mercredi 25 mai 2011

Rendez-nous notre Sénat ! Libérez l’Oncle Ben !

Dialogue politique. Pourquoi Bensalah ne recevra-t-il pas
Belkhadem ? Parce qu’il n’a prévu de rencontrer que des chefs
de parti ou des personnalités politiques …

…nationales !

On a tout dit ou presque sur les consultations politiques en cours. On a donné les noms et qualités des gens qui sont déjà passés dans le bureau de l’Oncle Ben. On a décrit leurs impressions à la sortie de ces entretiens. On a dit un tas de choses, mais on a oublié l’essentiel, ce qui me semble dramatiquement d’actualité. Que devient pendant ce temps-là le Sénat ? Oui, m’sieur ! Le fait d’accaparer tout l’emploi du temps de Bensalah sur ces consultations prive le Sénat de son patron et bloque la vie institutionnelle du pays. C’est d’ailleurs visible et donc vérifiable sur les visages de tous les Algériens que je croise dans la courant alternatif de ma journée : MES COMPATRIOTES SONT ANGOISSES ! Ils ne comprennent pas qu’on leur ait ainsi confisqué leur président de Sénat. D’accord ! Les consultations politiques, c’est important. Mais ces consultations doivent-elles se faire sur le dos de la légendairement intense activité des sénateurs et de leur hémicycle ? A-t-on le droit de créer un tel vide dans la vie législative de la nation ? Au-delà des citoyens et de leur désespoir flagrant de voir l’Oncle Ben éloigné du Sénat, a-t-on un seul instant pensé aux sénateurs eux-mêmes ? Imaginez un peu la détresse profonde des occupants de la Chambre haute, eux qui sont habitués à un programme de travail surbooké, qui ne peuvent concevoir une journée sans se pencher, à en tomber le nez en avant, sur les dossiers brûlants qui agitent le pays. Que vont-ils faire maintenant que du château est venu l’ordre de réorienter les missions de l’Oncle Ben ? Et dire que certaines mauvaises langues pensent que la vie de sénateur est un conte de fées, une niche paradisiaque pour personnalités vernies et pistonnées. Vagissements de mégères que tout cela ! Non ! Le Sénat algérien, privé de son chef, vit des heures sombres. Des heures graves. Et je vous demande, chers compatriotes qui avez encore en vous quelque once de compassion, d’en avoir un peu plus chaque fois que vous verrez à la télé l’Oncle Ben recevant des partis ou des personnalités dans le cadre des consultations politiques. Tout chez cet homme transpire le sacrifice. Celui d’avoir abandonné son fauteuil au Sénat et de priver ainsi l’Algérie d’un outil indispensable à la démocratie. Cet homme souffre, j’en suis convaincu. Mais pas autant que nous ! Rendez-nous notre Sénat ! Libérez l’Oncle Ben ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.


H. L.

Les réformes au lieu du changement ?

