vendredi 6 septembre 2013

Dilem du Jeudi, 05 Septembre 2013 , Édition N°6402


Dilem du Jeudi, 05 Septembre 2013 , Édition N°6402    Premier anniversaire de Sellal à la tête du gouvernement algérien
Dilem du Jeudi, 05 Septembre 2013 , Édition N°6402
Premier anniversaire de Sellal à la tête du gouvernement algérien

Partition commune ou antienne

À les entendre et à la lecture des propositions des uns et des autres, il n’y a aucun problème et tous sont sur la même longueur d’onde. Entre le Fce et l’Ugta, c’est le beau fixe et le moment propice pour proposer la même partition au gouvernement. Les différents protagonistes ont listé les mêmes difficultés et obstacles qui empêchent l’entreprise d’émerger er de jouer le rôle qui est le sien : créer des richesses et de l’emploi. Revendication aussi élémentaire sous d’autres cieux, mais tour imprenable en Algérie. D’autant que le gouvernement fait aussi siennes ces difficultés recensées comme l’accès au foncier industriel, au crédit bancaire, à la mise à niveau des entreprises quel que soit leur statut, moyens de communication, redynamiser le guichet unique et permettre aux porteurs de projets sérieux de le défendre devant le Cni, mettre sur un pied d’égalité l’entreprise publique et privée pour l’accès aux investissements productifs. En définitive, ce n’est pas demander la Lune. C’est le b a-ba et le minimum possible qui sont demandés à l’administration économique qui joue les dictats au lieu d’être au service de ces entités.

Malheureusement, l’interface est inexistante entre l’entrepreneur et l’Exécutif ce qui fait des discours discordants et une foire aux empoignes au grand bonheur de la bureaucratie.

Pour l’Exécutif, habitué à ces tripartites, l’intention ne suffit plus si elle n’est pas suivie sur le terrain quant à l’exécution des décisions prises. Le pays a connu et rédigé tant de textes que c’est devenu un fouillis et des références en même temps alors qu’il est plus facile pour un entrepreneur sérieux d’être reçu par le Premier ministre que par un wali. Alors aussi bonnes que sont ces intentions que lancent les Premiers ministres ou les membres de l’Exécutif, lors d’événements ou de déplacements, elles ne resteront que des intentions qui relèvent plus du discours que de la prise en charge de l’avenir du pays tant que les véritables leviers et relais concernés (walis, douanes, impôts, domaines…) ne se mettent pas au diapason et n’exécutent pas les décisions de la hiérarchie. Mais allez savoir qui sont les donneurs d’ordre en matière économique et détiennent les véritables leviers !

En conclusion, le gouverneur de la Banque d’Algérie vient, une fois encore, de tirer la sonnette d’alarme : les importations des biens de consommation connaissent, d’année en année, une tendance haussière qui affaiblit sérieusement la résilience face à une balance des paiements mise en difficulté.

Par : Outoudert Abrous

Acte de gestion : une pénalisation politique

“L’État protègera les cadres”, a promis le Premier ministre. Il se trouvera que l’acte de gestion dont la dépénalisation fait débat depuis le milieu des années 1990 est toujours un acte à risque pénal. Comment l’État s’y prendrait-il alors pour défendre ses cadres contre la loi tout en entretenant leur précarité judiciaire ?

Certes, à défaut d’indépendance de la justice, le pouvoir, en même temps qu’il est la première source d’abus, constitue le dernier rempart contre cet abus. Il peut, à juste titre, dire : l’État c’est moi et la loi c’est moi. Cette préséance du pouvoir sur le droit se confirme tous les jours, sous nos yeux. Et si nous ne sommes pas égaux devant la loi, c’est en fait parce que nous ne sommes pas égaux aux yeux du pouvoir.

Alors, peut-on créer un climat de sérénité dans le monde de la gestion et parmi l’encadrement national sur la base d’une simple promesse d’équité d’un pouvoir, fut-il omnipotent ? Cette démarche, qui fait dépendre le salut de leurs auteurs de la bonne volonté du pouvoir et non de la loi, est plutôt productive de l’insécurité pour les cadres : si l’autorité politique peut les défendre contre les effets d’une loi paradoxale, elle peut tout aussi bien s’en servir pour sévir contre eux. C’est ce qui est arrivé dans les années 1990 lorsqu’on assista à une campagne de poursuites contre des dirigeants des entreprises publiques avant que ces derniers ne furent mis hors de cause, parfois après plusieurs années d’emprisonnement. Pire, dans le cas de Khalifa, la pénalisation de l’acte de gestion a permis de charger le “niveau de gestion” de tout le poids de la forfaiture et de décharger le“niveau politique” de ses responsabilités. C’est ce qui aurait pu arriver dans l’affaire Sonatrach, si la justice italienne ne nous avait pas, involontairement, mis en devoir de voir plus haut.

Lorsque le pouvoir a voulu rassurer les terroristes contre d’éventuelles poursuites judiciaires, il s’est suffi de leur promettre l’impunité. Il a changé la loi de sorte à mettre à l’abri les soi-disant repentis hors de portée de la justice en “dépénalisant”, en quelque sorte, les actes de terrorisme, par la voie légale la plus solennelle. Et pour bien moins grave, les gestionnaires devraient retrouver le goût du risque sur simple promesse de bienveillance ?

La pratique répressive en matière de gestion, comme en d’autres domaines, est d’abord une pratique de protection du régime. C’est en cela que l’autorité ne peut se départir de tels instruments de mise au pas de catégories sociales qui, par nature, sont constitués d’acteurs sociaux actifs. Les représentants du pouvoir reconnaissent, à l’occasion, le caractère contreproductif de cette pénalisation qui… pénalise l’économie, la société et les institutions en muselant l’initiative de nos managers. Mais ils ne peuvent se départir d’instruments qui leur permettent de tenir en respect l’initiative managériale et de centraliser, dans les faits, le pouvoir économique.

La pénalisation de l’acte de gestion ne procède pas de la défense des intérêts économiques du pays : la preuve en est qu’il n’y a jamais un tel niveau de détournements et de corruption que depuis sa mise en œuvre judiciaire. C’est plutôt une mesure d’intérêt politique.

Mustapha Hammouche

Syrie, le jour d’après

Le scénario libyen – se lancer à la conquête de Damas à partir de Homs ou d’Alep – ayant échoué, place au bon vieux scénario irakien pour abattre le régime de Bachar al-Assad ! Le régime syrien qui dispose d’armes de destruction massive les aurait utilisées contre ses adversaires causant la mort de centaines de civils : 1 450 personnes gazées dont 400 enfants selon Washington, 281 morts selon les informations des services de renseignement français rendues publiques lundi par Paris. Or les preuves à charge avancées par les Français se fondent sur des présomptions, constituées pour l’essentiel, pour ne pas dire principalement, de vidéos, de témoignages fournis par des médecins syriens, des combattants islamistes et des civils militants ou sympathisants de l’opposition syrienne, donc des «preuves» provenant d’une source unique.

