jeudi 13 octobre 2011

Désolé, mais nous allons fermer !

Une délégation du CNT libyen attendue dans les tout prochains
jours à Alger.

Combien de femmes enceintes ?

L’information devrait être rendue publique dans les toutes prochaines heures. Le Palais a décidé de fermer tous les ports du pays ! Si ! Si ! Je vous assure ! Tous les ports sans exception. Ainsi que tout accès sur la mer. Fermé ! A double tour. C’est au bout de moult cogitations intenses que le châtelain et son équipe de conseillers à la cour ont abouti à cette conclusion.

Tout comme les bars fermés parce qu’ils favorisent les rixes, les bagarres et les maladies du foie, l’Etat, en vertu des prérogatives que lui procure sa légendaire sobriété, a décidé de fermer tous les ports d’Algérie afin d’enrayer le phénomène de la harga et des départs massifs de jeunes et de moins jeunes citoyens vers des côtes plus clémentes pour le rêve.

En ce moment même d’ailleurs, et ça m’a été confirmé par ma source, une grosse commande de gré à gré a été passée pour l’acquisition par notre pays d’une quantité astronomique de cadenas, de chaînes et de bergers allemands censés garantir la bonne fermeture des ports algériens. Dans la foulée, le Palais réfléchirait aussi très sérieusement à fermer les mairies.

Si ! Si ! Vous avez bien lu ! Les APC vont être elles aussi fermées. Abdekka s’est rendu compte que la colère des Algériennes et des Algériens était avivée ces derniers mois par l’affichage sur les murs des mairies de listes de bénéficiaires de logements sociaux.

Et donc, afin d’éteindre ce feu dangereux, Ould Kablia, le chef de parc de toutes les mairies du pays, aurait reçu ordre de les fermer, tout bonnement. Et pour bien montrer aux médisants, aux milieux ricanant et aux forces du mal juchées sur des mains de l’étranger que le régime algérien travaille, le châtelain devrait revenir en face des caméras de l’ENTV pour y lire tant bien que mal tout un train de mesures de fermetures, un train à l’heure pour une fois, au pays du Grand chef de Gare, Amar Tou.

C’est ainsi que pour en finir avec la mauvaise prise en charge des malades dans les CHU, tous les hôpitaux du pays devraient être fermés avant la fin du mois. Pour en finir également avec les manifestations et les sit-in, fermeture programmée des rues et autoroutes, sauf les jours d’élections législatives et présidentielles.

Pour ne plus avoir à affronter les mouvements citoyens en Kabylie, là aussi, fermeture de la Kabylie. Afin de ne plus avoir à négocier de nouvelles augmentations de salaires lors des prochaines tripartites, fermeture unilatérale de la tripartite.

Et si ça ne suffit pas, fermeture aussi de toutes les usines. Pas d’usines, pas de travailleurs, donc pas de salaires à augmenter. Fermeture attendue également, celle des cinémas. Les rares films produits ici et là avec des bouts de chandelles achetés chez la quincaillière de Kouba ne décrochent aucune distinction notable et n’accrochent pas vraiment le public, alors à quoi bon garder les salles de cinéma ouvertes, je vous le demande ?

Ah mais dites donc ! Je viens de vous demander quelque chose et vous hésitez à me répondre ? Eh bien, dans la foulée fermeture aussi des gens qui hésitent à répondre aux questions qu’on leur pose. Non mais ! Ce n’est tout de même pas une poignée d’agitateurs, des sectes de l’ouverture qui vont empêcher le Palais de tout fermer, non ? Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.

Par Hakim Laâlam

L’enlisement procédural d’une réforme virtuelle

En attendant la révision de la Constitution, les premiers éléments de réforme (projets de loi sur l’information, les élections et les partis politiques) donnent un avant-goût de la nature et de l’ampleur du changement annoncé.

On peut déjà observer que la procédure même constitue un obstacle à une réelle évolution de l’organisation de la vie publique. À l’Assemblée nationale, des projets de loi décisifs sont livrés au débat “démocratique” des seuls… représentants du pouvoir, qui monopolisent la décision législative.

Ce débat tourne à la dispute sur les assurances et les avantages que les futures lois peuvent donner ou ôter aux partis membres de la coalition. Les controverses sur la démission des ministres candidats, sur les cas d’inéligibilité et sur “le nomadisme politique” illustrent le caractère “familial” du débat. On y dissimule à peine les arrière-pensées carriéristes de la plupart des députés chargés de pourvoir les lois préparatoires à la réforme constitutionnelle.

Aujourd’hui, la discussion sera encore plus instructive puisqu’il sera question de “discrimination positive” envers les femmes. Les termes de la discussion renvoient déjà le problème à son contexte rétrograde.

À observer la manière dont l’Assemblée nationale appréhende un corpus de lois censé affranchir la vie publique du contrôle étouffant et répressif en vigueur, renseigne sur l’état d’esprit du législateur : toute la question est de savoir comment reprendre d’une main ce qui a été donné de l’autre ; comment vider de leur substrat les concessions faites à la démocratie.

Le pouvoir semble vouloir remplacer la supervision occulte de la vie médiatique et politique, jusqu’ici régie par les voies impénétrables de l’agrément, par une prérogative tutélaire de l’administration.

Les députés en exercice, de leur côté, ne semblent pas avoir perçu la “profondeur” réelle que le président de la République veut donner à une réforme dont il est le promoteur. Et comme ils n’ont pas coutume d’user, en pareil cas, de leur libre arbitraire, nous voilà réduits à des controverses de chapelle, en attendant qu’ils voient clair dans les intentions du régime.

Ou que le régime voit clair dans le niveau de changement suffisant pour s’assurer l’approbation des puissances susceptibles d’“ingérence démocratique”. Puisqu’il ignore jusqu’à quel point la revendication politique constitue une menace pour sa survie. Et surtout jusqu’à quel point l’irrigation pécuniaire peut contrebalancer les effets subversifs de cette revendication.
Cette posture attentiste explique le temps passé par les projets de loi en question du bureau de l’APN. Les directives tardent à venir. Sinon, jamais une initiative de progrès ne sortirait de temple du conservatisme.

Quand Bouteflika a jugé nécessaire d’élever le statut de tamazight au niveau de langue nationale, tous les élus de la “majorité” ont voté un fait jusqu’ici en totale contradiction avec leurs convictions respectives.

Les institutions actuelles ne peuvent pas produire des avancées politiques ; au mieux, elles peuvent servir d’alibi procédural. Les examens de projets et les débats à venir peuvent donc se prolonger. C’est au résultat qu’on pourra juger de la réalité de la volonté de réforme.

Mustapha Hammouche

Dans le bourbier, l'élégant...

Jamais de mémoire de débats dans une salle d'audience, un avocat n'avait livré bataille pour arracher la liberté provisoire...