Avant que Louisa Hanoune ne déclare être “pour les réformes mais contre le changement”, les choses étaient confuses. Et on devait être nombreux à penser que les réformes visaient le changement.
Eh bien, non. Les réformes, c’est le contraire ou, tout au moins, l’alternative au changement. Quand un pouvoir n’a pas les moyens d’imposer le statu quo à une demande de changement, il propose les réformes, c’est-à-dire des changements dans les modalités de sa propre maintenance.
Le régime qui, aujourd’hui, agite un laborieux processus de révision constitutionnelle, a, quand ce fut encore possible, en quelques jours, revu la Constitution pour en abroger le principe d’alternance au pouvoir et l’alléger des prérogatives du chef du gouvernement, sans s’obliger à consulter.
L’Algérie a assumé de longs rounds de consultation en guise de solution placebo à ses crises politiques récurrentes. Comme les précédentes fois, le défilé de consultés en fera une longue croisière qui occupera la presse à regarder défiler des personnalités qu’elle ne connaissait pas et des dirigeants politiques qu’elle ne connaissait plus. Tenez : qui se souvient de Abdelkader Hadjar et de ses troupes du RPR ? Qui peut nous dire qui est Abdelkader Akif et quelles actions du PND devrait-on retenir ? S’ils n’étaient pas passés déposer leurs propositions avant-hier, on n’en aurait pas autant parlé hier. Et la commission n’aurait pas trouvé grand monde à écouter.
Où sont passés le PAHC, le PUP, le RNA, le RABI ? Il suffit de leur trouver un chef, quelqu’un qui ne refusera pas d’être tiré du néant par la commission Bensalah : il y aura de quoi remplir soixante-deux séances de commission, comme au temps du “dialogue national” initié par le ministre de la Défense “civil”, disait-on, devenu président de l’état. Alors que le chemin de la Présidence passait par le ministère de la Défense, le dialogue menait à l’impasse qui justifiait le passage en force.
Le jour où Louisa Hanoune est allée marquer son attachement au régime des quotas tout en appelant — en connaissance de cause — à la fin des quotas, la commission recevait deux membres de la société civile, mais tous deux députés RND à temps perdu. Apparemment inquiète de ce que la prochaine Assemblée nationale sera élue dans la transparence, Louisa Hanoune veut une législative anticipée ; histoire de s’assurer un dernier mandat, au cas où… Mais non, la réforme, ce n’est pas le changement : c’est vous qui le dites !
Si le changement fait peur à “l’opposante” Hanoune, comment pourrait-il inspirer des députés qui vivent de ce système qui autorise toutes les confusions entre militaires et civils, entre opposition et majorité, classe politique et société civile, réforme et changement… ?
Comment le pouvoir compte-t-il, en effet, puiser du changement dans l’esprit de toute cette faune à statuts divers qu’il a inventés, qu’il peut, par le pouvoir de la rente, enterrer ou ressusciter à volonté ?
à voir l’intérêt tout relatif des Algériens pour le discours des consultés, on s’aperçoit que, contrairement à leurs “élites”, eux l’ont compris : le changement, ce n’est pas l’affaire du pouvoir.

M. H.

Explosion de la bulle du conciliabule

Pendant que le régime organise un dialogue de sourds pour faire croire qu’il écoute, ses élus s’organisent dans le silence. Un ministre en fonction transfère des milliards à l’étranger, un autre se retrouve avec 50 millions de dollars sur son compte, un autre encore paye à ses enfants des villas aux USA, un autre enfin, toujours en fonction, se retrouve à la tête de plusieurs appartements à Paris. Dernier sur la route du futur, un ministre, en fonction aussi, est arrêté à l’étranger avec une valise diplomatique bourrée d’euros.

Devant cette impunité évidente, il faut bien admettre que la fuite est organisée ou couverte, ou du moins consensuelle ; pendant que Bensalah offre un café à 20 DA aux représentants politiques, de hauts responsables opèrent de gigantesques transferts de fonds vers l’étranger, pour eux et leurs enfants, montrant par l’exemple qu’ils n’ont aucune confiance en ce pays. Le Président le sait-il ? S’il lit les journaux, et c’est une partie de sa fonction, oui. Le Premier ministre le sait-il ? Pour la même raison, oui, et au lieu de harceler les cadres pour délit de gestion, il devrait regarder ce qui se passe dans son aquarium et arrêter de s’en prendre aux pauvres salariés qui ont du mal à retirer leur argent de la Poste.

Qui va lutter contre ces opérations, crimes économiques permanents, profonde roublardise d’un régime qui demande aux Algériens et aux étrangers d’investir, tout en expatriant de l’argent à des fins personnelles ? Personne, dernièrement la fille de l’un des membres de l’organe officiel de la lutte contre la corruption a été inculpée dans l’affaire de l’autoroute Est-Ouest. La boucle est bouclée, il n’y a rien à faire, à part de la prospective ; si le Président et le Premier ministre ne sanctionnent pas leurs protégés, cette histoire se réglera dans le sang. Un sang national, en dinars et comptabilisé sur le budget de l’Etat.

