jeudi 29 août 2013

Jijel, côté mer, côté hommes

Ma première visite à Jijel date de 1972. C’était à l’occasion d’un reportage sur la pêche. Coup de foudre. La ville, débonnaire et élégante, semblait entièrement livrée à la mer, comme si elle voulait se détourner d’un arrière-pays particulièrement accidenté et qui lui rappelait les plus mauvais souvenirs. La guerre et ses ravages. Ses morts et ses sacrifiés aussi, jetés dans le dénuement par la politique répressive et inhumaine des forces coloniales.

Mais comment oublier cette tragédie quand chaque lopin de terre, chaque pierre, chaque arbre vous rappellent que la terre jijelienne a été probablement celle où le sang algérien a le plus coulé durant les sept années de guerre ? Alors, dans cette Algérie sereine des années soixante-dix qui cherchait à oublier les ravages du conflit armé, le recours aux plaisirs de la mer était comme un remède pour reprendre goût à la vie. Et lorsque Abdelmadjid Hadji (que Dieu ait son âme) m’invita à monter dans un hors-bord, j’avais hâte de voir Jijel côté mer. Mais la vitesse à laquelle Madjid — qui était aussi notre rédacteur en chef adjoint à El Moudjahid — conduisait l’engin ne me laissa guère le loisir de profiter de cette vue splendide puisque les embardées intempestives du petit bateau me jetaient d’un coin à l’autre de la banquette, sans que je puisse faire entendre ma voix qui le suppliait de ralentir. Titubant, je finis par m’approcher de lui pour lui crier à l’oreille : «Je ne sais pas nager !» Cet argument fut décisif et Madjid stoppa brutalement l’embarcation avant de la faire glisser calmement sur les eaux ; ce qui me permit, enfin, de jouir du spectacle absolument unique de la côte de Saphir, noyée dans la verdure des montagnes qui surplombaient de petites criques au sable d’or.


Le lendemain, je fus presque rassuré par la taille du chalutier où je devais m’embarquer pour les besoins du reportage. Le bateau s’appelait Le Raïs et avait une bonne dizaine de marins pêcheurs à son bord. Il faisait encore noir lorsque le chalutier quitta la rade, sous les ordres du vieux capitaine qui semblait avoir roulé sa bosse sur la mer par tous les temps. Le bruit de l’embarcation déchirait le silence matinal du port. La mer était d’huile. Les marins pêcheurs préparaient leur matériel et chacun savait exactement ce qu’il faisait, répétant des gestes appris par cœur. Une fois sur les lieux de pêche, on largua l’immense filet et l’opération, qui semblait facile de prime abord, exigeat la mobilisation et la vigilance des membres d’équipage. Les premiers rayons d’un soleil qui s’annonçait radieux lâchèrent leur lumière pourpre sur les lieux, faisant danser leurs reflets dans une eau limpide et apparemment très poissonneuse puisque la remontée du chalut livra une pêche abondante. D’autres ouvriers s’empressèrent de remplir les cageots de ce poisson frais qui papillonnait encore dans leurs mains, avant de l'arroser d’une grosse couche de sel.


Le soleil est maintenant bien haut. Quelques heures de repos dans une cabine douillette m’avaient permis de récupérer. Nous étions bien loin de Jijel, mais la corniche, inondée de cette lumière saturée de la Méditerranée, était parfaitement visible. C’est en regardant cette terre si intimement liée à la mer que l’on comprend son histoire d’important port qui marqua par son activité les différentes étapes de l’évolution de la ville. Après avoir été un comptoir phénicien connu sous le nom d’Igilgili, la cité n’échappa pas à la colonisation romaine, puis à l’invasion des Arabes qui apportèrent avec eux la toute dernière religion révélée. Jijel est aussi connue pour avoir été un important bastion et l’un des ports refuges des frères Barberousse qui en firent leur première capitale. La colonisation créa Djidjelli qui devint une terre d’accueil pour des centaines de familles européennes qui y trouvèrent toutes les commodités pour exercer leur métier dans la pêche, l’agriculture et l’industrie.


