire algérien pour devenir le symbole de la lutte des peuples du monde épris de paix et de liberté.

Mais que connaissons-nous de la préparation de cette Révolution, des hommes qui l’ont initiée, des héros qui se sont sacrifiés pour que les Algériens vivent libres? Rien, ou si peu. La génération postindépendance - et plus singulièrement les jeunes d’une manière générale - ignore en fait beaucoup de choses de (et autour de) cette insurrection armée soustraite à la connaissance des citoyens depuis l’Indépendance.

C’est en fait le peuple algérien dans son ensemble qui a été ainsi sevré de sa mémoire collective par une écriture sélective de l’histoire qui ne donna pas aux Algériens de connaître les vérités de leur glorieuse Révolution, confisquée qu’elle a été pour des desseins autres que ceux auxquels aspiraient les leaders qui déclenchèrent l’insurrection générale alors que le peuple était tenu dans l’ignorance d’un processus qui donna naissance au FLN et à l’ALN qui, à l’évidence, ne sont pas tombés du néant.

Le FLN est en fait, l’héritier d’une longue marche entamée par la Résistance algérienne, dès les premiers jours de l’occupation coloniale en juillet 1830 par des rébellions et des insurrections récurrentes tout au long des 132 années de présence française. Des hommes, dès le début du XXe siècle, éveillèrent la conscience nationale et s’opposèrent frontalement à l’oppression coloniale. Qui sont ces hommes, leurs actions et leur parcours révolutionnaire qui ont ouvert la voie à la Révolution du 1er Novembre 1954? Peu d’Algériens en fait le savent, certains ne sont même jamais parvenus à leur connaissance, alors qu’ils ont été le socle du militantisme et du nationalisme algériens.

Les peuples en armes? Y a-t-il eu dans le monde une révolution anonyme? Certes non! Les révolutions américaine et française - les plus fameuses des temps historiques des XVIIe et XVIIIe siècles - ont été guidées par des hommes dont les noms, vénérés ou abhorrés, sont de la même manière consignés dans les manuels scolaires et dans les livres d’histoire, témoignant à jamais de tout ce qu’ils ont fait ou pu faire pour leur patrie.

Au moment où nous célébrons le cinquante-cinquième anniversaire de la Révolution de Novembre 1954 qui, réellement, connaît les hommes qui ont mené et porté la Révolution? Eux dont le message du Premier Novembre au peuple algérien a été de lui dire «Vous qui êtes appelés à nous juger...» sont demeurés anonymes sans que l’Algérie leur rende l’hommage qui leur était dû.

C’est la Révolution qui a été ainsi mutilée. C’est en fait cette méconnaissance de l’Histoire récente et antérieure de l’Algérie qui a annihilé la mémoire des citoyens dont nombreux ne se reconnaissent pas dans leur algérianité, cherchant dans l’ailleurs leur accomplissement.

N. KRIM

Les héritiers

Le 1er Novembre signifie pour chaque Algérien le premier jour où son pays a entamé une lutte qui l’a mené à son indépendance. C’est une date symbolique car ce jour-là, tout au moins sur le plan factuel, il ne se passa pas grand-chose. Quelques attentats dans certains points du territoire dont la plupart ne furent pas une réussite. Mais sur le plan de l’Histoire et de la dynamique historique, ce qui se passa alors fut énorme.

Une révolution. Sous la conduite du FLN, elle engagea la majorité du peuple. Se termina-t-elle, cette révolution, en 1962, avec l’indépendance ? Naturellement. L’objectif était atteint. On a mis cependant quelque vingt-six ans pour commencer à le comprendre. 1988 et toutes les années de ce qu’on appelle la «décennie noire» entretinrent l’illusion, chez beaucoup de gens, qu’une autre révolution était encore possible, dans la continuité de la précédente et tout à la fois dans la rupture avec elle.

La révolution verte annoncée donna du rouge partout. Un terrible bain de sang. Les cicatrices sont vives, on panse encore les blessures. Désormais, on sait que l’Algérie a grandi, s’est assagie, s’est désabusée, et tout ce qu’on veut. Elle revendique du travail, du confort, de l’argent. Oui mais comment les obtenir ? Comment oublier que la seule méthode par laquelle nous avons obtenu notre droit à l’existence fut de recourir aux solutions extrêmes ? Cette culture de la violence, du radicalisme…

Désapprendre la révolution est une révolution en soi-même. Mais où sont ceux qui doivent nous l’enseigner, qui doivent nous enseigner comment marcher dans ce monde en mettant un pied devant l’autre, comment construire brique après brique, comment tracer le chemin jour après jour sans nous perdre dans le désarroi, la colère, l’impatience ?