Chawki Amari

Cannes, visa pour la gloire et la décadence

«Cannes, c’est d’abord un escalier un escalier facile à monter...difficile à descendre.»
Claude Lelouch "Extrait d’ Itinéraire d’un enfant très gâté"

On attendait le sacre de nos beurettes, Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Sabrina Ouazani et Biyouna, comme Les Indigènes de 2007, on a eu droit à un Samy Nacer scandaleux L’image des stars maghrébines a pris un sacré coup sur la Croisette. Après avoir attiré l’attention sur lui lors d’une légère altercation devant l’hôtel Martinez pendant le festival de Cannes, Samy Naceri dérape encore et toujours! L’acteur serait retourné en garde à vue cette fois-ci pour exhibition et insultes. Ce serait devant des passants venus lui demander une photo que l’acteur n’a pas trouvé mieux que de «baisser son pantalon et montrer son anatomie en proférant des insultes» selon le journal Nice Matin. Suite à cette nouvelle frasque, le comédien de Taxi a été entendu par la police hier après-midi et ce matin. Une nouvelle interpellation qui n’est pas de très bon augure pour la réputation de l’acteur...et ça gâche déjà une journée noire et ratée des étoiles du film La Source des femmes de Radu Mihaileanu, qui sont parties de la Croisette bredouilles. Ni palme ni prix d’interprétation collectif.


Et pourtant, l’opération de charme des filles du Maghreb avait bien commencé sur Canal+ et sur les escaliers de la Croisette. La Marocaine Leïla Bekhti, César du meilleur espoir féminin 2011, la Tunisienne Hafsia Herzi qui a reçu ce même prix en 2008 pour La Graine et le mulet, l’Algérienne Sabrina Ouazani qui avait participé à Cannes l’an passé pour Des Hommes et des dieux et bien sûr l’icône vivante Biyouna, chanteuse, danseuse, actrice algéroise et égérie de Nadir Moknache qui avait raté les marches avec Delice Paloma et qui se rattrape avec ce film d‘un réalisateur juif franco-roumain, La Source des femmes. Un film coloré comme les puits de Fez, qui se déroule quelque part entre l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Les femmes vont chercher l’eau à la source, en haut de la montagne, sous un soleil de plomb, et ce, depuis la nuit des temps. Leïla, jeune mariée, propose aux femmes de faire la grève de l’amour: plus de câlins, plus de sexe tant que les hommes n’apportent pas l’eau au village. Un film osé et rosé, qui plaît aux critiques avides de folklore et mosaïque.


Ceci côté paillettes, côté réalité, deux comédiennes marocaines, Soufia Issami et Sara Betioui, héroïnes de Sur la planche, sélectionné à la Quizaine des réalisateurs, ont été refoulées par la police française à l’aéroport de Nice, faute de présentation de l’invitation officielle du festival et de la prise en charge qui étaient rangées dans leurs bagages en soute. L’histoire finit bien pour les deux jeunes femmes qui ont pu revenir vendredi juste à temps pour assister à la deuxième projection du film. Ou encore ce jeune réalisateur algérien sélectionné pour le Short Corner qui s’est vu refuser son visa alors qu’il avait une lettre officielle d’invitation. C’est cela Cannes, la gloire et la décadence d’un festival basé sur le réseautage, le lobbying, le copinage et, bien sûr, la politique culturelle.

Amira SOLTANE

Purification religieuse

L’intolérance officielle continue à faire des ravages dans notre pays. De zélés serviteurs, sans doute pour plaire au prince qui a dit être plus proche des islamistes que des démocrates, sévissent encore contre les non-musulmans. C’est ainsi que le wali de Béjaïa a décidé de fermer des lieux de culte protestant sans donner les justifications nécessaires à cette décision.
Depuis une dizaine d’années, le pouvoir a engagé une opération de purification religieuse en faisant la chasse à tout ce qui est chrétien pour le grand plaisir des intégristes qui n’en demandaient pas tant. Etre en possession des Evangiles ou de la Bible est devenu un délit passible de prison, alors que le peuple algérien est connu pour être respectueux de toutes les religions et des libertés d’opinion.


Un climat délétère a été instauré à travers tout le pays au point que nos concitoyens non musulmans n’osent plus afficher leurs convictions religieuses. Malgré les protestations internationales, le pouvoir reste sourd et poursuit une talibanisation qui ne dit pas son nom.
Dans les années 1990, le terrorisme islamiste a assassiné les chrétiens et les juifs qu’il trouvait sur son chemin. Le processus de leur élimination est maintenu aujourd’hui encore, mais cette fois-ci sans violence physique, jusqu’à ce que l’Algérie soit vidée de tous ses éléments qui n’appartiennent pas à la communauté islamique.