Midi somnolait dans les eaux transparentes de la Méditerranée. C’était l’heure du déjeuner. Le menu ? Du poisson frais frit à l’huile de tournesol, bien sûr. Mais juste pour l’invité car l’équipage préférait un ragoût de pomme de terre à l’agneau. Un bon café noir finira par me réveiller totalement, ce dont j’avais besoin pour poursuivre ma contemplation quasi religieuse de cette inoubliable côte de Saphir. En fin d’après-midi, et après avoir débarqué du Raïs, au milieu d’une foule bigarrée venue attendre le chalutier, je voulais découvrir de plus près cette corniche qui n’a pas son semblable sur toute la côte algérienne. La route, sinueuse, empruntait un parcours dessiné pour charmer les plus exigeants en matière de paysages exotiques : la mer et la montagne faisaient la fête et jouaient le plus bel air sous la direction d’un chef d’orchestre imaginatif : le soleil méditerranéen ! Voilà Ziama-Mansouriah, souriante comme une île, ouverte aux quatre vents de la mer, rassasiée de soleil et de friture, fière dans sa tenue de touriste rayonnante. Une halte au restaurant d’un vieux pied noir qui a préféré rester au pays et qui n’en est pas mort ! Et puis, les Grottes merveilleuses qui portent si bien leur nom. Fabuleuse construction tout en désordre, mais si harmonieusement esquissée dans les profondeurs de la montagne qu’elle finit par vous impressionner comme le ferait le tableau d’un grand maître. Mais ici la nature a ce don que ne possède aucun artiste : ce mélange si juste des sons et des lumières, cette riche palette de couleurs qui virent du plus ténébreux des châtains au plus léger des gris et cet excès des formes qui pousse les roches vers leur perte. Mais elles restent là, tendues vers leurs extrêmes, parfaitement accrochées. Comme par miracle. Miracle, c’est le mot clé qui vous accompagne durant ce voyage où la mer vous renvoie encore les images des batailles navales livrées par les frères Barberousse, Aroudj et Kheiredine, qui ont sillonné ces rivages maintes fois pour les défendre des agresseurs mais aussi pour agresser et piller des navires étrangers ! Corsaires, ils allaient jusqu’au bout de leur mission…
Ma seconde visite à Jijel eut lieu en 1974, alors qu’elle dépendait de la wilaya de Constantine, à l’occasion de la couverture d’un voyage présidentiel. Fidèle à sa politique d’équilibre régional, le président Boumediène, qui avait déjà lancé plusieurs programmes spéciaux pour régions déshéritées (Kabylie, Aurès), inaugurait là un nouveau type de plans dits «programmes spéciaux pour daïras déshéritées». Et à l’Est, il avait choisi Aïn-Beïda et Jijel. Nous arrivions de la capitale des Haraktas et à la désolation des plateaux dénudés et austères de l’arrière-pays, succédait un relief coloré à l’abondante végétation. La route qui partait de Constantine longeait des paysages montagneux qu’elle avait du mal à pénétrer, se transformant parfois en un petit filet de bitume trottant laborieusement au bord de gouffres impressionnants ou se tortillant au milieu de gorges dominées par de hauts pics. Parfois, ne trouvant plus d’issue, il embarquait dans un tunnel jadis réservé au train mais qui ne jouait plus cette fonction depuis le sabotage des installations ferroviaires par l’ALN durant la guerre de Libération. Nous éviterons cette fois-ci ce tunnel qui menait aux villages de la haute montagne, car notre route devait se poursuivre vers Jijel. Ancer et ses riches plaines, Sidi-Abdelaziz ou le village agricole socialiste que l’on prenait pour une station balnéaire et, enfin, la dernière ligne droite vers Jijel, avec l’omniprésence de la mer à droite. Jijel nous accueillit comme d’habitude, avec le sourire millénaire de ses habitants et leur légendaire hospitalité. Le couscous au mérou pris chez la maman Bouakkaz, en plein centre-ville, était certainement le meilleur du Maghreb. Partie de dominos dans un café du centre-ville. Et comme il n’y avait pratiquement plus de place pour les journalistes dans les rares hôtels de la ville, on nous dirigea vers le dortoir d’un lycée. Mais un jeune citoyen de la ville, qui deviendra un grand ami, était là pour nous éviter la nuit blanche. En effet, fuyant le dortoir, nous décidâmes de rester sur la jetée, accompagnée par deux caisses de «33», rafraîchies aux barres de glaces achetées dans une glacière du port. C’était avant l’installation de la marine militaire ! Lyès Bouakkaz fut catégorique : «Pas de dortoir ! Vous êtes les bienvenus chez moi !». On ne pouvait pas refuser l’offre. Après un dîner succulent et un repos bienfaisant, on nous servit un petit-déjeuner royal. Un bon remontant avant d’entamer une couverture présidentielle toujours éreintante !