Bien que le régime de Bachar al-Assad ne soit pas celui d’un enfant de chœur – il a torturé, emprisonné ses opposants, tiré sur les manifestants qui exigeaient alors des élections libres – les «révélations» des services américains et français sur une supposée attaque chimique par Damas justifient-elles une intervention militaire massive en dehors de l’ONU, en violant les lois internationales ? Et si cette intervention militaire a lieu, afin de «punir» ce régime selon les propos du «soldat» Hollande, la vraie question à laquelle évitent de répondre les va-t-en-guerre socialistes français et leurs semblables américains, est celle-ci : que se passera-t-il après ? Qui sera en dernière analyse le vainqueur ? Certainement pas la paix et la démocratie.

Souvenons-nous. En 2002, les Etats-Unis et leurs alliés n’ont-ils pas invoqué «la guerre contre le terrorisme» pour justifier leur intervention militaire en Afghanistan, chasser les talibans, instaurer la démocratie et «libérer» la femme afghane ? Onze ans après, les talibans sont toujours là, ils se sont renforcés, tandis que les Américains s’apprêtent à quitter piteusement, sans gloire, l’Afghanistan. En mars 2003, prétextant que l’Irak disposait d’armes de destruction massive, les Etats-Unis l’envahissaient, promettant d’instaurer la démocratie et d’aider à la reconstruction du pays. Six ans plus tard, après une guerre destructrice ayant fait plus d’un million de morts, soit plus que la répression de Saddam, l’armée US quitte le pays avec armes et bagages, laissant l’Irak exsangue, en proie au terrorisme, et au bord de l’implosion ethnico-confessionnelle ! Dernier exemple, la Libye ! Cette fois-ci, c’est la France qui était aux manettes avec le soutien logistique des Etats-Unis et de l’Otan. Le régime de Kadhafi est tombé. La démocratie promise ? Walou ! La Libye, totalement déstabilisée, otage de milices rivales, a fini par être un arsenal à ciel ouvert pour les djihadistes, un sanctuaire de l’Aqmi et une menace pour ses voisins maghrébins !

Alors trêve d’hypocrisie, derrière ces beaux discours sur la démocratie et les droits de l’Homme destinés à une opinion publique occidentale matraquée et abusée par des médias en service commandé, se cachent de sordides intérêts de puissance. Car après la Syrie, à qui le tour ? Si réellement, Washington et ses alliés, qui disposent de moyens de pressions économiques et financières considérables, étaient animés par de si belles intentions (démocratie, droits de l’Homme et progrès social), ils pouvaient, en s’appuyant de surcroît sur les opinions publiques arabes, maghrébines et autres, avec le soutien de la Russie (elle n’était pas contre) faire plier le régime syrien au lieu de recourir à la force. Bien au contraire, privilégiant une issue militaire au lieu d’une solution basée sur un compromis acceptable par les deux parties, ils ont fermé les yeux sur la réalité du terrain où, contrairement à ce que rapportent les médias occidentaux, principalement français, ce sont les djihadistes du Front al-Nosra et de l’Etat islamique de l’Irak et du Levant (EIIL) aidés par le groupe Dar al-islam (coalition de milices salafistes) dirigé par Zahrane Allouche financé par l’Arabie saoudite, qui contrôlent la quasi-totalité des zones dites «libérées». Ces groupes, forts de leurs 25 000 combattants, se trouvent dans la périphérie de Damas. Ils n’attendent plus que l’intervention occidentale pour conquérir la capitale syrienne. Or, à la veille de la conférence de Genève II, et depuis la reprise de la ville de Homs le 30 juillet dernier par les forces de Bachar, ces groupes de djihadistes étaient en sérieuse difficulté : ils battaient en retraite. Washington et Paris le savaient !

Par Hassane Zerrouky

Si j’étais Président... (1)

Fin 2008, à quelques semaines de l'élection présidentielle, j'avais commis une série de chroniques intitulées : «Si j'étais Président !»

C'était, bien sûr, de la pure fiction, sous forme d'un texte libre imaginé par un journaliste tout aussi libre.
N'ayant ni les capacités, ni l'étoffe, ni le profil, ni la dimension historique, ni les appuis nécessaires, ni d'ailleurs l'envie de quitter ce métier si merveilleux qui peut me permettre de me prendre pour le grand boss aujourd'hui et, demain peut-être, pour un berger errant dans les steppes magiques de Sebdou, je précise qu'aucune responsabilité politique quelconque ne m'a jamais tenté et que mon élection, un jour, à la défunte Union des journalistes algériens ou mon passage à la section syndicale d'El Moudjahid, ne furent qu'accidents passagers... D'ailleurs, quelqu'un qui n'a jamais milité dans aucun parti peut-il prétendre à une quelconque carrière politique ?

J'ai écrit cette chronique, revisitée, revue et corrigée en ce mois de septembre 2013, juste pour m'amuser...

Voilà, je viens d’être élu. Je convoque le ministre des Finances et lui demande de réduire toutes les dépenses fastueuses imposées par le protocole. Plus de meubles importés à prix d’or et de garde-robe élaborée par les stylistes de renom ; juste le strict minimum. Mon bureau sera de style berbère. Il y a des artisans qualifiés pour me créer un mobilier qui fera l’envie de mes visiteurs par sa sobriété et son ancrage dans les traditions millénaires de mon peuple. Quand un roi ou un président vient en Algérie, je pense qu’il n’a pas à dormir dans une chambre importée ou s’asseoir sur un fauteuil signé par les créateurs les plus prestigieux de Paris ou de Milan ! Ce serait d’une telle vulgarité. Par contre, étant en Algérie, je me ferai un plaisir de lui montrer la richesse de notre patrimoine architectural, culturel et même culinaire. Après avoir convoqué le ministre des Finances, je prendrai l’avion pour Mascara où je déposerai une gerbe de fleurs sur la stèle érigée à la mémoire de l’émir Abdelkader, fondateur de l’Etat moderne algérien. Puis, tout près, j’en ferai de même sur la tombe du martyr Zabana, premier condamné à mort de la guerre de Libération.

A Tlemcen, j’irai embrasser mes amis, ces grands patriotes qu’on met malheureusement dans le même sac d’un régionalisme souvent combattu par un régionalisme plus abject encore. Je dirai à Tlemcen que le temps de la vraie réconciliation est venue et que les martyrs dont le sang arrose chaque centimètre de ces terres gorgées d’héroïsme, pourront enfin reposer en paix : leur ville et leur région seront désormais dans le cœur de tous les Algériens. Je ferai le serment de tout entreprendre pour donner à cette partie chère de mon pays la place qu’elle mérite : celle d’une seconde capitale.