Heureusement qu’ils sont très peu nombreux, sinon nous aurions vécu une situation à l’égyptienne où la chasse aux Coptes est devenue l’activité favorite des intégristes du Nil. Et pour solder ses comptes avec tout ce qui est contraire aux «constantes nationales», le pouvoir s’est mis à fermer discrètement les débits de boissons alcoolisées, sans doute pour plaire surtout au régime wahhabite et pourquoi pas, pense-t-il, s’assurer une place au Paradis. Une hypocrisie très répandue dans le monde musulman.


C’est ce même monde qui, pourtant, n’hésite pas à monter sur ses grands chevaux si par ailleurs une quelconque ville de l’Occident s’attardait à délivrer un permis pour la construction d’une mosquée. Les Suisses ont été voués aux gémonies pour avoir voté contre l’édification de minarets, même s’ils continuaient à autoriser les lieux de culte musulman.
Les maîtres actuels du pays sont en train d’appliquer le programme du FIS sans le FIS. Abassi Madani et El Qaradawi peuvent jouir.

Tayeb Belghiche

Crédibilité

Au-delà de la polémique engendrée par cette éventualité de report et de la pression, qui en a découlé, la crédibilité semble constituer un véritable leitmotiv pour le gouvernement.

Beji Caïd Essebsi, le Chef du gouvernement de transition, qui avait déclaré, lors de la conférence de presse ayant suivi son investiture, qu’on ne risquait pas de le revoir dans les arcanes du pouvoir une fois sa mission terminée, semble bien déterminé à l’achever dans les délais impartis. C’est, du moins, ce qu’il faut retenir de sa décision de tenir à la date fixée, 24 juillet, le scrutin devant désigner l’Assemblée constituante tunisienne. L’homme semble en faire une question de principe. En dépit de toutes les contraintes énumérées par la commission électorale, dont le président a jugé impossible la tenue de l’élection au moment voulu, Caïd Essebsi s’engage à réunir les conditions nécessaires pour que les Tunisiens se rendent aux urnes à la date voulue. Au-delà de la polémique engendrée par cette éventualité de report et de la pression, qui en a découlé, la crédibilité semble constituer un véritable leitmotiv pour le gouvernement. Idem pour son homologue égyptien sur la question de la traduction en justice de l’ancien président, Hosni Moubarak, ses deux fils, ainsi que ses proches collaborateurs impliqués dans la gestion de l’État.
En effet, la justice égyptienne a balayé, hier, d’un revers de main, les rumeurs faisant état d’une amnistie pour le raïs et, éventuellement, ses proches, en confirmant qu’ils répondront de leurs actes devant les juridictions compétentes. Les révolutions des peuples tunisien et égyptien ne seront pas confisquées, semblent dire les instances chargées de gérer la transition. Il faut, toutefois, croire que depuis la déchéance de Zine al-Abidine Ben Ali et de Hosni Moubarak, il n’y a pas eu de relâchement. Bien au contraire, l’on veille au grain pour que la démocratie soit effective. C’est à travers ce genre de décision que l’on peut mesurer la détermination des responsables en place à concrétiser les missions qui leur sont confiées.

Merzak Tigrine

Chadli, Mehri et Aït Ahmed seront consultés pour les réformes politiques en Algérie

Pénuries

«Les esprits sont, en général, moins affamés que les estomacs, et ils supportent plus gaillardement la pénurie.» André Frossard

Il y a des gens qui sont vernis! C’est le cas de mon cousin qui est émigré en France depuis longtemps. Quand on lui parle de pénurie, il ouvre de grands yeux étonnés. Non pas qu’il ne connaisse pas ce genre de tracas qui affecte la vie quotidienne du citoyen dans certaines républiques bananières, mais cela le surprend qu’on en parle aussi souvent dans un pays où les dirigeants sont bardés de diplômes. Il a bien connu une sorte de pénurie: c’était celle de l’essence quand il y a eu le premier choc pétrolier en 1973 ou quand des routiers décidés font grève et assiègent les principales raffineries de l’Hexagone. Bien sûr, il a vu des films qui parlent de l’époque de la Seconde Guerre mondiale, quand la France était occupée par l’armée allemande, quand tous les circuits de production et de distribution étaient perturbés, quand toute la machine économique était au service de la guerre...Il avait vu ces images saisissantes de femmes et vieillards faisant la chaîne pour avoir une quantité infime de ravitaillement telle qu’elle était mentionnée sur les tickets de rationnement. C’était la guerre et les gens faisaient tout pour survivre.