Mes autres voyages ne se comptent plus. Les années quatre-vingt et leur semblant de bonheur… Les années quatre-vingt-dix et leur lot de malheurs, mais de bravoure aussi. Qui se souvient de Zahra, l’héroïne oubliée qui fit le serment de venger son fils et de défendre l’Algérie contre le projet intégriste… Mais Jijel veut oublier tout cela. Comme elle a cherché à oublier la guerre… Mais les héros de Jijel, qu’ils soient d’hier ou d’aujourd’hui, ne mourront jamais… Ici et ailleurs sur la généreuse terre algérienne…


Maâmar FARAH

Nassim, l'Algérien du 60e. Feuilleton (17e et dernier épisode)

C'est eux.

Aéroport de Nuuk. La Première ministre, Nimik, Nassim et Aleqa sont en poste. Dans la petite salle du minuscule aéroport de Nuuk, les 4 associés sur le coup ont vu l'immense avion présidentiel atterrir et recouvrir toute la piste, peu habituée à recevoir des avions de cette taille. Laissant Nassim et Aleqa dans la salle d'attente à regarder à travers la vitre, la Première ministre et Nimik se sont rendus sur la piste d'atterrissage pour accueillir dignement le Président étranger. L'avion immobilisé, le président est descendu le premier, suivi par un autre homme. La Première ministre, surprise, murmure à Nimik :

- Tu m'as très mal renseignée. Bouteklika a récupéré de sa maladie, il marche et n'est pas sur une chaise roulante. Il a l'air même plus jeune.

Nimik n'a pas répondu, il avait aussi les mêmes informations. La Première ministre s'est avancée jusqu'au président.

- Monsieur Bouteklika ? lui dit-elle avec un grand sourire inuit.

L'homme a tendu la main et souri de ses yeux si clairs :

- Bouteflika. Saïd Bouteflika.

Puis l'autre homme s'est approché de la Première ministre et s'est présenté à son tour :

- Fawzi. Colonel Fawzi.

Etonnés, la Première ministre et Nimik comprendront plus tard. C'est Bouteflika, le frère, pas Abdelaziz, qui est venu, cherchant à s'installer au Groenland avec Fawzi, c'est-à-dire au point le plus éloigné d'El Mouradia et de Ben Aknoun. Protocole oblige, les deux Groenlandais et les deux Algériens ont marché ensemble jusqu'à la salle de l'aéroport, au moment où la mère de Nassim et Sabrina, toute coquette, fraîche et tellement féminine, descendent de l'avion à leur tour avec d'immenses bagages. A travers la vitre, Aleqa observe, agitant un petit drapeau groenlandais fait de deux cercles rouge et blanc. Elle chuchote à l'adresse de son mari, debout à côté :

- C'est ça une papiche ?

- Comment omri ?

- Sabrina, c'est elle...

- Oui...

 - Anoorii, je crois que le vrai feuilleton commence maintenant.

Fin

 De la fiction à la réalité, lisez demain le (vrai) reportage au Groenland (Nuuk) de notre envoyé spécial, Chawki Amari.