De là, j’irai à Constantine pour me recueillir sur la sépulture de l’imam Ben Badis, réformateur et éducateur qui a lutté pour un islam de tolérance et de fraternité, un islam qui combat l’obscurantisme, l’arriération et s’oppose catégoriquement aux confréries religieuses réticentes au progrès et à la science. A côté, à Guelma, j’irai faire un pèlerinage à Aïn Hassania pour dire à la tribu des Boukharouba : «Merci d’avoir donné à l’Algérie un homme qui a rendu leur dignité aux khammès et aux bergers. Merci d’avoir permis à leurs enfants d’être des médecins, des ingénieurs et des architectes qui honorent l’Algérie partout dans le monde !» Dans la région de M’sila, je ferai une halte à la maison des Boudiaf et demanderai à la famille l’autorisation de la transformer en musée pour honorer la mémoire du grand combattant, véritable père de la Révolution, qu’il fut et du président honnête et courageux qu’il a voulu être. A Biskra, je m’inclinerai sur la tombe du colonel Chabani, assassiné par les dictateurs en herbe, tous complices du fauchage d’un des éléments les plus qualifiés de la jeune Armée nationale populaire. Ceux qui ont donné l’ordre de le tuer et ceux qui ont siégé au tribunal l’ayant condamné et qui se sont tus, assistant passivement à la funeste fusillade, sont tous responsables devant l’Histoire ! Ayant connu son frère il y a quelque temps pour défendre, dans ces colonnes ou d’autres, la mémoire et l’honneur du martyr, je lui donnerai une franche et fraternelle accolade et présenterai à la famille les excuses du peuple algérien. De là, je ferai un saut dans les Aurès pour lancer un message d’espoir aux populations locales. Je grimperai sur les cimes du Chélia pour dire aux familles éprouvées par la misère et les fausses promesses que des programmes spéciaux vont être annoncées pour leur permettre de retrouver leur dignité. Je leur dirai qu’elles sont également concernées par les mesures qui seront prises dans le cadre du plan national pour la sauvegarde et la promotion de la langue nationale amazighe. Je ne peux passer par les Aurès sans rendre l'hommage qu'il mérite au grand patriote Mustapha Ben Boulaïd et honorer sa mémoire ainsi que celle de tous les chouhadas de cette noble terre chaouie.
J’irai en Kabylie, pays des hommes debout, pour dire aux enfants de Béjaïa, Tizi Ouzou, Bouira que le temps de la réconciliation est arrivé, que l’Algérie a besoin d’eux pour bâtir un nouveau rêve.

J’irai me recueillir sur la tombe de Lalla Fatma N’soumer et annoncerai à partir de ce lieu l’abrogation du Code de la famille et la fin de la polygamie. Je présenterai des excuses aux descendants de l’héroïne pour le massacre télévisuel et l’affreuse image de la civilisation berbère donnée par le feuilleton tourné en… Syrie. J’irai également sur la tombe de Massinissa Guermah, martyr de la lutte citoyenne, et demanderai que des rues, des établissements scolaires et des localités portent son nom. Je demanderai aux Arouch de passer me voir à Alger. Je leur présenterai mon plan pour régler définitivement la crise kabyle du début des années 2000. Je leur parlerai de ma conception de la démocratie : c’est le système qui garantit l’alternance et qui ne peut être que l’expression de la volonté populaire ; pas celle que l’on convoque frauduleusement pour prolonger les mandats au-delà des limites imposées par la Constitution, mais celle qui sort de l’urne libre. Je leur dirai franchement que la langue arabe ne peut pas être abandonnée comme le demandent certains extrémistes.

Je leur annoncerai un programme spécial pour permettre au berbère de sortir du stade folklorique dans lequel il a été confiné. Son enseignement sera généralisé. Les cours d’histoire seront revus et corrigés pour permettre aux jeunes générations de mieux s’imprégner des réalités nationales à mille lieues de ce qu’on leur raconte habituellement. Dans toutes les wilayas, il sera demandé aux responsables de la culture d’inclure des activités spécifiques en langue berbère dans leurs programmes. Un bouquet de chaînes numériques parlant toutes les variantes du berbère sera mis en place. Des canaux pour enfants, d’information, sportifs et culturels d’expression berbère seront lancés. Dans les wilayas où la majorité de la population parle tamazight, les programmes des chaînes locales seront dans cette langue. Enfin, les députés qui le désirent pourront s’exprimer dans leur langue maternelle. Pour ceux qui ne comprennent pas, on utilisera dans un premier temps la traduction simultanée en espérant qu’au bout de quelques années, on n’aura plus besoin d’une telle absurdité ! Il s’agira d’un premier train de mesures prises en urgence pour lancer un message d’espoir aux populations meurtries de la Kabylie et des Aurès. Des actions en profondeur seront réalisées par la suite, après une large consultation des principaux intéressés.

Après un passage au Sud pour dire aux fières populations de ces régions le souci de la nouvelle direction d'effacer les erreurs du passé en les hissant au rang de citoyens libres et dignes qui ne seront plus surveillés et réprimés par la police pour leurs actions citoyennes. Du travail pour tous dans des domaines divers et notamment le tourisme : il n'y a pas que le pétrole et un véritable trésor dort entre les dunes. Il n'attend que les bras et le génie du Sud pour voir le jour et produire les richesses qui permettront à nos enfants du Sud de s'épanouir.

A Alger, j’irai à la Casbah pour faire l’annonce du plan le plus ambitieux de l’Algérie indépendante et qui donnera à la Citadelle d’El Bahdja les allures d’une grande cité d’art et d’histoire ouverte à la vie et au tourisme, une ville entièrement restaurée et où les boutiques et les ateliers artisanaux, les librairies, les salles de concert, les petits théâtres, les cafés populaires et les restaurants gastronomiques, attireront tous les nostalgiques de ce quartier mythique. Alger sera toujours Alger et mérite un plan spécial pour stopper sa dégradation et la malvie qui y règne. Tout sera mobilisé pour que notre capitale retrouve son lustre, mais pas au détriment des familles qu’on déloge pour faire plaisir aux amis du Golfe arabe, pas avec des tours de verre qui ne serviront qu’à enrichir les plus riches par le biais de la spéculation immobilière ! Alger sera plus algérienne que jamais, fière et debout en face de la mer, ouverte d’abord aux enfants de l’Algérie ! Et pour qu’elle puisse s’épanouir sans les tracas actuels et les mille difficultés de la vie quotidienne, je prendrai la décision de délocaliser la capitale politique en créant une nouvelle ville sur les hauts plateaux steppiques de Djelfa. Une sorte de Washington ou Rabat qui ne gênent en rien la croissance et la prépondérance de New York ou Casablanca !

(A suivre)

Par Maâmar FARAH

LE GOUVERNEMENT ÉGYPTIEN EN GUERRE CONTRE AL JAZEERA

«La télévision est un instrument majeur de pouvoir. Elle doit demeurer une arme essentielle de la citoyenneté.» Laure Adler dans Les dossiers de l'Audiovisuel

Décidément, c'est la guerre entre le gouvernement égyptien et le groupe qatari Al Jazeera. Jamais la télévision qatarie n'a été autant indésirable en Egypte même du temps de l'ancien président, Hosni Moubarak.