Il se rappelle les images d’épiciers bombant le torse et effaçant avec cynisme sur l’ardoise accrochée à la devanture du magasin, le produit qui n’était plus disponible. C’était la guerre et le mot guerre suffisait pour justifier toutes les privations dont souffrait le citoyen. Il avait vu tous les petits trafics qui se faisaient pour contourner ces pénuries: des gens sans foi ni loi s’enrichissaient indûment sur le dos de pauvres gens. Les épiciers malhonnêtes faisaient leur beurre et ne tardaient pas à constituer un lobby qui allait peser sur le monde politique d’après-guerre. Mais une fois la machine de production remise en branle et que tout le monde s’est remis à travailler normalement, le marché s’est conformé petit à petit à la loi de l’offre et de la demande. Bien sûr, son père lui a parlé aussi des conditions de vie encore plus dures en Kabylie en cette période de disette. L’écho lointain de la guerre n’empêchait pas certains gros bonnets, complices de l’administration coloniale, de faire des affaires...Mais la période la plus dure fut celle de la guerre de Libération, quand l’armée coloniale bloquait tout ravitaillement aux villages accrochés aux flancs des montagnes. Mais en ce temps-là, il y avait une solidarité extraordinaire entre les villageois. Et puis, quel courage! Les jeunes sellaient les mulets et sortaient du village avant le couvre-feu: à la nuit tombée, ils suivaient pendant des dizaines de kilomètres les chemins escarpés qui longeaient les ravins pour rejoindre les gros villages où il y avait du ravitaillement. Ils ramenaient des sacs de semoule, de pois chiches, de boîtes de fromage, des conserves de sardines ou de corned-beef, du café et du sucre. Son père lui avait raconté qu’ils avaient longtemps bu du «café» fait avec des pois chiches grillés. C’était infect! Ils s’en revenaient le lendemain, fourbus, mais contents. Tous ne revenaient pas...C’était la guerre!
Mais à présent, il ne peut pas comprendre le pourquoi de ces pénuries. Avant, pendant les premières années de l’Indépendance, on pouvait comprendre l’incompétence des responsables politiques qui n’avaient pas l’habitude de gérer la logistique de toute une population.
Ensuite, pendant la période d’austérité où on disait que la priorité était donnée à l’industrialisation du pays, cela pouvait passer en ce qui concernait les produits de luxe. Mais à présent, avec le libéralisme sauvage dominant, avec le nombre impressionnant d’importateurs, la pilule est dure à avaler. Il y a même des médicaments vitaux qui ont disparu de la circulation. Il y a sûrement des gens qui doivent faire leur beurre en ce moment!

Selim M’SILI

De Yalta à Benghazi via Berlin

La crise en Libye évolue de manière symptomatique du nouvel ordre mondial qui se met en place. Sans remonter à l’Antiquité, il est bon de rappeler que la Libye, alors occupée par l’Italie, a été déjà «découpée» en trois parties en 1943. Deux parties (Cyrénaïque et Tripolitaine) pour la Grande-Bretagne et le Fezzan pour la France. C’est l’ONU qui «réunifia» la Libye en 1949 en se déclarant favorable à l’indépendance du pays incluant les trois parties.

Donc ce n’est pas un hasard si l’on retrouve sur le terrain des combats l’Angleterre et la France bien plus engagées que les forces de l’Otan. L’entrée en action, depuis lundi dernier, des hélicoptères de ces deux pays qui, de toute évidence, jugent «molles» les frappes de l’Alliance atlantique, renforce l’idée d’un réveil des vieux démons. Il ne faut pas oublier que c’est la France, suivie de l’Angleterre, qui ont donné le coup d’envoi des bombardements sur la Libye avant que l’Otan ne reprenne le commandement des frappes. Les revoilà donc, se détachant de l’organisation, sur le théâtre des opérations de leur ancienne colonie. Le rôle du Royaume de Sa Majesté britannique ressemble, à s’y méprendre, au «marquage de joueurs» en usage dans les compétitions sportives. Histoire de ne pas laisser la France «s’échapper».