En somme, comment oublier les héros de notre Révolution, emprisonnés par une imagerie officielle dans leur inhumanité guerrière, et les ramener vers nous, et les étreindre et entendre leur cœur palpiter contre le nôtre ? C’est peut-être un autre 1er Novembre qu’il nous faudra fêter, non plus celui qui s’extasie devant quelques coups de feu tirés çà et là mais celui qui nous dira que des hommes infiniment plus grands, des visionnaires, des «prophètes» à la foi inébranlables ont annoncé une nouvelle ère pour notre pays.

Les coups de feu tirés ne seraient plus alors qu’un baroud qui, en lui-même, ne voulait rien dire. Beaucoup plus importants étaient les femmes et les hommes qui, partout, en Algérie d’abord, dans le monde entier ensuite, l’avaient ressenti parcourir leurs corps et leurs esprits comme un grand frisson qui ne cessera jamais. Il en est aujourd’hui qui le ressentent encore. Ceux-là sont les héritiers de Novembre. Ce sont eux le gage de l’avenir.

A. K.

Livre : une politique en devenir

Le Salon international du livre d’Alger est une occasion périodique propice à une évaluation de la politique publique du livre. Celle-ci, autrefois inexistante, a connu un renouveau certain ces dernières années, dont le point de départ fut Alger, capitale de la culture arabe, qui a eu pour effet indéniable de susciter un foisonnement d’écrits, mais aussi la création de dizaines de maisons d’éditions nouvelles, la dynamisation de l’activité des libraires et une plus grande valorisation du SILA qui a désormais le mérite, outre d’accueillir des centaines d’éditeurs étrangers, de présenter une part importante d’inédits produits en Algérie.

Mais la politique du livre est une démarche naissante et on ne peut espérer en voir porter les fruits que sur un long terme, tant il est vrai qu’elle ne dépend pas simplement d’une affaire d’encouragement financier des éditeurs, mais plutôt d’une action de longue haleine, de surcroît n’impliquant pas le seul ministère de la Culture.

Des acteurs comme les collectivités locales, le ministère de l’Education nationale, la société civile, et bien d’autres démembrements de l’Etat sont de fait incontournables pour asseoir une culture de la lecture et par la même du livre.

Que dire d’autre du livre en Algérie, sinon qu’il ne peut se passer des autres livres qui lui parviennent du monde entier, quand on sait que toutes les traductions qui se font dans notre pays ne sont qu’une goutte d’eau infime de ce fleuve de savoir dont les lieux de savoir ont besoin pour rehausser le niveau des vagues de promotions dont la vie sociale et économique a tant besoin, non en tant que diplômés, mais en tant qu’êtres de culture et de compétence.

F. N.

L’aliénation ?

Les bouleversements successifs couronnés par la terrible crise de 1992 nous charrièrent autre chose de moins noble.

Le 1er Novembre 1954, un petit nombre d’Algériens décida de passer à l’action et se lança témérairement dans un combat inégal, mais qui fut victorieux avec l’aide de Dieu. L’histoire de David et Goliath se vérifiait encore une fois. L’Algérie négocia avec succès son accès à l’indépendance et à la souveraineté, même si son intégrité territoriale devait lui coûter quelques années de guerre supplémentaires.

Les colons quittèrent massivement le pays qu’ils avaient dominé 132 ans durant. Ils nous prédirent la famine, la misère et le chaos. Pour les Algériens, le choix était de «vivre libres, quitte à bouffer de l’herbe», selon le mot de l’époque. «Houma walla n’touma», disent aujourd’hui nos jeunes harraga, inversant complètement le verset. Où en est-on aujourd’hui avec l’esprit novembriste ? Les bouleversements successifs couronnés par la terrible crise de 1992 nous charrièrent autre chose de moins noble. Les valeurs de novembre s’effacèrent au profit d’autres qui nous sont étrangères et qu’on nous administre quand même.