Après les attaques policières et de voyous, c'est la justice égyptienne qui a été enclenchée puisqu'elle a ordonné ce 3 septembre la fermeture définitive de quatre chaînes de télévision d'obédience islamiste: Ahrar 25 (la chaîne des Frères musulmans) et deux autres canaux islamistes, Al-Quds et Al-Yarmouk. En plus d'Al Jazeera Mubashir, dont l'audience était en hausse depuis le début de la crise en Egypte.

Les quatre chaînes en question paient leur soutien à l'ex-président Morsi et la contestation islamiste égyptienne. Ahrar 25, avec plusieurs autres chaînes islamistes, avait été interrompue quelques heures après la destitution et l'arrestation du président islamiste, Mohamed Morsi, par l'armée, le 3 juillet, ce que les principales organisations de défense des droits de l'homme en Egypte avaient dénoncé.

Lundi 2 septembre, la chaîne islamiste al-Hafez avait déjà fait l'objet d'une fermeture définitive, pour «atteinte à l'unité nationale» et incitation à la haine contre les Coptes, les chrétiens d'Egypte, qui représentent environ 10% de la population du pays.

La décision du tribunal administratif du Caire à l'encontre d'Al Jazeera Mubasher Misr entérine ce que cette dernière dénonçait comme une campagne «menée» contre elle. Ses locaux avaient en effet été fouillés dès le 3 juillet après la diffusion d'une vidéo où Mohamed Morsi, destitué par l'armée, se déclarait le seul président «légitime» d'Egypte.

Quelques jours après, le 1er septembre, trois journalistes indépendants étrangers travaillant pour la version anglaise de la chaîne, ont été expulsés d'Egypte, tandis que les locaux d'Al Jazeera Mubasher Misr ont été perquisitionnés à plusieurs reprises et du matériel a été saisi.

Al Jazeera a affirmé que deux de ses employés, le correspondant arabophone Abdallah al-Chami et le cameraman Mohamed Badr, ont également été détenus pendant plus d'un mois.

Par ailleurs, le groupe de télévision satellitaire qatari a accusé les autorités égyptiennes de brouiller toutes ses chaînes en Egypte alors qu'elle poursuit sa couverture critique de la répression policière des islamistes dans ce pays. Le groupe Al Jazeera a affirmé que «des experts indépendants», engagés par le groupe qatari ont localisé l'origine du brouillage qui émane de la capitale égyptienne. Les experts étaient «sûrs du lieu et du responsable» du brouillage, a poursuivi Al Jazeera, précisant qu'ils avaient identifié des endroits à l'est et à l'ouest du Caire, notamment des installations militaires, comme sources des interférences.

Al Jazeera a indiqué avoir été obligée de changer ses fréquences à plusieurs reprises pour permettre à ses téléspectateurs de capter ses chaînes d'information et de sports.

Le Qatar, qui était l'un des principaux soutiens de M.Morsi, avait condamné la répression policière des partisans du président destitué. Cette situation a poussé le Qatar à lancer son propre satellite et éviter les brouillages satellites, lancés parfois par les Egyptiens et parfois par les Jordaniens.

Amira SOLTANE

Le Président Abdelaziz Bouteflika en images, rien que du cinéma

Comment fabriquer de l’émotion 100% algérienne ? Depuis le 12 juin 2013, la télé est devenue l’attachée de presse cinématographique d’un Président en mal de quotidiens algériens. Analyse des trois dernières et conséquentes apparitions de Abdelaziz Bouteflika depuis son «congé maladie» du 27 avril 2013, suite à un accident ischémique transitoire.

12 juin 2013. Les gestes du quotidien pour rassurer

Que voit-on ce 12 juin 2013 dans notre petite lucarne ? Pratiquement rien qui ne donne le tournis, excepté une mise en scène maladroitement effectuée par le réalisateur télé, donc du département communication de la Présidence, qui tente de montrer un homme totalement indépendant de la maladie et encore apte à bouger, manger, respirer, ouvrir les yeux, boire, écouter, répondre. Les images défilent lentement, posément, et le montage, par petits coups, se veut plus pernicieux, en évitant par exemple le son (aucun captage de la conversation entre Bouteflika et son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, juste les flashs des appareils photos), excepté un commentaire écrit au scalpel du journaliste qui relate les deux heures d’entretien sans qu’on en ait une réelle preuve, le tout interrompu sans cesse par un montage qui coupe dans l’action elle-même. Exemple : le Président effleure le rebord de sa tasse de ses lèvres, puis la pose sur la table. Il prend une serviette et cut ! Le plan suivant est suffisamment large pour que l’on comprenne que cette image ne suit pas la chronologie de l’action, qu’il y a maldonne sur la durée réelle du geste. Dernier plan : Bouteflika regarde Sellal, mais on sent, par sa gestuelle, qu’il vient de poser la serviette sur la table. Il y a donc montage, et dans la foulée un désir formel de filtrer certaines images, certains instants. L’idée de cette séquence est de rassurer, soulager le peuple algérien que son Président est encore vivant. Et comment y procéder ? En lui montrant les choses qui lui sont familières, à savoir les mêmes gestes qu’il effectue dans son quotidien. Enfin, en affichant cette situation bancale, le spectateur devient un voyeur et ressent de l’empathie envers ce malade suffisamment âgé pour se dire : «Laissons-le tranquille.» A partir du moment où l’image crée une émotion fabriquée, il y a violence : l’esprit de celui qui regarde est suffisamment taillé en pièces, pour «accepter» dorénavant l’absence des hautes instances politiques, et dans la foulée, la situation bringuebalante de la politique algérienne. La télé devient donc un mouchoir de luxe.

16 juillet. On ne remarque rien et c’est déjà beaucoup

Bouteflika arrive en Algérie. Son avion vient de se poser. Les officiels sont présents. Le Président sort enfin de l’avion, d’un pas tranquille. Mais il n’a pas eu le temps de fouler le tarmac que le montage, toujours féroce de la télévision, coupe l’action pour passer à autre chose. On y voit le cortège du Président, des voitures rouler à vive allure, sans que l’on puisse identifier dans laquelle de ces berlines se trouve Abdelaziz Bouteflika. On imagine, et c’est déjà essentiel pour la télévision. Dernière séquence de ce reportage, le sempiternel tableau où l’on voit le Président recevoir entre autres le président du Conseil, le président de l’Assemblée et son Premier ministre. Contrairement aux images parisiennes du 12 juin, il paraît moins détendu, plus à l’aise, mais toujours avec ce regard étrangement vide. Que voit-on cette fois-ci ? Qu’il peut suivre plusieurs conversations grâce notamment à la disposition des invités, assis aux deux extrémités de la pièce, sur de larges canapés, donnant un aperçu de la possibilité pour le Président d’être encore attentif. Puis l’on entend – assez mal – une phrase de Larbi Ould Khelifa dans laquelle le mot «toujours» vient heurter nos oreilles. Plan suivant, Sellal s’adresse au Président, mais ce n’est pas sa voix qu’on l’on cerne, mais plutôt celle d’Ould Khelifa avec son mot «toujours». Encore une fois, la télévision filtre et l’image et le son, afin de ne pas montrer la «réalité» des choses, sous les flashs des appareils photos. Mais cela va tellement vite que l’on ne constate pratiquement rien. Et c’est déjà beaucoup.