L’acharnement de la France est plus difficile à déceler. Une France dont on ne sait plus qui, de l’Elysée ou du philosophe Bernard Henri Lévy, prend les décisions. Une chose est sûre, le nouvel ordre mondial abat ses cartes, l’une après l’autre et en fonction de l’évolution de la situation. Après que BHL ait réussi à faire recevoir à l’Elysée les représentants du CNT de Benghazi, après que la France ait reconnu officiellement ce que les médias français continuent pourtant d’appeler «la rébellion» et après que l’Italie lui ait emboîté le pas, voilà que l’Union Européenne ouvre un bureau de «représentation» à Benghazi. Washington et Moscou suivent et reconnaissent «la légitimité» du CNT.

C’est un vaste mouvement de «reconnaissance» d’un Etat qui n’en est pas un. Voilà l’aspect fondamental du nouvel ordre mondial qui apparaît de plus en plus. Au diable! la démocratie, les droits de l’homme, le suffrage universel, ce nouvel ordre ne s’embarrasse pas des vieilles règles, définissant les Etats, qui ont prévalu jusque-là. L’ONU, dont c’était le rôle de reconnaître les nouveaux Etats, fait profil bas. Elle aura juste servi à donner le «bon à tirer» avec sa résolution 1973. Le plus inquiétant dans ce nouvel ordre mondial est sa proximité avec la multinationale du crime Al Qaîda. Le N°2 de l’organisation, Ayman al-Zawahiri, devenu N°1 depuis la disparition de Ben Laden, a, lui aussi, «reconnu» Benghazi et profite de la situation qui y prévaut pour armer son équipe qui sévit au Sahel.

Après le dépeçage de la Libye, si le coup réussit, la tentation d’appliquer le même scénario dans d’autres pays de la région transparaît dans les actions de ce nouvel ordre mondial. L’autre aspect aussi fondamental qui apparaît dans la structure de ce nouvel ordre est l’exclusion des Etats-Unis d’Amérique. Quoique même là-bas, il y a deux visions de l’Amérique. Celle de Barack Obama, le démocrate et celle de John McCaïn, le républicain qui est allé à Benghazi apporter son soutien à la rébellion. L’objectif de ce nouvel ordre mondial est de maintenir la planète en état de guerre permanent. Pour dessiner une nouvelle carte géopolitique qui viendrait remplacer celle qui a eu pour point de départ la chute du mur de Berlin qui, elle-même, avait remplacé celle de Yalta. C’est la carte de troisième génération en langage Ntic. Sauf que tout n’est pas joué.

Zouhir MEBARKI

Que reproche donc le gouvernement à l’entreprise privée ?

Nous avons déjà eu à traiter de l’attitude économique défensive du gouvernement. L’actualité de notre pays, marquée par la tenue de la 14e tripartite le samedi 28 mai, nous impose de revenir sur cette question de la gestion de l’économie nationale par le gouvernement Ouyahia. Financièrement, l’Algérie n’a jamais été, depuis 1962, aussi prospère. Totalement désendettée au plan externe, des réserves de change de plus de 150 milliards de dollars, près de 4 500 milliards de dinars dans le Fonds de régulation des recettes (FRR)... Merci le pétrole !

Pourtant, c’est dans ce contexte macro-financier largement favorable que le gouvernement choisit une stratégie économique totalement défensive et décourageante pour les entrepreneurs.
I/ De nouvelles dispositions qui n’attirent pas les investissements directs étrangers. Alors que dans toutes les régions du monde, les Etats redoublent d’ingéniosité pour attirer les IDE qu’ils considèrent comme de bons vecteurs d’impulsion des exportations, de créations d’emplois, de transfert de savoir-faire et d’apprentissage, fait inattendu, c’est le moment que choisit notre gouvernement pour «refroidir» les éventuelles intentions des promoteurs étrangers d'investir chez nous ! «Nous n’avons pas besoin de votre argent. Nous avons besoin de votre technologie», dit le ministre de l’Industrie aux investisseurs étrangers. «Il n’y a qu’à exprimer vos besoins et nous sommes là», c’est la réponse qu’espère entendre peut-être le ministre de la part de ces investisseurs étrangers. Eh bien, non, les IDE ne viendront pas massivement chez nous. Mais, plus sérieusement, les dernières circulaires du Premier ministre ne sont pas faites pour encourager les investisseurs étrangers à choisir l’Algérie. C’est le moins que l’on puisse dire. Ces circulaires exigent de ces investisseurs :