Un élégant jeune homme passait sous la Grande Poste d'Alger-Centre, côté rue Houcine Asselah, lorsqu'un ancien policier en civil SVP sortant de la rue d'Argentine (ex-Cavaignac) de sinistre mémoire, remarque le regard fuyant du jeune beau gosse qui ne croira pas ce... Poliment il l'a abordé et le prie de le suivre au poste d'à côté pour une minute. Le jeune s'exécuta, il est fouillé. Sur lui, on découvre, contre toute attente, deux portables «double-puces» volés et signalés «un peu partout» quelques jours plus tôt. Le jeune élégant n'arrive pas tout de suite à s'expliquer sur cette fâcheuse situation abracadabrante.


Et pourtant, devant le tribunal de Sidi M'hamed à Alger, il faudra bien qu'il explique d'où il a pu avoir comme ça les deux portables. Patatras! Il va donner gauchement deux versions. Et la jeune juge rouquine ne pourra pas, ne saura quelle version prendre. Ce pauvre inculpé, un moment «out», heureusement, retrouve ses esprits. Ils lui ont, selon sa bonne foi, été remis par un copain qui a quitté le pays... Et pan!


Est-ce que tout est à refaire? Non. Maître Benouadah Lamouri, que les parents avaient ramené de Dar El Beïda, ne se déplace jamais à la barre pour des prunes.


Non! s'il s'est donné la peine de venir assister un jeune présumé voleur que tout enfonce à la lecture des procès-verbaux, c'est qu'il a en tête de faire d'abord, en sorte de le tirer de Sarkadji et ensuite le défendre comme il se doit.


Il est vrai aussi que l'article 350 du Code pénal n'est pas du mille-feuilles à la crème vanille. C'est du solide. Et ceux qui s'y frottent, s'y piquent, mais aussi laissent des plumes.


La jeune procureure de l'audience, elle le sait. Elle sait depuis le commencement de ses études en droit que «quiconque soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol et s'expose donc à une peine d'emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amande de 100.000 à 500.000 dinars...»


Ceci pour dire que la prétention de l'avocat est vraiment «céleste». Oui! Maître Lamouri est plutôt optimiste car, selon les parents, le vrai propriétaire des objets soi-disant volés, a donné signe de vie mais il ne peut être là que le 12 du mois. Et c'est pour cette raison que le défenseur a insisté sur l'utilité d'octroyer la liberté provisoire «car, dira-t-il plus tard, il n'y a qu'à voir sa tête, sa mine, ses yeux qui crient à l'innocence». Oui, mais Dillinger aussi était Baby Face».


Karim W., 22 ans, n'a aucun signe d'un malfaiteur. Il est jeune, beau, élégant, élancé, bien nippé, souriant. A la barre, après la détention provisoire, il a mauvaise mine, mais est resté beau, élégant, élancé, bien nippé, mais plus souriant.


Son avocat va faire un tabac, car c'est un jeune avocat qui a crié sa douleur que l'on n'ait pas cru un fils de famille qui a affirmé avoir reçu deux cadeaux de la part d'un ami qui a quitté le pays et donc, ne pourra pas venir témoigner sur ces cadeaux empoisonnés, remis à titre gracieux.


Le représentant du ministère public était doublement motivé pour requérir une peine d'emprisonnement ferme de deux ans pour vol de portable remis à leur propriétaire-victime qui n'a pas jugé utile de venir à la barre réclamer les dommages subis, surtout que cette victime a été l'objet d'un vol de quelqu'un qu'elle n'a pas vu et donc, cette victime a dû préférer faire l'économie d'un dérangement inutile.


D'ailleurs, le tribunal avait renvoyé une fois les débats dane l'attente de la victime. Vainement!
Un drôle de procès dont on ne verra pas le bout du tunnel car la juge a décidé pour une bonne justice de convoquer le fameux «généreux donateur» des deux phones et donc, de renvoyer les débats sur trois semaines.


Ici, la magistrate aura été magnanime, car elle avait marché avec le désir de l'avocat qui avait demandé avec beaucoup d'adresse l'octroi de la liberté provisoire à Karim W., qui était resté digne.


D'ailleurs, au cours de l'interrogatoire, il avait dû maudire du fond de ses tripes, ce jour où il avait rencontré le vieux flic dont le réflexe aura été catastrophique pour lui, dévastateur pour ses parents, deux hauts cadres, faut-il le signaler.


Son malheur se situant autour du bon boulot des flics qui avaient bien rédigé le procès-verbal d'audition de la victime dont le mérite aura été qu'il connaissait bien son bien, les deux mobiles «digitales».


Un coup de chapeau aussi pour le défenseur Maître Lamouri, qui avait réussi à entraîner la jeune présidente autour du bienfait de relâcher quelqu'un que le doute protège que de condamner à l'incarcération un jeune innocent: «Regardez-le, a-t-il besoin de voler pour avoir sur lui deux portables. Le donateur peut être là dans trois semaines pour vous raconter dans quelles circonstances il avait acquis ces deux appareils et dans quelles conditions, il a offert ces deux cadeaux à Karim», avait-il plaidé. Affaire à suivre, assurément.

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Vous manquez de tenue, Archibald!

«La meilleure façon de servir la République est de donner force et tenue au langage.» Francis Ponge

C'est la destinée de la langue française que de recevoir dans ses plus intimes et plus huppés cercles, les mots qui sont nés dans les bas-fonds, des vocables qui ont fait le trottoir et les caniveaux avant de se prélasser dans les salons luxueux où l'air climatisé commençait à donner des relents de paradichlorobenzène. C'est en quelque sorte une bouffée d'air frais dans l'air vicié et rance des milieux où règnent le rince-doigts et le baisemain. Et les septuagénaires sourcilleux qui surveillent l'espace Schengen des mots n'y peuvent rien: c'est l'usage qui fait les mots et non les cartes de résidence gracieusement offertes par l'Aca-cadémie pour bonne conduite et agréées par le Larousse. Grisbi, schnouf, pépées ou rififi sont les exemples les plus courants.

Ainsi, le mot rififi, qui signifie «bagarre» chez les mauvais garçons est passé de la littérature de gare (Auguste Lebreton) au cinéma d'auteur (Jules Dassin) avant de faire les unes des canards déchaînés ou les titres des faits divers. La Toile vient d'être traversée par une violente bourrasque due à un incident violent survenu entre deux ministres lors d'un routinier conseil des ministres. Tout le monde sait que le monde politique est loin d'être ce sanctuaire pacifique noyé dans un monde de brutes, mais tout de même, il ne faut pas exagérer: le député comme le ministre doivent donner l'exemple de bonne conduite, de civilité et d'urbanité.