14 août. Le Président hors sujet

La séquence va durer 27 secondes. Pas plus pas moins. Ce jour-là, les Algériens découvrent la troisième apparition officielle de leur Président, recevant le Premier ministre dans sa résidence d’Alger. Toujours des vases posés derrière Abdelaziz Bouteflika, toujours une table bien garnie de pâtisseries et autres sucreries, et toujours le Président qui affiche un regard vide tandis que Sellal lui explique deux trois choses qu’il sait de l’Algérie. On y voit les flashs mais on ne les entend pas. Mieux que ça, le son n’est pas celui de l’entretien, mais d’une pièce autre que celle où l’on voit les deux personnages, comme si le montage a été effectué «ailleurs». Et c’est la plus belle des définitions pour ces 27 secondes : tout ce que l’on voit, ressent et entend, se situe en dehors du Président, comme s’il était hors sujet de la séquence filmée. Avec cette séquence mal montée, mal enregistrée, mal finalisée, le spectateur a cette impression de ne pas réellement voir ce qu’on lui montre, excepté les bruits de couloir à travers le son qu’il perçoit. La télévision devient non plus une image sur la société, mais sur les couloirs fantomatiques d’une quelconque institution, d’un pays en somme !

3 septembre. On entend une voix

Cette fois-ci, le Président reçoit le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), en la personne d’Ahmed Gaïd Salah, qu’il avait déjà reçu le 14 août dernier. Toujours cette pièce familière, toujours cette résidence située dans la capitale et toujours assis confortablement dans un fauteuil, avec face à lui une table bien garnie de pâtisseries ainsi que le café de circonstance. Fait exceptionnel, on entend clairement la voix d’outre-tombe, maladroite, douce du Président, qui présente, il est évident, une difficulté à s’exprimer. Pas l’once d’une manipulation au niveau du son (c’est bel et bien le son direct), ni d’un plan qui serait répété deux fois, juste le sempiternel cut de rigueur, pour ne pas trop montrer les difficultés physiques et autres hésitations d’Abdelaziz Bouteflika. A travers ces images, le service de la communication de la Présidence souhaite montrer un Président apte à boire, manger, écouter, réfléchir et surtout parler. De la voix, du geste et des yeux. Le Président n’est plus une machine dans laquelle on insérerait une pièce pour faire fonctionner. C’est bel et bien un être humain. Enfin, c’est ce que les images souhaitent montrer. Malgré tout, une question reste en suspens : que se passe-t-il hors-champ ?

Samir Ardjoum

jeudi 5 septembre 2013

mardi 3 septembre 2013

Le Président Abdelaziz Bouteflika reçoit Gaïd Salah, le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP)


Le président Abdelaziz Bouteflika avait reçu mardi dernier à Alger, le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah.

jeudi 29 août 2013

Jijel, côté mer, côté hommes

Ma première visite à Jijel date de 1972. C’était à l’occasion d’un reportage sur la pêche. Coup de foudre. La ville, débonnaire et élégante, semblait entièrement livrée à la mer, comme si elle voulait se détourner d’un arrière-pays particulièrement accidenté et qui lui rappelait les plus mauvais souvenirs. La guerre et ses ravages. Ses morts et ses sacrifiés aussi, jetés dans le dénuement par la politique répressive et inhumaine des forces coloniales.

Mais comment oublier cette tragédie quand chaque lopin de terre, chaque pierre, chaque arbre vous rappellent que la terre jijelienne a été probablement celle où le sang algérien a le plus coulé durant les sept années de guerre ? Alors, dans cette Algérie sereine des années soixante-dix qui cherchait à oublier les ravages du conflit armé, le recours aux plaisirs de la mer était comme un remède pour reprendre goût à la vie. Et lorsque Abdelmadjid Hadji (que Dieu ait son âme) m’invita à monter dans un hors-bord, j’avais hâte de voir Jijel côté mer. Mais la vitesse à laquelle Madjid — qui était aussi notre rédacteur en chef adjoint à El Moudjahid — conduisait l’engin ne me laissa guère le loisir de profiter de cette vue splendide puisque les embardées intempestives du petit bateau me jetaient d’un coin à l’autre de la banquette, sans que je puisse faire entendre ma voix qui le suppliait de ralentir. Titubant, je finis par m’approcher de lui pour lui crier à l’oreille : «Je ne sais pas nager !» Cet argument fut décisif et Madjid stoppa brutalement l’embarcation avant de la faire glisser calmement sur les eaux ; ce qui me permit, enfin, de jouir du spectacle absolument unique de la côte de Saphir, noyée dans la verdure des montagnes qui surplombaient de petites criques au sable d’or.


Le lendemain, je fus presque rassuré par la taille du chalutier où je devais m’embarquer pour les besoins du reportage. Le bateau s’appelait Le Raïs et avait une bonne dizaine de marins pêcheurs à son bord. Il faisait encore noir lorsque le chalutier quitta la rade, sous les ordres du vieux capitaine qui semblait avoir roulé sa bosse sur la mer par tous les temps. Le bruit de l’embarcation déchirait le silence matinal du port. La mer était d’huile. Les marins pêcheurs préparaient leur matériel et chacun savait exactement ce qu’il faisait, répétant des gestes appris par cœur. Une fois sur les lieux de pêche, on largua l’immense filet et l’opération, qui semblait facile de prime abord, exigeat la mobilisation et la vigilance des membres d’équipage. Les premiers rayons d’un soleil qui s’annonçait radieux lâchèrent leur lumière pourpre sur les lieux, faisant danser leurs reflets dans une eau limpide et apparemment très poissonneuse puisque la remontée du chalut livra une pêche abondante. D’autres ouvriers s’empressèrent de remplir les cageots de ce poisson frais qui papillonnait encore dans leurs mains, avant de l'arroser d’une grosse couche de sel.


Le soleil est maintenant bien haut. Quelques heures de repos dans une cabine douillette m’avaient permis de récupérer. Nous étions bien loin de Jijel, mais la corniche, inondée de cette lumière saturée de la Méditerranée, était parfaitement visible. C’est en regardant cette terre si intimement liée à la mer que l’on comprend son histoire d’important port qui marqua par son activité les différentes étapes de l’évolution de la ville. Après avoir été un comptoir phénicien connu sous le nom d’Igilgili, la cité n’échappa pas à la colonisation romaine, puis à l’invasion des Arabes qui apportèrent avec eux la toute dernière religion révélée. Jijel est aussi connue pour avoir été un important bastion et l’un des ports refuges des frères Barberousse qui en firent leur première capitale. La colonisation créa Djidjelli qui devint une terre d’accueil pour des centaines de familles européennes qui y trouvèrent toutes les commodités pour exercer leur métier dans la pêche, l’agriculture et l’industrie.