Micmacs et décadence

C’est aujourd’hui que devait s’ouvrir la réunion du comité central du FLN dans le but d’installer Amar Saâdani comme secrétaire général. L’ancien président de l’Assemblée nationale, qui passe pour être un proche de Bouteflika, devait occuper le siège de direction – laissé vacant depuis la destitution de Abdelaziz Belkhadem – d’un parti qui a appris à fonctionner de manière autoritaire, sur injonction venue d’en haut. Il est vrai que le Front a connu pire que cela, notamment avec les sessions ouvertes à coups de barre de fer entre redresseurs et caciques après que l’administration et la justice eurent épuisé tous les procédés et «coups tordus» pour imposer le cours des événements selon les désirs du clan présidentiel, en vue de l’élection à la magistrature suprême de 2014.

La réunion des dissidents qui était programmée pour aujourd’hui ne fait pas exception, puisque l’administration, et plus particulièrement le ministère de l’Intérieur, a été à la manœuvre jusqu’au dernier moment pour permettre l’entrée en scène du personnage quelque peu contesté par certains membres de la direction actuelle et une poignée de ministres, dont le ralliement de dernière minute indique bel et bien la volonté de ne pas déplaire au «souverain» et au palais d’El Mouradia. Le choix de l’homme, qui n’est pas fortuit, tout comme ne l’a pas été sa désignation pour la présidence de l’Assemblée nationale, va épuiser le peu de crédit, s’il en reste encore, du vieux parti, comme l’a été l’APN sous sa présidence. D’ailleurs, d’aucuns s’accordent à reconnaître que la désignation imposée du personnage — qui passe pour un des innombrables thuriféraires du régime de Bouteflika et adepte du baisemain à la manière du makhzen — marquera sans doute la fin du Front de libération nationale.

Mais cela ne semble pas un souci pour le clan présidentiel davantage préoccupé par la succession à Abdelaziz Bouteflika, la crise ainsi créée au sein de l’ex-parti au pouvoir n’ayant d’autre fin que d’écarter les successeurs potentiels jugés indésirables qui seraient tentés, éventuellement, de se faire adouber par le FLN. Ce dernier acte de forfaiture à l’esprit de Novembre voulu par un clan qui s’est assuré la mainmise d’une organisation que Larbi M’hidi, Ben Boulaïd et Didouche Mourad voulaient avant tout porteuse d’émancipation et non d’assujettissement au service d’une personne, est révélateur de cette entreprise de destruction programmée du pays. Un pays devenu la proie de prédateurs en tout genre qui ont mis en moins de 15 ans l’économie nationale en coupe réglée et réussi à édifier des fortunes personnelles colossales à l’étranger.
Reda Bekkat

La Syrie, un cas particulier ?

Au bout de cent mille morts, la communauté internationale va intervenir en Syrie pour “punir” son régime d’avoir usé d’armes prohibées dans la répression de la rébellion.

Le peuple syrien, mais aussi les intervenants indirects dans l’insurrection, auront vérifié ce qui a été vérifié par les autres “révolutions arabes” : les dictatures sont prêtes à tout pour ne pas céder le pouvoir. Si le massacre a été dévastateur en Libye, et l’est encore plus en Syrie, il faut dire qu’il n’y a pratiquement pas un régime dans le monde dit arabe qui peut prétendre avoir survécu sans avoir eu, à un moment ou un autre de son histoire, à assassiner des citoyens qui le contestaient.

Dans le cas syrien, le fond a été atteint. Sous le regard impuissant et par, certains côtés, indifférence de l’humanité. Même si les puissances agissent en son nom, le monde n’est pas en état d’agir en “communauté internationale” ; il est organisé pour, au mieux, fabriquer des consensus, des consensus qui évitent l’affrontement entre États sans trop compromettre leurs intérêts. Cette logique a donné plus de deux ans de délai à Bachar al-Assad pour réprimer le soulèvement, mais aussi autant de temps à des intervenants extra-syriens pour entrer dans le jeu et le même délai au conflit pour qu’il prenne des allures de guerre intercommunautaire.