Un ministre ou un député ne doivent se conduire ni comme des charretiers ni comme des hussards: les citoyens les regardent et les jugent, non seulement sur les résultats de leurs exercices respectifs, de leur bilan ou de leur curriculum vitae mais aussi sur leur conduite personnelle, dans leur vie privée comme dans leurs rapports avec leurs collaborateurs. Nul n'ignore que le pouvoir, quand il s'exerce, est le résultat d'un rapport de forces, mais de là à rouler des mécaniques ou à gonfler ses biceps... Il fut un temps où les chefs de tribu étaient désignés parmi les meilleurs guerriers, ceux qui alliaient courage, force et adresse.

Mais à présent, ces temps sont révolus: les grandes écoles et les universités ont remplacé les champs de bataille... Mais pour que des ministres en arrivent à des écarts de langage ou que des députés en viennent aux mains, il faudrait bien que le jeu en vaille la chandelle: de gros intérêts devant être en jeu et les exposés d'école n'ayant plus force d'arguments, les antagonistes se croient obligés de donner de la voix et de donner libre cours à une agressivité verbale avant de joindre le geste à la parole. C'est alors que les masques tombent et que le vernis craque: le premier qui a perdu son sang-froid révèle sa personnalité. Il se met au même niveau que ces vendeurs de l'informel qui s'étripent pour une portion de trottoir...


Mais ce sont surtout les parlements étrangers où les débats sont continuellement filmés qui nous donnent des exemples de cette violence en col blanc: Japon, Turquie, Ukraine, Nigeria, Corée et même dans la pacifique assemblée du Parlement européen de Strasbourg où une bagarre a éclaté à la cantine entre Jose Happart, député socialiste belge, et Jean-Marie Le Pen, aidé de Bernard Antony. Les images de cette bagarre tournées par A2 ont été saisies et détruites par le Parlement. Le Pen n'on est pas à sa première rixe puisqu'il avait déjà perdu un oeil à la suite d'une échauffourée électorale. Heureusement que chez nous, cette violence est très rare.

Cependant, son expression, même anecdotique, trahit une évolution dans les moeurs politiques: déjà, durant le fameux congrès inachevé de Tripoli, un triste personnage politique, connu pour «sa grande gueule», avait insulté ses camarades de combat avec des mots que la morale m'interdit de reproduire ici. Mauvais garçon, il sera, lui aussi, victime de ses comparses. Il ne peut y avoir de politique saine sans morale.

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Le vieux gardien des oranges

Les électrons s’agitent dans tous les sens pendant que la matière noire avale tout. Mais pourquoi, à ce stade ultime, n’y a-t-il pas un mouvement qui fédère tous ces grévistes de la faim et de la vie, chômeurs, immolés ratés, harraga arrêtés, sous-salariés, cadres injustement emprisonnés, Kabyles, cancéreux en phase terminale, buveurs honteux, sans-logis et filles en short ? Pourquoi, alors que tous demandent en gros la même chose – un profond changement de régime et de mentalités, avec surtout, un nouveau personnel politique plus jeune, plus honnête, intelligent et créatif ? Bien sûr, le système fait en sorte que chaque catégorie soit bien à sa place, dépensant une énergie folle à briser les alliances ou les rapprochements et à casser les ponts comme un oued à El Bayadh.

D’un autre côté, il faut bien reconnaître que les forces politiques ne font pas vraiment preuve d’intelligence. Les islamistes en sont encore à traquer les bars au lieu de moraliser les sphères économiques de l’Etat, les nationalistes conservateurs à traquer la subvention et la main gauche de l’étranger, les démocrates à se compter et à parer aux infiltrations. La suspicion est d’ailleurs savamment entretenue par les polices politiques et médiatiques qui accusent les uns de travailler pour BHL, les autres pour Obama, Ahmadinedjad, Mohamed VI, le Roi Lion, Boualem IV ou Madame 5. Cet éparpillement donne l’image d’une terre survoltée où tout le monde court dans tous les sens, pendant que «âssas etchina», le vieux gardien des orangers, tape partout avec sa canne pour garder le monopole du fruit.

C’est peut-être, au fond, la bonne méthode, coup après coup, branche par branche et fruit par fruit, le gardien des orangers va plier ou abandonner devant tant d’assauts répétés et toute l’Algérie des sous-vitaminés aura enfin accès aux oranges. Oui, mais après ? Quand on aura tout mangé, on plantera des bananes.

Chawki Amari

Une délégation du CNT bientôt à Alger

Le printemps algérien

Comment peut-on analyser cette dynamique sociale que vit la société algérienne actuellement avec ses grèves, ses expressions populaires bruyantes, ses contestations «à fleur de peau» qui, pour un dos-d'âne ou une route qui tarde à être bitumée, provoquent l'ire des riverains?

L'Algérie est dans une dynamique très intéressante à observer de près. Ceux qui ont tenté des raccourcis pour comparer les mouvements de foule auxquels on assiste, aux graves événements qui ont eu lieu en Tunisie, en Egypte et qui se poursuivent au Yémen et en Syrie, se rendent compte qu'ils faisaient fausse route. Quant à ceux qui n'avaient pas hésité, dès le début de l'année, à mettre notre pays dans ce qu'ils appellent «le printemps arabe» et son «effet domino» ils se taisent à présent. C'est ce qu'ils ont de mieux à faire. Reste et pour finir, ceux qui nous promettaient le même sort que la Libye.

Ce sont des conspirateurs qui restent tapis dans l'ombre espérant une occasion propice pour ressurgir. Ceux-là attendront l'éternité. Alors, comment peut-on analyser cette dynamique sociale que vit la société algérienne actuellement avec ses grèves, ses expressions populaires bruyantes, ses contestations «à fleur de peau» qui, pour un dos-d'âne ou une route qui tarde à être bitumée, provoquent l'ire des riverains?

En schématisant, cela rappelle les poussées de fièvre d'un corps en lutte contre des «infections» accumulées depuis des décennies. La meilleure illustration se retrouve dans les attributions de logements qui ont lieu dans une atmosphère où se mêle la joie des bénéficiaires à la colère qui exprime plus la peur de ne pas être servis de ceux qui sont programmés dans les prochaines livraisons. Jamais, depuis l'Indépendance, les Algériens n'avaient vu autant de logements (en millions d'unités) se construire pour eux et distribués, pour les plus démunis, au dinar symbolique.

Une première mondiale. Longtemps sevrés, leurs réactions observées aujourd'hui s'expliquent amplement. Surtout si l'on y ajoute la grave crise de confiance qui habite l'Algérien depuis l'époque du «beylick» et des «yaouleds». Difficile d'extirper en une décennie un mal vieux de plusieurs siècles. Ceci dit, leur longue attente explique leur empressement sans le justifier. Pour les grèves et surtout celles que nous vivons actuellement dans l'enseignement, leurs motifs sont tellement brumeux qu'il faut des «lunettes à infrarouge» pour distinguer, qu'au fond, l'objet de toutes les convoitises, ce sont les oeuvres sociales.