Midi somnolait dans les eaux transparentes de la Méditerranée. C’était l’heure du déjeuner. Le menu ? Du poisson frais frit à l’huile de tournesol, bien sûr. Mais juste pour l’invité car l’équipage préférait un ragoût de pomme de terre à l’agneau. Un bon café noir finira par me réveiller totalement, ce dont j’avais besoin pour poursuivre ma contemplation quasi religieuse de cette inoubliable côte de Saphir. En fin d’après-midi, et après avoir débarqué du Raïs, au milieu d’une foule bigarrée venue attendre le chalutier, je voulais découvrir de plus près cette corniche qui n’a pas son semblable sur toute la côte algérienne. La route, sinueuse, empruntait un parcours dessiné pour charmer les plus exigeants en matière de paysages exotiques : la mer et la montagne faisaient la fête et jouaient le plus bel air sous la direction d’un chef d’orchestre imaginatif : le soleil méditerranéen ! Voilà Ziama-Mansouriah, souriante comme une île, ouverte aux quatre vents de la mer, rassasiée de soleil et de friture, fière dans sa tenue de touriste rayonnante. Une halte au restaurant d’un vieux pied noir qui a préféré rester au pays et qui n’en est pas mort ! Et puis, les Grottes merveilleuses qui portent si bien leur nom. Fabuleuse construction tout en désordre, mais si harmonieusement esquissée dans les profondeurs de la montagne qu’elle finit par vous impressionner comme le ferait le tableau d’un grand maître. Mais ici la nature a ce don que ne possède aucun artiste : ce mélange si juste des sons et des lumières, cette riche palette de couleurs qui virent du plus ténébreux des châtains au plus léger des gris et cet excès des formes qui pousse les roches vers leur perte. Mais elles restent là, tendues vers leurs extrêmes, parfaitement accrochées. Comme par miracle. Miracle, c’est le mot clé qui vous accompagne durant ce voyage où la mer vous renvoie encore les images des batailles navales livrées par les frères Barberousse, Aroudj et Kheiredine, qui ont sillonné ces rivages maintes fois pour les défendre des agresseurs mais aussi pour agresser et piller des navires étrangers ! Corsaires, ils allaient jusqu’au bout de leur mission…
Ma seconde visite à Jijel eut lieu en 1974, alors qu’elle dépendait de la wilaya de Constantine, à l’occasion de la couverture d’un voyage présidentiel. Fidèle à sa politique d’équilibre régional, le président Boumediène, qui avait déjà lancé plusieurs programmes spéciaux pour régions déshéritées (Kabylie, Aurès), inaugurait là un nouveau type de plans dits «programmes spéciaux pour daïras déshéritées». Et à l’Est, il avait choisi Aïn-Beïda et Jijel. Nous arrivions de la capitale des Haraktas et à la désolation des plateaux dénudés et austères de l’arrière-pays, succédait un relief coloré à l’abondante végétation. La route qui partait de Constantine longeait des paysages montagneux qu’elle avait du mal à pénétrer, se transformant parfois en un petit filet de bitume trottant laborieusement au bord de gouffres impressionnants ou se tortillant au milieu de gorges dominées par de hauts pics. Parfois, ne trouvant plus d’issue, il embarquait dans un tunnel jadis réservé au train mais qui ne jouait plus cette fonction depuis le sabotage des installations ferroviaires par l’ALN durant la guerre de Libération. Nous éviterons cette fois-ci ce tunnel qui menait aux villages de la haute montagne, car notre route devait se poursuivre vers Jijel. Ancer et ses riches plaines, Sidi-Abdelaziz ou le village agricole socialiste que l’on prenait pour une station balnéaire et, enfin, la dernière ligne droite vers Jijel, avec l’omniprésence de la mer à droite. Jijel nous accueillit comme d’habitude, avec le sourire millénaire de ses habitants et leur légendaire hospitalité. Le couscous au mérou pris chez la maman Bouakkaz, en plein centre-ville, était certainement le meilleur du Maghreb. Partie de dominos dans un café du centre-ville. Et comme il n’y avait pratiquement plus de place pour les journalistes dans les rares hôtels de la ville, on nous dirigea vers le dortoir d’un lycée. Mais un jeune citoyen de la ville, qui deviendra un grand ami, était là pour nous éviter la nuit blanche. En effet, fuyant le dortoir, nous décidâmes de rester sur la jetée, accompagnée par deux caisses de «33», rafraîchies aux barres de glaces achetées dans une glacière du port. C’était avant l’installation de la marine militaire ! Lyès Bouakkaz fut catégorique : «Pas de dortoir ! Vous êtes les bienvenus chez moi !». On ne pouvait pas refuser l’offre. Après un dîner succulent et un repos bienfaisant, on nous servit un petit-déjeuner royal. Un bon remontant avant d’entamer une couverture présidentielle toujours éreintante !


Mes autres voyages ne se comptent plus. Les années quatre-vingt et leur semblant de bonheur… Les années quatre-vingt-dix et leur lot de malheurs, mais de bravoure aussi. Qui se souvient de Zahra, l’héroïne oubliée qui fit le serment de venger son fils et de défendre l’Algérie contre le projet intégriste… Mais Jijel veut oublier tout cela. Comme elle a cherché à oublier la guerre… Mais les héros de Jijel, qu’ils soient d’hier ou d’aujourd’hui, ne mourront jamais… Ici et ailleurs sur la généreuse terre algérienne…


Maâmar FARAH

Nassim, l'Algérien du 60e. Feuilleton (17e et dernier épisode)

C'est eux.

Aéroport de Nuuk. La Première ministre, Nimik, Nassim et Aleqa sont en poste. Dans la petite salle du minuscule aéroport de Nuuk, les 4 associés sur le coup ont vu l'immense avion présidentiel atterrir et recouvrir toute la piste, peu habituée à recevoir des avions de cette taille. Laissant Nassim et Aleqa dans la salle d'attente à regarder à travers la vitre, la Première ministre et Nimik se sont rendus sur la piste d'atterrissage pour accueillir dignement le Président étranger. L'avion immobilisé, le président est descendu le premier, suivi par un autre homme. La Première ministre, surprise, murmure à Nimik :

- Tu m'as très mal renseignée. Bouteklika a récupéré de sa maladie, il marche et n'est pas sur une chaise roulante. Il a l'air même plus jeune.

Nimik n'a pas répondu, il avait aussi les mêmes informations. La Première ministre s'est avancée jusqu'au président.

- Monsieur Bouteklika ? lui dit-elle avec un grand sourire inuit.