Après cent mille morts, et peut-être plus, pour ne pas avoir su s’indigner à temps, “la communauté internationale”, cette fois-ci dépourvue de légalité internationale, devra “punir” Al-Assad d’avoir gazé sa population en évitant soigneusement que les représailles n’aillent jusqu’à provoquer la chute du régime ! La situation a, en effet, le niveau de confusion auquel la situation est parvenue, la quantité d’antagonismes croisés qui s’y expriment, la multiplicité de commandements qui y opèrent, les stratégies en compétition, l’armement disponible, etc., font que le pire reste nécessairement à venir. La chute de Bachar al-Assad accélèrerait l’explosion de cet indescriptible chaudron. Un chaudron dont les antagonistes ne sont pas nombreux à avoir le souci de l’humanitaire. Chez certains d’entre eux, l’acte de tuer, de massacrer, n’est même pas mû par l’objectif militaire, il est pratiqué comme acte de foi !

“La communauté nationale”, si elle s’est dotée d’une législation, n’est pas encore parvenue à un consensus sur les limites “humanitaires” d’une guerre. Et n’y parviendra sûrement jamais, parce que les nations ont d’abord un rapport politique aux conflits qui éclatent autour d’elles. D’où une élasticité conjoncturelle d’un système de principes humanitaires pourtant littéralement consignés dans des instruments internationaux. Et puis, est-ce le rôle des nations tiers, fussent-elles des démocraties accomplies, de veiller au respect des droits des citoyens des États en crise ? Si elles ont bien pu souffrir de séculaires dictatures et de séculaires injustices !

Ou n’est-ce que le malaise infligé par le spectacle d’enfants convulsant sous l’effet d’agents neurochimiques ? “Cachez-moi ces gazés que je ne saurais voir !”. Quand des populations ont été si longtemps ligotées à un régime, par le seul pouvoir du supplice, il fallait bien s’attendre à ce que le dénouement se fasse dans le désordre et dans le déferlement effréné de la violence. La Syrie n’est que l’expression la plus furieuse de ce processus.

Mustapha Hammouche

I Have a Missile

Alors que le monde célèbre les 50 ans du fameux “I Have a Dream” de Martin Luther King, message à la tolérance et aux droits civiques, celui qui serait l’émanation de cette vision, Barack Obama, est en train de devenir celui qui rentrera dans l’histoire avec une autre phrase : “I Have a Missile”.

Car le président américain, prématurément bombardé (excusez du terme) prix Nobel de la paix, aussitôt arrivé au pouvoir en 2008, est en train de nous surprendre dans sa capacité à tirer sur tout ce qui bouge. Ceux qui voyaient en George Bush Junior, l’incarnation du mal personnifié et un va-t-en-guerre compulsif, sont en train de se rendre compte qu’Obama n’est pas manchot dans cet exercice.

Et la prochaine cible de cette guerre Playstation n’est autre que la Syrie. Damas, une des plus belles villes arabes, épicentre de la culture omeyyade, va avoir son lot de Tomahawk et de missiles de croisière. Alors que dans la justice américaine, un accusé est innocent jusqu’à la preuve de sa culpabilité, principe inaliénable du droit, Obama et ses amis, Hollande et Cameron, qui partagent la console de jeu de l’Otan, ont décidé de la culpabilité de Bachar al-Assad dans le “film chimique” qui s’est déroulé en Syrie avant même que les inspecteurs de l’ONU n’aient prouvé, ou pas, sa culpabilité.

Les Syriens, devenus stoïques après des siècles à tirer sur la chicha, savent qu’ils vont être bombardés et se préparent au pire. Les plus optimistes, géopolitiquement parlant, pensent que cette agitation autour de frappes militaires cache le désir de vouloir tester les limites du soutien russe et les contours de la réaction iranienne. L’Arabie saoudite revenue dans le jeu, après le suicide royal du Qatar, veut des frappes autant, si ce n’est plus que… Israël, qui, au passage, a fourni les fameuses preuves bidon contre Al-Assad dans le montage chimique et veut pacifier la région de l’Iran et de sa bête noire le Hezbollah.

Restera alors le bilan guerrier d’Obama, qui aura ordonné durant 5 ans déjà plus de frappes aériennes, plus d’attaques de drones et d’opérations commando que l’ensemble de ses prédécesseurs. On aurait dû s’en douter. En recevant le prix Nobel qui, au demeurant, est un chimiste suédois qui a inventé la dynamite. Obama prouve qu’il adore s’en servir.