Les Algériens ont-ils livré une guerre des plus coûteuses pour qu’on vienne leur dicter, au nom d’une fausse mondialisation, une conduite qu’ils refusaient crânement d’adopter sous la colonisation ? Quand nous entendons le chef d’Etat avouer publiquement: «Lorsque je suis venu, j’ai trouvé toutes les clés aux mains de la France», on ne peut que s’interroger sur la fragilité de cette souveraineté qui faisait notre fierté.

Et quand on constate que l’enseignement de la langue française est plus répandu en Algérie que durant la présence coloniale, que le français est pratiquement une seconde langue maternelle puisque enseigné dans nos écoles dès la 2e année primaire, et que les instituteurs, prêts à le répandre dans le Sud, seront récompensés par… un logement, on ne peut que se demander s’il ne s’agit pas là d’une forme d’aliénation qu’aucun chahid n’avait imaginée.
Aujourd’hui, on pousse l’outrecuidance jusqu’à nous sermonner pour nos décisions souveraines. Comme si on faisait partie des DOM-TOM. On s’ingère dans nos affaires jusqu’à nous souffler à l’oreille les bons scandales qui délogent l’adversaire économique. Pourquoi pas alors une repentance à rebours ?

Par Mohamed Zaâf

La corruption en algérie : Comment s’en débarrasser ?

Lorsque le candidat Bouteflika a entamé sa campagne électorale pour son premier mandat, en 1999, il surprend l’opinion publique en s’attaquant à la corruption, ce mal qui gangrène les institutions de l’Etat et saigne le Trésor public. Il promet alors de mettre à nu la « mafia politico-financière » qui ruine l’économie du pays et de stopper les appétits voraces des « 12 barons qui ont le monopole du commerce extérieur ». Jamais le pays n’a connu autant d’affaires de corruption et de dilapidation de deniers publics que durant les années 2000. Les scandales en cascade démontrent que la corruption n’est plus une affaire de ministres ou de généraux, mais plutôt de système.

Censée freiner le fléau, la loi 01/06 de février 2006, relative à la prévention et la lutte contre la corruption, n’a fait que le banaliser. Il pousse le bouchon plus loin, en disant tout haut ce que les Algériens pensent tout bas : « Chez nous, les bandits sont devenus des gouvernants et les gouvernants des bandits. » Après son élection, il continue à fustiger les mêmes bandits, utilisant un ton coléreux et menaçant : « L’Algérie est minée par la corruption (...) Des bandits ont pris en main le marché de l’importation par la force, et parfois par la menace et la terreur (...) Ces monopoles individualisés sur le marché agissent selon les textes de la loi de la République. Ce qui explique l’assurance de ce groupe de personnes à dominer l’économie du pays. Toutes les facilités leur sont accordées par les banques (...) L’Algérie est une terre marécageuse et polluée. Elle a besoin d’être nettoyée d’abord, ensuite travaillée par des hommes intègres. » Des déclarations qui font tache d’huile. A l’exception du défunt président Mohamed Boudiaf, aucun responsable algérien n’a été aussi clair vis-à-vis du phénomène de la corruption, devenue un « sport national », comme l’a si bien défini un avocat.

Le premier magistrat exhorte publiquement les services de sécurité à « mettre à nu les malversations constatées » et appelle par la même occasion les citoyens à s’impliquer dans cette lutte en dénonçant les corrompus. Un message très fort qui a fait naître l’espoir de venir à bout de ce fléau. De ce fait, des dizaines, voire des milliers de lettres faisant état d’affaires de corruption et de détournement de deniers publics arrivent aux services de la Présidence. Croyant à une véritable campagne de lutte contre la corruption, certains cadres et fonctionnaires de l’Etat mettent à nu plusieurs scandales, notamment au niveau des banques publiques et des administrations locales. L’un des plus importants et qui a fait couler beaucoup d’encre est sans conteste celui qui a éclaboussé l’administration douanière en 2001 et relatif à des courants de fraude ayant saigné pendant des années le Trésor public. Il s’agit notamment de vraies fausses domiciliations bancaires, de fausses déclarations en matière d’exportation des déchets ferreux et non ferreux et d’importation de produits électroménagers dans le cadre de la formule dite Règle 2 A et des dispositions CKD-SKD destinées au soutien de l’industrie du montage et de l’assemblage. Les commissions installées au niveau interne des services des douanes, chargées d’enquêter sur ces courants de fraude, ont estimé, dans leur rapport adressé au président de la République, à près de 7 milliards de dollars US les pertes occasionnées au Trésor public en l’espace de quatre années.