1- Un capital détenu à 51 % au moins par des opérateurs nationaux. Au-delà de la participation algérienne au capital et de son taux, c’est la présence de celle-ci dans la gestion de l’affaire qui pose problème à l’investisseur étranger. Problème d’efficacité et de performance, les bons capitaines d’industrie n'étant pas légion chez nous.
2- L’investissement étranger doit faire rentrer dans le pays plus de devises qu’il n’en sort (balance devises excédentaires). L’Etat algérien ne veut prendre aucun risque. Mais, y a-t-il industrie sans risque ?
3- Il y a un impôt sur les dividendes.
4- Le financement de l’IDE est à mobiliser sur le marché bancaire algérien.
Les commentateurs et analystes ont conclu, après ces circulaires, à une indifférence sinon à un rejet de la part de l’Etat algérien, des IDE. Et c’est dommage !

II/ S’agissant des opérateurs économiques nationaux, des dispositions de la loi de finances complémentaire 2009, instituant le Credoc pour le financement des importations, puis récemment un décret sur les importations en franchise de droits de douane, ont sérieusement secoué les entrepreneurs du secteur privé qui souffraient déjà d’une perte importante de parts de marché intérieur à cause de la concurrence déloyale du secteur informel.

Nous connaissons l’affaire du Credoc et ses retombées sur l'approvisionnement en input de l'appareil national de production. Au moment où tout le monde attendait des mesures rectificatives, voilà qu’est publié un décret qui bloque au port les matières premières si nécessaires au fonctionnement de l’outil de production et qui va alourdir considérablement les procédures d’importation, y compris les importations de matières premières, demi-produits et pièces de rechange pour les unités de production. Prétextant d’un suivi statistique des importations, le gouvernement institue une licence d’importation en franchise des droits de douane, c’est-à-dire pour toutes importations en provenance de pays ou de zone avec lesquels nous avons des accords de libre-échange (il faut savoir que 70% de nos importations viennent de l’Union européenne avec laquelle nous avons précisément un accord de libre-échange).

Factures pro forma, copies légalisées du RC, identifiant fiscal, statuts de la société, attestation de dépôt de comptes sociaux auprès du CNRC, extrait de rôles apuré, copie légalisée de l’attestation de mise à jour avec la Cnas... tout ce lourd dossier est à déposer au niveau de la Direction du commerce de la wilaya territorialement compétente, qui les transmet à la Direction régionale du commerce concernée, pour visa. Ce n’est qu’après toutes ces procédures que les marchandises pourront être récupérées, après contrôle des douanes, par leurs importateurs. Des délais longs qui occasionnent, bien sûr, des surcoûts aux entreprises et des pénalités douanières de retard d’enlèvement.

III/ Le président du Conseil des participations de l’Etat (qui est le Premier ministre) a émis un projet de résolution sur la gestion des entreprises publiques qui, s’il est adopté (et il va certainement l’être) mettra totalement sous éteignoir les entreprises publiques. Ainsi, au moment où le gouvernement annonce que la croissance et le développement économique se feront avec les entreprise publiques ou ne se feront pas, il décide d’une mise sous tutelle administrative réglée de ces dernières. Les SGP ne servent plus à rien ; les ministères de tutelle ont des droits non seulement de contrôle à la fois de conformité et d’opportunité mais aussi des droits d’injonction. Les directeurs généraux des entreprises publiques n’ont plus aucune marge d’initiative. Les réformes de 1988 portant autonomie de l’entreprise publique et création des entreprises publiques économiques (EPE) ont fait long feu.

Et tout cela en l’absence (voulue) de tout organe de pilotage de l’économie puisque nous savons qu’il n'y a plus de plan. Investissements directs étrangers méprisés, secteur économique privé bridé, secteur économique public mis sous gestion administrative directe : une «stratégie» économique défensive d’autant moins compréhensible que l’Etat dispose de moyens financiers qui lui permettent de revenir aux réformes, de mettre en place le système économique de marché régulé, d’engager enfin la bataille des contraintes d’efficacité. Bref, d’engager la sortie des tranchées. Il faut espérer que la 14e tripartite du 28 mai abordera sérieusement ce dossier de l’entreprise et des innombrables difficultés que rencontre la liberté d’entreprendre.

Par Abdelmadjid Bouzidi