C'est à qui en prendra la gestion. Une histoire de sous compliquée par le nombre de prétendants. S'agissant des mécontentements exprimés un peu partout sur le territoire national pour des problèmes de voiries, de chauffards et autres motifs qui polluent la vie quotidienne de nos concitoyens, on ne peut que se réjouir de cette prise de conscience nationale.

Ce sont autant d'indices, même exprimés dans le désordre, de la volonté de participation des Algériens à l'émergence d'une société citoyenne. Soulignons au passage que toutes ces expressions populaires se déroulent sans présence ni encadrement d'une quelconque formation politique. Nos partis sont occupés ailleurs. Ils sont affairés autour des réformes politiques en cours. Du cumul des mandats. Du quota des femmes. Des incompatibilités liées à la fonction élective. En bref, à tout ce qui touche leur carrière.

Leurs gesticulations se passent dans les salles de réunion et dans les colonnes de journaux. Autant le peuple n'accorde aucun intérêt à ces «activités» partisanes, autant les partis politiques n'ont aucune prise sur la «rue» comme on dit.

Deux mondes qui se côtoient sans se rejoindre. Deux mondes, l'un, grand, formé par le peuple engagé à fond dans la contestation sociale et l'autre, très restreint, et confiné dans les permanences et hémicycles feutrés où se livrent des batailles d'intérêts et privilèges à sauvegarder, conserver ou consolider, qui s'ignorent superbement. Dans un tel décor, où est la «crise politique» que certaines voix veulent absolument et avec une grande mauvaise foi nous fourguer?

Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait raison, avant tout le monde, lorsqu'il a déclaré à l'émission télé «Khyar Essâa» à la fin du mois de mars dernier, que dans notre pays il n'y a que des problèmes sociaux à régler. Que celui qui a vu une seule pancarte «politique» émerger des mouvements de foule qui ont lieu, ou entendu une seule revendication politique de la bouche de ces manifestants, lève le doigt!

Les Algériens sont un peuple qui a sa propre histoire, ses propres ressorts, sa propre sociologie. Il n'y a que ceux, qui ne connaissent rien de toutes ces spécificités, qui se trompent jusqu'à prendre leurs désirs pour la réalité. Les Algériens sont dans une dynamique de reconstruction tous azimuts. Et rien ni personne ne pourra les entraîner dans une quelconque tentative d'autodestruction. Ils vivent des moments de bourgeons d'un véritable printemps. Un vrai, celui-là, car exclusivement algérien.

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EGYPTE, TUNISIE, LIBYE, MAROC, ALGÉRIE... Les islamistes à l'assaut du pouvoir

Dans ces cinq pays d'Afrique du Nord, la mouvance islamiste se tient en embuscade en vue des prochaines élections législatives, sa branche radicale se manifeste sporadiquement d'une manière extrêmement violente.
Le vent des révolutions qui a soufflé sur les pays du Maghreb et celui du pays des pharaons a ouvert une brêche dans laquelle se sont empressés de s'engouffrer les tenants de la tendance rigoriste de la religion musulmane. Elle annonce la couleur et se manifeste avec des spécificités propres à chacun de ces Etats mais l'objectif final est le même pour tous: la prise du pouvoir pour imposer la charia (l'application stricte de la loi coranique).

Certains partis légaux déjà bien ancrés dans le paysage politique jurent pourtant, par tous leurs saints, qu'ils ne transgresseront pas les Constitutions qui régissent les lois de leurs pays respectifs mais les événements récents qui secouent cette région du monde laissent plus que planer le doute sur la bonne foi affichée par les leaders de ces formations politiques. En Libye où il est pratiquement acquis qu'ils partageront le pouvoir avec le CNT (Conseil national de transition) ils ne cachent pas que la future Constitution doit reposer sur l'application de la charia.
«Nous sommes contre l'idée d'émirat islamique et pour un Etat civil où la législation serait inspirée de la charia qui fait l'unanimité chez les Libyens», a déclaré cheikh Ali Sallabi, un des leaders islamistes parmi les plus influents, qui a financé et armé en partie l'insurrection libyenne.
Ce type de discours est -t-il rassurant? Ce n'est pas l'avis des Américains qui ont joué un rôle de premier plan dans la chute du régime incarné par l'ex-guide libyen Mouamar el Gueddafi.
«L'un de leurs objectifs est de tenter d'établir une sorte d'empreinte ou de réseau interne, afin de jouer sur le long terme. Pour le moment, ils se tiennent probablement à carreau mais à long terme c'est inquiétant...» a affirmé un responsable américain de la Défense qui s'est exprimé sous le sceau de l'anonymat.

Le cas tunisien

En Tunisie, où pourtant les islamistes ne semblent pas avoir joué de rôle majeur dans le soulèvement populaire qui a mis fin au règne de près d'un quart de siècle du président Zine el Abidine Ben Ali, ils tentent de faire profil bas en attendant le moment opportun. «Notre rôle sera de participer à la réalisation des objectifs de cette révolution pacifique: ancrer un système démocratique, la justice sociale et limiter les discriminations contre les organisations interdites», a déclaré à la veille de son retour en Tunisie (le 30 janvier 2011, Ndlr), Rached Ghannouchi dont la formation politique, Ennahda, constituait la principale force d'opposition voilà deux décennies. Lors de la présentation de son programme, le 14 septembre, le leader islamiste, dont le parti est donné favori des sondages avec près de 25% des intentions de vote, a tenté de rassurer en indiquant la place que son parti compte accorder à la femme.

«Nous affirmons le droit de la femme à participer à toutes les activités de la société», a-t-il affirmé sans plus de précisions tout en soulignant qu'il s'engagerait à réduire le nombre de divorces.

Une mesure qui est directement liée à la condition de la femme tunisienne qui dispose d'un statut juridique unique dans le Monde arabe. Faut-il y voir une restriction de ses libertés? La suite des événements ne plaide pas en tous les cas en faveur de ces engagements verbaux. Une crainte confirmée par les troubles provoqués par des Salafistes qui ont envahi le 15 septembre la basilique romaine du Kef (nord-ouest du pays, Ndlr) pour la transformer en mosquée.

Dimanche dernier, ils se sont attaqués à une chaîne de télévision privée alors que la veille des intégristes armés ont envahi l'Université de Sousse qui a refusé d'incrire une étudiante en voile intégral (Niqab). A la fin du mois de juillet c'est un cinéma de Tunis qui a diffusé un film sur la laïcité qui a été ciblé. «Le climat n'est pas bon. Il y a certains partis ou courants qui font tout pour que la situation explose avant l'élection» a indiqué, inquiet, l'analyste Salah Attya.