La justice a été saisie en juillet 2001 et de nombreux cadres de la direction générale des douanes, des banques publiques ainsi que des services de police ont été convoqués et certains d’entre eux inculpés. Lorsque ceux qui dénoncent se retrouvent au box des accusés Fin 2002-début 2003, c’est le grand scandale du groupe Khalifa qui éclate pour éclabousser les plus hautes institutions de l’Etat. Certains évaluent le préjudice provisoire (en attendant la fin de la liquidation) à plus de 3 milliards de dollars. D’autres banques privées, encouragées et soutenues par des pontes du système et des personnalités civiles et militaires, vont disparaître en laissant de lourdes ardoises derrière elles, et des clients totalement ruinés. En 2004, Bouteflika, dont l’un des frères est cité dans l’affaire El Khalifa Bank, est réélu pour un deuxième mandat, mais la corruption atteint son summum. Durant cette période, les banques publiques vont faire une à une l’objet de véritables hold-up. Des sommes colossales sont accordées sans garantie à des particuliers aux relations assez puissantes. Une situation qui va mettre les institutions financières au bord de la faillite et pousser les autorités à leur injecter des fonds pour leur éviter la banqueroute.

Les scandales arrivent en cascade et aucune banque n’est épargnée. En réaction, les autorités lancent le débat sur la nécessité de la refonte du système judiciaire et juridique. Au moment où l’on s’attendait à un durcissement du code pénal en matière de corruption et de détournement de deniers publics, le gouvernement présente un projet de loi qui adoucit les peines. Le débat au sein du Parlement est ahurissant. Les députés se sont focalisés sur un seul article, qu’ils ont fini par supprimer. L’article en question concerne la levée de l’immunité pour les députés en cas de soupçon de corruption ou de détournement. La loi passe comme une lettre à la poste, après la suppression de l’article en question, et va susciter une vive polémique chez les spécialistes du droit parce qu’elle ne fait pas de différence entre celui qui ruine le Trésor public, dont les peines encourues ne dépassent pas les 10 ans, et le petit délinquant qui vole un portable et risque 5 ans de prison.
Un centre de prévention pas encore installé

Pour de nombreux spécialistes du droit, la loi 01/06 a encouragé la banalisation des dilapidations et de la corruption, qui gangrènent les institutions de l’Etat. De nombreux dossiers ouverts par les services de sécurité et la justice sont vite refermés et ceux qui les ont dévoilés ont pour bon nombre d’entre eux été sanctionnés. Le centre de prévention et de lutte contre la corruption prévu par la même loi n’a toujours pas été institué. L’Algérie, qui a été l’un des premiers pays à signer la convention de lutte contre la corruption, se retrouve parmi les Etats les plus corrompus au monde. Chaque année qui passe, elle perd des points dans le classement de Transparency International. La lutte contre la corruption, que le premier magistrat utilise comme son cheval de bataille, s’est avérée finalement un discours creux. Bouguerra Soltani, ministre conseiller du président et chef de file du MSP, lui-même cité dans l’affaire Khalifa, jette un pavé dans la mare en affirmant détenir des dossiers dans lesquels sont impliqués des responsables de l’Etat. En réaction, le président menace de recourir à des poursuites pénales contre son ministre sans portefeuille. Entre- temps, c’est le nom du premier responsable de l’Assemblée nationale sortant, Mohamed Saïdani, qui est cité dans le scandale de la Générale des concessions agricoles (GCA).

Le préjudice est estimé à plus de 60 milliards de dinars partis dans des prêts complaisants. Certains comme plusieurs autres personnalités sont par la suite cités dans des dossiers liés à la dilapidation de fonds publics. Loin d’être une affaire de quelques ministres ou de généraux, la corruption va toucher une grande partie de la sphère institutionnelle de l’Etat, au point où toute volonté de lutte est immédiatement neutralisée. Laminée, disloquée et divisée, la société civile est confinée dans un rôle de spectateur, et les rares volontés qui tentent de rompre cette inertie s’essoufflent après un long parcours du combattant. Au bout de deux mandats successifs et un troisième en cours, le premier magistrat du pays a montré pour sa part son incapacité de faire face à un fléau. La corruption en Algérie a encore de beaux jours devant elle, parce qu’elle n’est pas le fait de personnes, mais plutôt d’environnement, de système.

Par Salima Tlemçani