L'homme a tendu la main et souri de ses yeux si clairs :

- Bouteflika. Saïd Bouteflika.

Puis l'autre homme s'est approché de la Première ministre et s'est présenté à son tour :

- Fawzi. Colonel Fawzi.

Etonnés, la Première ministre et Nimik comprendront plus tard. C'est Bouteflika, le frère, pas Abdelaziz, qui est venu, cherchant à s'installer au Groenland avec Fawzi, c'est-à-dire au point le plus éloigné d'El Mouradia et de Ben Aknoun. Protocole oblige, les deux Groenlandais et les deux Algériens ont marché ensemble jusqu'à la salle de l'aéroport, au moment où la mère de Nassim et Sabrina, toute coquette, fraîche et tellement féminine, descendent de l'avion à leur tour avec d'immenses bagages. A travers la vitre, Aleqa observe, agitant un petit drapeau groenlandais fait de deux cercles rouge et blanc. Elle chuchote à l'adresse de son mari, debout à côté :

- C'est ça une papiche ?

- Comment omri ?

- Sabrina, c'est elle...

- Oui...

 - Anoorii, je crois que le vrai feuilleton commence maintenant.

Fin

 De la fiction à la réalité, lisez demain le (vrai) reportage au Groenland (Nuuk) de notre envoyé spécial, Chawki Amari.

Micmacs et décadence

C’est aujourd’hui que devait s’ouvrir la réunion du comité central du FLN dans le but d’installer Amar Saâdani comme secrétaire général. L’ancien président de l’Assemblée nationale, qui passe pour être un proche de Bouteflika, devait occuper le siège de direction – laissé vacant depuis la destitution de Abdelaziz Belkhadem – d’un parti qui a appris à fonctionner de manière autoritaire, sur injonction venue d’en haut. Il est vrai que le Front a connu pire que cela, notamment avec les sessions ouvertes à coups de barre de fer entre redresseurs et caciques après que l’administration et la justice eurent épuisé tous les procédés et «coups tordus» pour imposer le cours des événements selon les désirs du clan présidentiel, en vue de l’élection à la magistrature suprême de 2014.

La réunion des dissidents qui était programmée pour aujourd’hui ne fait pas exception, puisque l’administration, et plus particulièrement le ministère de l’Intérieur, a été à la manœuvre jusqu’au dernier moment pour permettre l’entrée en scène du personnage quelque peu contesté par certains membres de la direction actuelle et une poignée de ministres, dont le ralliement de dernière minute indique bel et bien la volonté de ne pas déplaire au «souverain» et au palais d’El Mouradia. Le choix de l’homme, qui n’est pas fortuit, tout comme ne l’a pas été sa désignation pour la présidence de l’Assemblée nationale, va épuiser le peu de crédit, s’il en reste encore, du vieux parti, comme l’a été l’APN sous sa présidence. D’ailleurs, d’aucuns s’accordent à reconnaître que la désignation imposée du personnage — qui passe pour un des innombrables thuriféraires du régime de Bouteflika et adepte du baisemain à la manière du makhzen — marquera sans doute la fin du Front de libération nationale.

Mais cela ne semble pas un souci pour le clan présidentiel davantage préoccupé par la succession à Abdelaziz Bouteflika, la crise ainsi créée au sein de l’ex-parti au pouvoir n’ayant d’autre fin que d’écarter les successeurs potentiels jugés indésirables qui seraient tentés, éventuellement, de se faire adouber par le FLN. Ce dernier acte de forfaiture à l’esprit de Novembre voulu par un clan qui s’est assuré la mainmise d’une organisation que Larbi M’hidi, Ben Boulaïd et Didouche Mourad voulaient avant tout porteuse d’émancipation et non d’assujettissement au service d’une personne, est révélateur de cette entreprise de destruction programmée du pays. Un pays devenu la proie de prédateurs en tout genre qui ont mis en moins de 15 ans l’économie nationale en coupe réglée et réussi à édifier des fortunes personnelles colossales à l’étranger.
Reda Bekkat

La Syrie, un cas particulier ?

Au bout de cent mille morts, la communauté internationale va intervenir en Syrie pour “punir” son régime d’avoir usé d’armes prohibées dans la répression de la rébellion.

Le peuple syrien, mais aussi les intervenants indirects dans l’insurrection, auront vérifié ce qui a été vérifié par les autres “révolutions arabes” : les dictatures sont prêtes à tout pour ne pas céder le pouvoir. Si le massacre a été dévastateur en Libye, et l’est encore plus en Syrie, il faut dire qu’il n’y a pratiquement pas un régime dans le monde dit arabe qui peut prétendre avoir survécu sans avoir eu, à un moment ou un autre de son histoire, à assassiner des citoyens qui le contestaient.

Dans le cas syrien, le fond a été atteint. Sous le regard impuissant et par, certains côtés, indifférence de l’humanité. Même si les puissances agissent en son nom, le monde n’est pas en état d’agir en “communauté internationale” ; il est organisé pour, au mieux, fabriquer des consensus, des consensus qui évitent l’affrontement entre États sans trop compromettre leurs intérêts. Cette logique a donné plus de deux ans de délai à Bachar al-Assad pour réprimer le soulèvement, mais aussi autant de temps à des intervenants extra-syriens pour entrer dans le jeu et le même délai au conflit pour qu’il prenne des allures de guerre intercommunautaire.

Après cent mille morts, et peut-être plus, pour ne pas avoir su s’indigner à temps, “la communauté internationale”, cette fois-ci dépourvue de légalité internationale, devra “punir” Al-Assad d’avoir gazé sa population en évitant soigneusement que les représailles n’aillent jusqu’à provoquer la chute du régime ! La situation a, en effet, le niveau de confusion auquel la situation est parvenue, la quantité d’antagonismes croisés qui s’y expriment, la multiplicité de commandements qui y opèrent, les stratégies en compétition, l’armement disponible, etc., font que le pire reste nécessairement à venir. La chute de Bachar al-Assad accélèrerait l’explosion de cet indescriptible chaudron. Un chaudron dont les antagonistes ne sont pas nombreux à avoir le souci de l’humanitaire. Chez certains d’entre eux, l’acte de tuer, de massacrer, n’est même pas mû par l’objectif militaire, il est pratiqué comme acte de foi !

“La communauté nationale”, si elle s’est dotée d’une législation, n’est pas encore parvenue à un consensus sur les limites “humanitaires” d’une guerre. Et n’y parviendra sûrement jamais, parce que les nations ont d’abord un rapport politique aux conflits qui éclatent autour d’elles. D’où une élasticité conjoncturelle d’un système de principes humanitaires pourtant littéralement consignés dans des instruments internationaux. Et puis, est-ce le rôle des nations tiers, fussent-elles des démocraties accomplies, de veiller au respect des droits des citoyens des États en crise ? Si elles ont bien pu souffrir de séculaires dictatures et de séculaires injustices !