Le chaudron égyptien

En Egypte la transition politique s'annonce sous la forme de violences confessionnelles qui constituent les germes d'une guerre civile larvée qui risque de remettre en question un processus démocratique qui s'annonce délicat dans sa mise en oeuvre.

Des affrontements entre Coptes (chrétiens d'Egypte) et forces de l'ordre ont fait 25 morts et 329 blessés le 9 octobre au Caire. Des appels au calme ont été lançés pour éviter le pire. Ahmed al-Tayyeb, grand imam d'al-Azhar a invité musulmans et chrétiens à dialoguer «afin de tenter de contenir la crise.». L'ex-chef des services égyptiens dénonce de son côté des lois religieuses discriminatoires. «Les dirigeants doivent prendre des mesures sérieuses pour traiter les problèmes à la racine, autrement cette situation peut mener à la guerre civile», a estimé Fouad Allam.

Les Frères musulmans, connus pour leur rigorisme, ont formé quatre principaux partis et s'apprêtent à affronter, en force, des élections législatives qui doivent se tenir, en principe avant la fin de l'année 2011. La victoire leur est en principe acquise avec un pas vers l'inconnu. «Rompus aux campagnes de terrain, qu'aucun réseau social ne peut remplacer, soutenus par un réseau très ramifié de banques et d'institutions caritatives, ils ne laisseraient à court terme que peu de chances aux candidats laïques (gauche, libéraux, nationalistes arabes).» a fait remarquer Pierre-Jean Luizard, chercheur au Cnrs (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités) dans une interview accordée au quotidien Ouest France.

Transition pacifique en Algérie et au Maroc

Le Royaume chérifien, qui s'est doté d'une nouvelle Constitution qui limite partiellement les pouvoirs du roi, doit organiser des élections législatives prévues le 25 novembre. Pour contrer les islamistes, qui ont le vent en poupe, une coalition de huit partis a vu le jour.

A défaut de sondages fiables, les commentaires vont bon train sur les chances du PJD qui détient 46 sièges sur les 325 de la Chambre des représentants soit, 14,5%. Ce parti (islamiste) doit améliorer nettement ce score si le caractère de ce scrutin annoncé démocratique venait à se confirmer. Ses militants comptent ratisser large auprès des jeunes et des diplômés touchés de plein fouet par le chômage. Le PJD est donné vainqueur de ce rendez-vous électoral alors que la menace d'Al Qaîda se précise à travers le royaume. Une cellule terroriste de la nébuleuse islamiste a été récemment démantelée à Casablanca et Salé. Les élections législatives et locales qui se dérouleront en Algérie, en principe au mois de mai 2012, se tiendront sur fond de réformes engagées pour plus de démocratie et moins de restrictions des libertés. Elles porteront cependant l'empreinte des revendications sociales (logements...) et salariales. Des thèmes de campagne électorale qui feront sans doute la différence au moment de la mise du bulletin de vote dans l'urne.

Un scrutin qui devrait être marqué toutefois par une abstention record eu égard à une fracture sociale qui ne cesse de s'accroitre et des promesses non tenues par les élus vis-à-vis de leurs administrés. Une aubaine pour la mouvance islamiste légale qui tentera d'exploiter la grogne sociale qui en a découlé. Représentée par le MSP (Mouvement pour la société et pour la paix), elle ne possède cependant qu'une très faible marge de manoeuvre. Noyautée au sein d'une alliance présidentielle de circonstance et de l'éxécutif, elle traîne une réputation de formation politique compromise et opportuniste. C'est sans doute ce qui a donné plus de hardiesse à la tendance radicale (l'ex-FIS dissous) pour montrer le bout de son nez par le biais de la moralisation de la vie publique (fermeture de bars et de débits de boissons alcoolisés, chasse aux prostituées et aux non jeuneurs...)...

Ce sont là certainement les thèmes sur lesquels tenteront de surfer les intégristes des pays du Maghreb (et d'ailleurs) pour revenir au premier plan. Les élections législatives et locales qui se tiendront au plus tard dans huit mois dans cette région constitueront le meilleur baromètre pour évaluer leur percée.

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Soupape

La dernière tripartite était, hier, au menu d’une réunion d’évaluation qui a rassemblé l’ensemble des responsables des fédérations de l’UGTA. Une occasion pour Sidi-Saïd de faire un plaidoyer pro domo dans lequel il mousse son bilan. Une façon de répondre implicitement aux récriminations des travailleurs de la zone industrielle de Rouiba et de la Fédération des retraités pour qu’il n’y ait vraiment pas de quoi pavoiser avec les 3 000 dinars ajoutés au SNMG.

Mais c’est toujours ça de mis dans la poche des travailleurs, surtout en cette période de vaches maigres, en attendant les conclusions du groupe de travail chargé de faire sauter le verrou du fameux 87 bis avec pour retombées des gains substantiels qui toucheront la quasi-totalité des salariés. Encore faut-il que le groupe de travail ad hoc veuille aller vite en besogne dans ce dossier qui vaut pour le moment par son effet placebo. Idem pour les deux autres groupes en charge de la retraite et du statut particulier.

Mais par-delà tous ces dividendes, somme toute relatifs, à mettre au crédit de l’UGTA, force est de constater que la dernière tripartite, à laquelle sont conférées trop de vertus, n’a pas réussi à apaiser le front social. Le secteur de l’éducation est paralysé par une grève depuis quatre jours. Dans d’autres secteurs, il y a une tension latente qui peut à tout moment dégénérer en spasmes sociaux.

Ces risques d’orages, qui sont à l’horizon, dans un climat de bouillonnement régional, ne sont pas finalement autant de bonnes raisons pour revoir aujourd’hui les termes du pacte social en y intégrant d’autres acteurs ? En l’occurrence, tous ces syndicats autonomes, toutes ces organisations des jeunes qui animent le front de la fièvre sociale. Il s’agit en d’autres termes de réinventer la tripartite. De lui donner un nouveau souffle. Car avec un surcroît de représentativité, donc de légitimité, sera-t-elle peut-être, cette soupape, ce mécanisme de stabilisation de la pression sociale.
Par : Omar Ouali

Dilem Jeudi, 13 Octobre 2011 , Édition N°5819 : Montée des eauxx à El Bayadh

Dilem Jeudi, 13 Octobre 2011 , Édition N°5819 : Montée des eauxx à El Bayadh

Proposition d’une loi sur les symboles de la révolution : Mettre les sigles FLN et ALN à l’abri des “dérives”

À la veille de la commémoration du 57e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale, un groupe de députés, appartenant aux FNA, El-Islah, Ennahda, RND et des indépendants, initie une proposition d’amendement à la loi sur le moudjahid et le chahid.

