A ce point de mon récit, le directeur ouvrait de grands yeux. Je ne sais pas s’il était étonné de mon accent sincère ou s’il l’était par l’étendue de mes informations. J’avais martelé mes arguments avec force gestes et postillons qui accentuaient mon malaise. J’avais horreur de me justifier habituellement. J’essayais de faire les choses comme je les sentais et c’était tout. Le directeur modula sa voix sur un ton plus doux, moins incisif et me dit: «Vous savez, il n’y a pas que le problème palestinien dans le rire.
Il y en d’autres... je ne sais pas moi...l’économie, l’école, la justice. -Vous savez bien, et ce n’est pas moi qui vous l’apprendrais: ce sont toujours les mêmes problèmes qui se posent et ce sont toujours les mêmes protagonistes. Il n’y a que le nom des acteurs politiques qui changent. Les Etats-Unis et avec eux leurs pays satellites ne sont pas intéressés par une solution au Moyen-Orient comme au Sahara occidental.
Leurs intérêts économiques y sont trop importants comme d’ailleurs la situation qui prévaut dans le Congo ex-belge: une guerre civile qui est presque aussi vieille que le conflit palestinien. Je doute qu’il y ait là-bas, un jour, un régime indépendant. Enfin tant qu’il y aura des richesses minières! Il n’ y a pas assez de force dans les mots pour dire le cynisme des pays occidentaux: au Congo, tous les groupes financiers qui infestent les places boursières ont mis leur grain de sel pour semer la zizanie entre les différentes ethnies qui n’ont jamais demandé à être réunies sous un même drapeau, c’est le colonialisme qui a formé ces Etats-là, alors qu’en Somalie, un pays qui a sombré dans l’anarchie, personne n’ose s’y aventurer.
La raison est simple: la Somalie ne recèle aucune richesse. Donc ses habitants peuvent mourir en paix, dans l’assourdissant silence des nations. Il en est de même de l’Afghanistan. Voilà une situation paradoxale: les forces de l’Otan mènent depuis huit ans une guerre contre des forces qu’elles avaient elles-mêmes aidées et armées. Ces taliban ne sont qu’une création des cerveaux maléfiques des services américains: les écoles pakistanaises ont travaillé pendant deux décennies pour produire sans relâche ces semeurs de mort et de destruction. Et maintenant, le Pakistan, tout comme les pays de l’Otan, sont en train de récolter les fruits empoisonnés qu’ils avaient lancés contre l’Urss.
Quelle différence entre la guerre que menait l’Urss et celle menée aujourd’hui par l’Otan? Aucune, sinon la même tentative d’imposer à un pays arriéré un régime sous des prétextes divers. Le résultat est pire que la solution proposée: l’Afghanistan a reculé de plusieurs siècles depuis le retrait de l’Urss. Pis! le Pakistan s’aperçoit un peu trop tard de la contamination dont il est victime. Et le Pakistan est une puissance nucléaire: cela donne froid dans le dos si jamais les taliban mettaient la main sur ce jouet infernal. Et pourtant, le Pakistan a entamé ses recherches et effectué ses expériences nucléaires sans jamais avoir été inquiété par les agents de l’Aiea ni menacé par les faucons du Pentagone ou les perroquets de l’Elysée.»
Selim M’SILI
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