Ou n’est-ce que le malaise infligé par le spectacle d’enfants convulsant sous l’effet d’agents neurochimiques ? “Cachez-moi ces gazés que je ne saurais voir !”. Quand des populations ont été si longtemps ligotées à un régime, par le seul pouvoir du supplice, il fallait bien s’attendre à ce que le dénouement se fasse dans le désordre et dans le déferlement effréné de la violence. La Syrie n’est que l’expression la plus furieuse de ce processus.

Mustapha Hammouche

I Have a Missile

Alors que le monde célèbre les 50 ans du fameux “I Have a Dream” de Martin Luther King, message à la tolérance et aux droits civiques, celui qui serait l’émanation de cette vision, Barack Obama, est en train de devenir celui qui rentrera dans l’histoire avec une autre phrase : “I Have a Missile”.

Car le président américain, prématurément bombardé (excusez du terme) prix Nobel de la paix, aussitôt arrivé au pouvoir en 2008, est en train de nous surprendre dans sa capacité à tirer sur tout ce qui bouge. Ceux qui voyaient en George Bush Junior, l’incarnation du mal personnifié et un va-t-en-guerre compulsif, sont en train de se rendre compte qu’Obama n’est pas manchot dans cet exercice.

Et la prochaine cible de cette guerre Playstation n’est autre que la Syrie. Damas, une des plus belles villes arabes, épicentre de la culture omeyyade, va avoir son lot de Tomahawk et de missiles de croisière. Alors que dans la justice américaine, un accusé est innocent jusqu’à la preuve de sa culpabilité, principe inaliénable du droit, Obama et ses amis, Hollande et Cameron, qui partagent la console de jeu de l’Otan, ont décidé de la culpabilité de Bachar al-Assad dans le “film chimique” qui s’est déroulé en Syrie avant même que les inspecteurs de l’ONU n’aient prouvé, ou pas, sa culpabilité.

Les Syriens, devenus stoïques après des siècles à tirer sur la chicha, savent qu’ils vont être bombardés et se préparent au pire. Les plus optimistes, géopolitiquement parlant, pensent que cette agitation autour de frappes militaires cache le désir de vouloir tester les limites du soutien russe et les contours de la réaction iranienne. L’Arabie saoudite revenue dans le jeu, après le suicide royal du Qatar, veut des frappes autant, si ce n’est plus que… Israël, qui, au passage, a fourni les fameuses preuves bidon contre Al-Assad dans le montage chimique et veut pacifier la région de l’Iran et de sa bête noire le Hezbollah.

Restera alors le bilan guerrier d’Obama, qui aura ordonné durant 5 ans déjà plus de frappes aériennes, plus d’attaques de drones et d’opérations commando que l’ensemble de ses prédécesseurs. On aurait dû s’en douter. En recevant le prix Nobel qui, au demeurant, est un chimiste suédois qui a inventé la dynamite. Obama prouve qu’il adore s’en servir.

Mounir B.

La réunion du Comité Central du FLN par Ali DILEM

La réunion du Comité Central du FLN par Ali DILEM
La réunion du Comité Central du FLN par Ali DILEM


La 404 !

La 404 est la voiture de toute la mémoire de la nation. Sur le dos de la 404 notre histoire a été construite. Du moins, une grande partie ! Elle est tout une mémoire, tout une histoire ! La 404 a marqué des générations. La 404 est la monture magique qui a façonné l’imaginaire de deux générations algérienne et maghrébine.

Peut-être un peu plus. La monture extraordinaire qui a su quand et comment transporter l’intelligentsia rurale algérienne vers la cité. Chaque intellectuel, sans exception aucune, détient en lui, dans ses tréfonds, des souvenirs palpables envers ce véhicule. La 404 ! La 404 est la voiture célébrée, narrée, dite, chantée, peinte, décrite… par un grand nombre d’écrivains algériens et maghrébins.

Dans la poésie comme dans le roman. En arabe littéraire comme en tamazight, en français comme en dialectes. De Kateb Yacine jusqu’à Tahar Djaout. De Tahar Ouatar jusqu’à Mohamed Meflah. De cheikh El Hasnaoui jusqu’à Brahim Tazaghart. Tout ce monde de la création était fasciné par cette 404. Elle était, la 404, symbole de la souffrance heureuse ! La souffrance heureuse ! Et elle est restée, la 404, bannière de la nostalgie historique. Elle est, la 404, l’image d’une période submergée de rêve. Le rêve national. La liberté. L’indépendance. Le travail. L’exil. La sueur. La bravoure. Errajla. Errajla algérienne, de cette période, n’avait rien du machisme castré, à l’image de celle d’aujourd’hui! Elle est, la 404, l’image de l’enfance. Eblouissement. Ensorcellement. Extase. Sublimation. Et elle est, la 404, image de l’amour. L’amour en tant que thème, dans la littérature algérienne et maghrébine, comme dans la musique, le théâtre ou le cinéma, était en grande partie lié à la fascination exercée par la 404 sur les artistes, et bien sûr sur leurs créations. Pour l’Algérien, la 404 est le véhicule sensationnel par excellence. Elle était, la 404, le rêve des femmes. Le rêve des hommes.

Avec la 404, le rêve n’a pas de sexe. Monter, dans les années soixante, dans une 404, c’était comme aller pique-niquer sur la lune ! La chanson algérienne et maghrébine bédouine ou citadine, confortablement s’est inspirée, pendant longtemps, des fantasmes de la 4O4. La diva cheikha Remiti a merveilleusement célébré la 404. Chantant les sorties nocturnes dans la 404. La boisson dans la 404. L’amour dans la 404. L’interdit.

La 404 fut la joie des unes, des uns. Fut le rêve d’autres. Combien de mariées ont rêvé d’être emmenées vers leur nuit nuptiale dans une 404. Les rêves des unes ont été exaucés, d’autres non ! Les travailleurs immigrés, ces hommes de la solitude aiguë, de Msirda passant par la Kabylie pour arrivant à El-Kala, la 404 traçait pour eux le chemin d’une aventure torturante. Elle fut leur chemin pour rencontrer l’autre, une rencontre amère et historique.

Pour nous enfants, que nous étions, on adorait la 404 : la couleur blanche, les vitres qui montent avec de superbes manettes, les roues qui roulent, le volant, les feux et surtout le klaxon. Là, le klaxon c’est fort, c’est vertigineux!! Et elle avait des ailes, on disait qu’une fois sur la route goudronnée, la 404 s’envolait. Comme un oiseau ! Elle nous faisait tourner la tête ! La première 404 arrivée dans notre village, dans un nuage de poussière, était d’abord bénie par le fekih. Sur son capot, en présence de tous les habitants, hommes, femmes et enfants, il a lu quelques versets du Livre d’Allah. Une vieille lui a mis du henné sur les quatre roues ! Et moi, montant dans une 404, par un matin automnal, je suis arrivé au lycée...

Amine ZAOUI