Les parlementaires ont touché deux articles portant sur les symboles de la Révolution. “La présente proposition de loi vise à compléter le recensement de ces symboles en vue d’étendre et garantir, de manière exhaustive, la protection légale sur tous les éléments des patrimoines historique et culturel de la nation”, explique-t-on dans l’exposé des motifs. L’article 52 de la loi, promulguée en avril 1999, considère comme symboles de la Révolution, la Déclaration du 1er Novembre 1954, l’hymne national, le chahid, le moudjahid, la veuve de chahid, les cimetières de chouhada, les musées de chouhada, les hauts faits historiques et les places et lieux abritant les stèles commémoratives de la Révolution.

À cette liste, les députés veulent ajouter le Front de Libération nationale (FLN) et l’Armée de libération nationale (ALN). Le député Ali Brahimi, mandataire des promoteurs de la proposition de loi, estime incongru de ne pas considérer ces deux sigles comme patrimoine historique de la guerre d’indépendance.

“Grâce au peuple et au FLN-ALN, cette épopée nationale a abouti et sa mémoire mérite d’être protégée par l’État auquel elle a donné naissance”, affirme-t-il. Les parlementaires ne se sont pas limités à cela. Ils proposent une nouvelle disposition, contenue dans l’article 52 bis (ajouté), qui interdit formellement l’utilisation de ces symboles, qui doivent être gardés comme faits d’histoire. “L’usage des mêmes noms, sigles et autres signes distinctifs appartenant aux organisations symboles de la Révolution de Libération nationale est prohibé. Les organisations dont les appellations et sigles utilisent ces symboles sont tenues d’y renoncer dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.”

En clair, le parti dirigé actuellement par Abdelaziz Belkhadem ne doit plus s’approprier le sigle FLN. Ce dernier devant être protégé, selon M. Brahimi, “des erreurs, fautes et dérives d’intérêts (…). C’est là le seul moyen de cultiver le respect de l’histoire de la nation”. Il précise, dans un communiqué envoyé à la presse nationale, que l’initiative du groupe de députés “totalement étrangère aux conflits internes qui agitent le parti du FLN, n’est nullement dirigée contre ses militants (…). Ils ont leur vision et sont parfaitement en droit de s’organiser autour d’elle dès lors qu’ils ne s’approprient pas le capital commun du combat de tout un peuple”.

Il faut convenir que la démarche des parlementaires relance un débat, déjà engagé par le passé, sur l’opportunité de mettre le FLN, en tant que sigle chargé d’une grande symbolique, au musée. Elle a, toutefois, peu de chance d’aboutir face aux puissants lobbies qui s’attelleront à maintenir l’hégémonie de l’ex-parti unique sur la scène politique nationale.

Souhila Hamadi

Tunisie, construire une démocratie qui n’a jamais existé

En Tunisie comme en Egypte, les forces de la contre-révolution sont à l’œuvre. Toutefois, à Tunis plus qu’au Caire, des groupes salafistes cherchent à faire dérailler le processus de changement. Deux faits, plutôt deux actes, s’étant produit à 48 heures d’intervalle, montrent si besoin est que la perspective démocratique dérange plus qu’on ne le croit. Le premier s’est produit samedi à la faculté de Sousse.

Plus de 200 islamistes salafistes appartenant à la branche tunisienne du Hizb Tahrir ont occupé l’enceinte universitaire suite à l’interdiction d’entrée d’une jeune femme portant le niqab qui avait refusé de montrer son visage aux agents de sécurité. Le second, beaucoup plus grave, a eu lieu lundi matin. Entre 200 et 300 manifestants, scandant des slogans islamistes, proférant des menaces de mort contre les journalistes, ont tenté d’incendier le siège de Nessma TV en raison de la diffusion du film Persopolis de l’Iranienne Marjane Satrapi, diffusion suivie par un débat sur l’islamisme radical. De fait, c’est plutôt le ton libre de cette télévision, unique dans le paysage télévisuel maghrébin, qui ne plaît pas aux tenants de la pensée unique. Contrairement à l’Algérie où Octobre 1988 aura été finalement une révolution inachevée, en Tunisie, la chute de Ben Ali a jeté les bases d’un changement radical de système.

Le parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) a été dissous sous la pression populaire. Les institutions, dont le Parlement, héritées de l’ancien système, ont tout simplement disparu. En Tunisie, comme l’a souligné Sophie Bessis, on est en train de construire «une démocratie qui n’a jamais existé». La tâche est immense. La Haute instance de réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, présidée par le professeur de droit public et de philosophie du droit, Yadh Ben Achour, a déjà accompli un énorme travail. Cependant, ce dernier, auteur de plusieurs livres, écrits en arabe, dont Aux fondements de l’orthodoxie sunnite, traduits ensuite en français, a publié récemment en arabe et en français «La Deuxième Fatiha. L’islam et la pensée des droits de l’homme» (ed.PUF) reste réaliste.

Que dit cet intellectuel arabisant, partisan de la séparation du religieux et du politique, dans un entretien au quotidien français l’Humanité ? «La véritable question est : est-ce que l’Assemblée constituante ne risque pas de vider de son sens la révolution elle-même ?» «On craint, ajoute-t-il, que l’inspiration religieuse (allusion à Nahda et ses alliés) ne vide de son sens tous les grands acquis de la Tunisie et notamment l’égalité entre l’homme et la femme» ! Ces propos sont illustratifs d’une réalité : rien n’est encore joué dans ce pays. Le risque d’une confiscation de la révolution par des forces politiques, qui, à l’image de Nahdha, ont pris le train en marche – ce n’est qu’après la chute de Ben Ali que ce parti s’est engagé dans la lutte – est réel.

Ce parti qui a les moyens financiers de sa politique — il s’est offert un siège ultramoderne (une tour en verre) dans le quartier du Belvédère de Tunis grâce, dit-on, à l’argent des pays du Golfe – s’appuyant sur une kyrielle d’ONG caritatives, avec à la clé des soins gratuits, des crédits gratuits aux pauvres pour acquérir des logements, des fournitures scolaires également gratuites à des dizaines de milliers d’enfants et autres dons en nature envers les milieux défavorisés, est de fait en train d’acheter les voix des milieux populaires tunisiens.

Le débat fait rage. Deux projets s’opposent. L’un de tendance libérale et laïque et l’autre d’inspiration religieuse. Les Tunisiens n’ayant pas un problème de langue, la confrontation se fait exclusivement en arabe car, contrairement à l’Algérie, les islamistes n’ont pas le monopole de cette langue. C’est ce qui fait la spécificité de ce pays et sa force. Une chose est sûre : quel que soit le vainqueur du scrutin, les Tunisiens ne se sont pas débarrassés d’un parti autoritaire, le RCD, pour le remplacer par un autre, fût-il d’inspiration religieuse.