Mounir B.

La réunion du Comité Central du FLN par Ali DILEM

La réunion du Comité Central du FLN par Ali DILEM
La réunion du Comité Central du FLN par Ali DILEM


La 404 !

La 404 est la voiture de toute la mémoire de la nation. Sur le dos de la 404 notre histoire a été construite. Du moins, une grande partie ! Elle est tout une mémoire, tout une histoire ! La 404 a marqué des générations. La 404 est la monture magique qui a façonné l’imaginaire de deux générations algérienne et maghrébine.

Peut-être un peu plus. La monture extraordinaire qui a su quand et comment transporter l’intelligentsia rurale algérienne vers la cité. Chaque intellectuel, sans exception aucune, détient en lui, dans ses tréfonds, des souvenirs palpables envers ce véhicule. La 404 ! La 404 est la voiture célébrée, narrée, dite, chantée, peinte, décrite… par un grand nombre d’écrivains algériens et maghrébins.

Dans la poésie comme dans le roman. En arabe littéraire comme en tamazight, en français comme en dialectes. De Kateb Yacine jusqu’à Tahar Djaout. De Tahar Ouatar jusqu’à Mohamed Meflah. De cheikh El Hasnaoui jusqu’à Brahim Tazaghart. Tout ce monde de la création était fasciné par cette 404. Elle était, la 404, symbole de la souffrance heureuse ! La souffrance heureuse ! Et elle est restée, la 404, bannière de la nostalgie historique. Elle est, la 404, l’image d’une période submergée de rêve. Le rêve national. La liberté. L’indépendance. Le travail. L’exil. La sueur. La bravoure. Errajla. Errajla algérienne, de cette période, n’avait rien du machisme castré, à l’image de celle d’aujourd’hui! Elle est, la 404, l’image de l’enfance. Eblouissement. Ensorcellement. Extase. Sublimation. Et elle est, la 404, image de l’amour. L’amour en tant que thème, dans la littérature algérienne et maghrébine, comme dans la musique, le théâtre ou le cinéma, était en grande partie lié à la fascination exercée par la 404 sur les artistes, et bien sûr sur leurs créations. Pour l’Algérien, la 404 est le véhicule sensationnel par excellence. Elle était, la 404, le rêve des femmes. Le rêve des hommes.

Avec la 404, le rêve n’a pas de sexe. Monter, dans les années soixante, dans une 404, c’était comme aller pique-niquer sur la lune ! La chanson algérienne et maghrébine bédouine ou citadine, confortablement s’est inspirée, pendant longtemps, des fantasmes de la 4O4. La diva cheikha Remiti a merveilleusement célébré la 404. Chantant les sorties nocturnes dans la 404. La boisson dans la 404. L’amour dans la 404. L’interdit.

La 404 fut la joie des unes, des uns. Fut le rêve d’autres. Combien de mariées ont rêvé d’être emmenées vers leur nuit nuptiale dans une 404. Les rêves des unes ont été exaucés, d’autres non ! Les travailleurs immigrés, ces hommes de la solitude aiguë, de Msirda passant par la Kabylie pour arrivant à El-Kala, la 404 traçait pour eux le chemin d’une aventure torturante. Elle fut leur chemin pour rencontrer l’autre, une rencontre amère et historique.

Pour nous enfants, que nous étions, on adorait la 404 : la couleur blanche, les vitres qui montent avec de superbes manettes, les roues qui roulent, le volant, les feux et surtout le klaxon. Là, le klaxon c’est fort, c’est vertigineux!! Et elle avait des ailes, on disait qu’une fois sur la route goudronnée, la 404 s’envolait. Comme un oiseau ! Elle nous faisait tourner la tête ! La première 404 arrivée dans notre village, dans un nuage de poussière, était d’abord bénie par le fekih. Sur son capot, en présence de tous les habitants, hommes, femmes et enfants, il a lu quelques versets du Livre d’Allah. Une vieille lui a mis du henné sur les quatre roues ! Et moi, montant dans une 404, par un matin automnal, je suis arrivé au lycée...

Amine ZAOUI