Par Hassane Zerrouky

Les raisons de la volte-face du patron de Nessma TV

«La faute du troupeau vient du berger» Proverbe arabe

Moins de soixante-douze heures après la violente controverse suite à la diffusion du film franco-iranien Persepolis et ses déclarations politiques sur les chaînes françaises, le patron de la chaîne privée tunisienne Nessma TV, Nabil Karoui, a présenté ses excuses pour la séquence qui a provoqué la colère des islamistes et relancé le débat sensible sur l'identité arabo-musulmane en Tunisie. Nebil Karoui a préféré s'exprimer sur la radio locale Monastir alors qu'il aurait été plus judicieux de présenter ses excuses sur la chaîne qui a été derrière toute cette polémique. Il a déclaré notamment: «Je m'excuse. Je suis désolé pour tous les gens qui ont été dérangés par cette séquence, qui me heurte moi-même».

Le président de Nessma TV a reconnu qu'avoir diffusé cette séquence était une faute et qu'ils n'avaient jamais eu l'intention de porter atteinte aux valeurs du «sacré». M. Karoui a précisé sur radio Monastir qu'il n'aurait jamais imaginé que cela entraînerait un tel tollé, relevant que Persepolis avait déjà été projeté intégralement dans plusieurs salles en Tunisie sans susciter de remous. Qu'est-ce qui a fait tourner la veste à Nabil Karoui? Il y a selon certaines sources, trois raisons essentielles à cette volte-face du patron de Nessma TV. Il y a eu d'abord la peur de l'extrémisme religieux, des voitures appartenant aux voisins de M. Karoui ont été brûlées, constituant un nouvel indice de menace directe sur le patron de la chaîne, après que des islamistes eurent tenté de brûler les locaux de la chaîne.

La deuxième raison est politique: la diffusion du film a relancé un débat sur l'identité arabo-musulmane de la Tunisie alors que le pays est appelé aux urnes le 23 octobre pour les premières élections depuis la chute du régime de Ben Ali. La troisième raison et sans doute celle qui a pesé lourd sur la décision de Nabil Karoui: les islamistes d'Ennahda, que Nabil Karoui a accusé à tort ou à raison d'attaquer sa chaîne, sont présentés comme les favoris du scrutin et leur arrivée au pouvoir risquerait de constituer un danger pour la survie de la chaîne. Nessma TV est sans doute la télévision maghrébine qui ne possède aucun programme religieux.

Même durant le Ramadhan, le patron de la chaîne a préféré opter pour des films et des feuilletons qui ne font pas la promotion de l'islam sunnite, (Courant majoritaire dans le Maghreb). Cet incident provoqué par Nessma TV a surtout fait monter la température et donné un indice sur le degré de la religiosité des Tunisiens. Le courant islamiste a même pris de la hauteur, puisque même le gouvernement tunisien a appelé «au respect de la chose sacrée».

D'ailleurs ça s'est retourné contre Nessma TV puisqu'une centaine de personnes avaient pris le relais des salafistes et manifesté devant Nessma TV en criant: «Nous ne sommes pas des barbus mais nous défendons l'islam». Un collectif d'une centaine d'avocats, relayant une pétition de citoyens, a déposé plainte lundi contre la chaîne, accusée «d'avoir porté atteinte aux valeurs du sacré», et le procureur de Tunis a ouvert une enquête préliminaire. Nessma TV devra désormais faire attention à ses programmes et visionner avant diffusion, au risque de provoquer une nouvelle fois la colère des Tunisiens et celle des Maghrébins en général.

Par

Qui se souvient de l'altitude ?

Quand la sélection nationale de football, sous prétexte d'altitude allait faire ses stages de préparation pour les compétitions internationales dans des endroits pas plus hauts que Bouzaréah, on en rigolait de bon cœur, mais on savait que ce n'était pas une histoire de relief. On en rigolait jusqu'à coller le sobriquet «l'altitude» à l'entraîneur qui a fait les meilleurs résultats avec la sélection, mais on ne faisait que… rigoler.

On ne peut pas faire l'affront, surtout pas a posteriori, à Rabah Saadane de ne pas savoir les meilleures conditions techniques et scientifiques de préparation, encore moins de lui reprocher de préférer la faire à l'étranger à «infrastructure égale» plutôt que de rester au pays.

Ceci était bien sûr aussi valable pour les autres équipes nationales comme celle d'athlétisme, notamment, les autres étant privées de ce «luxe» parce qu'on a estimé qu'on ne pouvait pas débourser autant pour tous les sports, même si les ordres de classement répondaient rarement aux satisfactions que nous a valu chaque discipline en matière de résultats et de performance.

Mais tout le mode savait notre indigence infrastructurelle en la matière, puisqu'on ironisait également sur la qualité des espaces choisis par les dirigeants du sport national, souvent de dernière zone et situés dans des pays au niveau de développement douteux. Le problème est que plus de deux décennies après, ça n'a pas changé.

On s'est même permis le «luxe» de jeter des milliards sur les hauteurs de Tikjda pour un centre de préparation dont on a vanté la qualité de l'infrastructure comme le cadre naturel, avant de l'abandonner aux promeneurs et aux… vaches.

On en a parlé comme une fierté, on a fait semblant de faire les choses en grand en invitant deux athlètes français d'origine algérienne pour la promotion et puis, plus rien. Une polémique sur la responsabilité du gâchis entre le COA et le ministère plus tard, on a officialisé … l'abandon, puisque le centre a «organiquement» disparu !

Du coup, quand on entend le ministre des Sports dire avec autant d'entrain que, désormais, il n'y aura plus de préparation à l'étranger, il y a de quoi se demander s'il ne veut pas dire qu'il n'y aura plus de préparation tout court. Depuis Saadane et l'altitude, on se demande bien ce qui a pu changer en dehors du rafistolage de Baraki et du refuge pour bergers de Tikjda. Mais un «programme de réalisations» est en cours, selon M. Djiar. Soit. Et si ce programme commençait par la honteuse pelouse du 5-Juillet ?

Slimnane Laouari

Nouvelle procédure pour les visas vers l'espace Schengen : La prise des empreintes digitales est désormais systématique

Depuis ce mardi 11 octobre, les pays de l’Union européenne ont commencé à prendre les empreintes digitales des demandeurs de visa des pays du Maghreb. L’Algérie est concernée par cette nouvelle mesure, tout comme l’Égypte, la Libye, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie. Une obligation, décidée en 2009 par les ministres de l’Intérieur des pays de l’Union, à laquelle devront se soumettre d’ici 2014 tous les demandeurs de visas des 25 pays qui bordent l’espace Schengen. Les empreintes digitales collectées iront remplir un fichier commun à tous les pays de l’UE.
Ce système, appelé Visa Information System (VIS), doit permettre selon la commission européenne de réduire la fraude. Elle permettra aussi de vérifier que le demandeur de visa qui s’adresse au Consulat d’un pays n’a pas déjà eu un refus de visas d’un autre pays, ce qu’il était impossible de faire jusqu’ici. « Ce système permettra aux visas d’être attribués et contrôlés de manière plus efficace et plus sécurisée », a commenté Cecilia Malmstrom, la commissaire européenne aux affaires intérieures.
Cette nouvelle mesure mise en place par l’UE illustre bien les inquiétudes de plusieurs États européens face à l’immigration, notamment de la rive sud de la Méditerranée. Dans de nombreux pays, les forces politiques nationalistes et parfois mêmes ouvertement xénophobes prennent de plus en plus d’importance, gagnant des électeurs en surfant sur la peur de l’étranger. Le contexte de crise économique et les révolutions arabes ont fortement contribué à cette montée du protectionnisme.


Visas, naturalisation, travail des diplômés étrangers… La France continue de durcir sa législation sur les étrangers

La France durcit les conditions d’obtention de la nationalité. Le décret d’application de la loi du 16 juin 2011 est paru, mercredi 12 octobre, au Journal officiel. Il modifie la méthode d’évaluation de la maîtrise du français pour les candidats à la naturalisation. Jusqu’ici, ce niveau était évalué par un simple entretien entre un agent de la préfecture et le demandeur. Désormais, les candidats devront attester d’un niveau de français équivalent à celui de la fin de scolarité obligatoire (16 ans, soit le niveau de la troisième). Ils devront soit fournir un diplôme prouvant leur connaissance du français ou présenter une attestation de niveau de langue délivrée par des organismes qui seront agréés par le ministère français de l’Intérieur.
Cette nouvelle mesure n’est que la dernière d’une série de décision en France et en Europe visant à renforcer le contrôle de l’immigration et de l’installation des étrangers sur le Vieux Continent. Ainsi, depuis le début de l’été, les étudiants étrangers diplômés en France du supérieur ont toutes les peines du monde à obtenir des permis de travail. Les ministres de l’Intérieur et du Travail ont en effet envoyé, fin mai, une circulaire aux préfets qui durcit les conditions d’obtention d’un permis de travail. Plusieurs dizaines de jeunes diplômés, mêmes ceux des plus prestigieuses écoles du pays (les Grandes écoles), pourtant titulaires de promesses d’embauche d’entreprises françaises, se sont ainsi vus refuser leur permis de travail.
S’ajoutent à ces décisions – qui interviennent à quelques mois des élections présidentielles françaises-, les mesures toujours plus draconiennes prises par l'Union européenne pour réduire l’immigration. Dernière en date : l’UE vient de mettre en place la prise automatique des empreintes digitales des demandeurs de visas Schengen et la mise en réseau des ces données entre tous les Etats européens. L’objectif avoué est de lutter contre la fraude, mais aussi de vérifier que le demandeur de visa qui s’adresse au Consulat d’un pays européen n’a pas déjà eu un refus de visas d’un autre pays.
Illustration de ces craintes européennes face à l’immigration, le 22 septembre dernier, la Bulgarie et la Roumanie se sont vues refuser l’entrée dans l’espace Schengen. Les Pays-Bas, pays où l’extrême droite nationaliste a pris beaucoup d’ampleur, ont opposé leur véto, considérant que ces pays ne sont pas capables de combattre les filières d’immigration clandestines.


Sur les modèles turc et égyptien : L'armée algérienne se positionne comme un acteur économique


Alors que les projets lancés par le gouvernement patinent, l’armée multiplie les projets industriels. Sur les modèles des armées égyptienne et turque, l’ANP se positionne progressivement comme un acteur de l’économie nationale. Dotée du budget le plus important du pays (10 milliards de dollars dans le projet de loi de finances 2012), l’armée a les moyens de ses ambitions.

Dernier projet en date : la création du Groupement de promotion de l’industrie mécanique (GPIM) dont le siège sera implanté dans la wilaya de Constantine. Selon le décret de création publié ce mercredi 12 octobre au dernier Journal officiel, le GPIM est placé sous l’autorité du ministère de la Défense nationale et dispose d’une autonomie financière. Sa mission : « la conception, le développement et la fabrication de véhicules et moteurs destinés notamment aux besoins du ministère de la Défense nationale », selon le décret. Le GPIM sera appelé par la suite à gérer des sociétés et filiales qu’il contrôle ou dans lesquelles il est actionnaire avec d’autres partenaires. Il aura aussi pour vocation de prendre en charge la surveillance industrielle des activités liées à la fabrication des véhicules et des moteurs, selon le texte.

Ce projet est le quatrième à être annoncé depuis le début du mois en cours. Le 4 octobre, le ministère de la Défense annonçait la création de deux entreprises mixtes algéro‑émiraties, en partenariat avec Aabar Investments et avec la contribution de la SNVI et des entreprises publiques implantées à Constantine et à Tiaret. Il s'agit, selon le MDN, de mettre sur pied une société qui sera basée à Tiaret et qui va produire des VLTT (4X4) et des véhicules utilitaires. La deuxième entité produira des moteurs sur le site de Oued Hamimime, dans la wilaya de Constantine. Le premier véhicule made in Algeria devrait ainsi sortir des usines de l’armée dans les prochains mois.
Le lendemain, le 5 octobre, le ministère de la Défense annonçait la signature d’un accord entre l’Établissement de constructions mécaniques de Khenchela (ECMK) et l’émirati Caracal, filiale du fonds d’investissement du même pays, Tawazun. « En application du protocole d’accord de partenariat algéro‑émirati du 20 avril 2011, conclu avec le groupe Tawazun de la République des Émirats arabes unis, la mise en œuvre d’une société à capitaux mixte a été formalisée le 4 octobre 2011 par la conclusion du pacte d’actionnaires entre l’EpicECMK (Établissement de constructions mécaniques de Khenchela) et la filiale Caracal du groupe Tawazun », précise le communiqué.
Cette intrusion de l’armée dans l’économie est nouvelle en Algérie. Mais elle ne constitue pas une particularité. En Égypte, l’armée est fortement présente dans le secteur économique, avec des entreprises leaders dans leurs domaines. L’armée turque possède également la même stratégie. En s’intégrant à l’économie nationale, l’ANP veut palier l’inefficacité des "civils" dans leur stratégie visant à préparer l’après‑pétrole. Depuis quelques années, le gouvernement multiplie les annonces de projets industriels majeurs. Mais, à l’image du dossier Renault, aucun projet n’a avancé.
En se positionnant dans l’économie, l’armée accroît également son influence. Elle pourra garder ses meilleurs cadres et attirer de nouvelles compétences, surtout que les projets sont lancés en partenariat avec des groupes sérieux (Mercedes, Caracal, Aabar…). L’ANP pourrait ainsi devenir le principal employeur du pays.