dimanche 1 novembre 2009

Anouar Benmalek : « L’Algérie ne peut pas échapper à l’examen de la vérité quelle qu’elle soit »

Anouar Benmalek, auteur de quatorze livres dont plusieurs traduits dans une dizaine de langues, publie Le Rapt aux éditions Sédia, en Algérie. Rencontre hier matin à l’hôtel El Aurassi, avec un écrivain ayant commis un beau roman mais pas de « rapt »

-  Anouar Benmalek, vous a commis un « délit » majeur littéraire, Le rapt...

(rires). Un délit comme ça, est difficile à commenter. Par rapport à l’Algérie, c’est probablement mon livre le plus important. C’est un livre dont l’idée centrale parlait de la guerre de Libération sans la dénigrer en elle-même. Tout en parlant des pages sombres. Cela est quelque chose d’important. A l’âge que j’ai maintenant, j’ai le droit de parler du passé de l’Algérie. Parce que l’Algérie est mon pays. Je veux pouvoir en parler librement de toute son histoire. Des pages héroïques, et il y en énormément et puis des pages sombres. Ne pas mélanger les criminels avec les héros. Un Mohamedi Saïd est un bourreau pour moi, un Ben M’hidi, un Abane Ramdane sont des héros qui font des valeurs morales en l’Algérie. Quand on mélange les deux, on aboutit au pays qu’on a actuellement où c’est la victoire par la violence qui fait la légitimité. Ce mélange de crimes et d’héroïsme, je ne pouvais plus le supporter.

-  C’est une prise d’otage historique...

Exactement, cela ! Le titre du livre peut être lu à plusieurs niveaux. Il y a aussi le rapt de notre histoire, de notre dignité. Nous avons le droit à connaître la vérité.

-  Et la rançon de ce rapt...

En gros, disons, le deal est le suivant : vous acceptez que nous dirigions l’Algérie parce que souvenez-vous de ce qui s’est passé pendant la guerre d’indépendance. Nous pourrions décider que vous êtes devenus brusquement des traîtres à l’Algérie. Et vous pourriez payer le prix fort. Ce discours a été tenu pendant toute la période post-indépendance. Dès qu’on faisait une petite critique, on était soit soumis à l’impérialisme, soit actionné par Israël, soit... Et en fait, les gens savaient que ces menaces étaient sérieuses. Celui qui avait le pouvoir allait se saisir de vous, vous torturer etc... Et comme il était juge et partie, de toute manière vous étiez perdant.

-  Le monopole du nationalisme...

Exactement ! C’est sûr ! Une vue uniforme de la guerre de Libération, cela veut dire la continuation uniforme des règles de pouvoir. Et au nom de cette impossibilité à discuter dans laquelle on s’est retrouvé 50 ans après, on est rendu à avoir le même système au pouvoir. Donc, se battre pour la vérité sur la guerre de Libération, c’est se battre aussi pour une vie plus digne, actuellement. Est-ce qu’il existe un livre en Algérie qui parle de la terrible époque de la bleuite. Nous avons le droit de savoir. Pourquoi devrions-nous être différents des autres peuples mûrs. Ce n’est que dans le monde arabe, qui est régi par des rapports de pouvoir extrêmement violents, qu’on voit cela. Celui qui a le pouvoir a tous les pouvoirs. Ainsi, avons-nous une histoire aussi monocolore, creuse et mensongère en fin de compte.

-  Le Rapt est un thriller anachronique, mnémonique et violent entre présent, passé et flash-back...

Quand on regarde l’histoire de l’Algérie depuis plusieurs siècles, la colonisation française était d’une extrême violence.Les enfumades de la Dahra, c’était violent. Et n’en parlons pas de l’indignité du système colonial, le 8 Mai 45... Et puis la torture en 1965, en 1988... A chaque fois, ce malheur ne nous sert pas à mettre les choses à plat. On nous dit : oublions jusqu’au prochain malheur.

-  Le moindre mal...

C’est ce qu’on nous dit. Le problème, ce n’est pas le moindre mal. C’est que le mal est pire. Selon les mots du président, il y aurait eu plus de 200 000 morts (victimes du terrorisme). Ajoutez la souffrance des blessés, des parents... Cela fait au moins un million des personnes qui ont été touchées de près ou de loin avec un pays qui a été chamboulé.

-  Et le vrai mobile de Rapt...

Ce roman n’avait pas l’ampleur qu’il allait avoir. Au départ, je suis parti d’un vrai rapt. Et j’avais été extrêmement indigné par l’indifférence avec laquelle ce rapt-là avait été accueilli. C’était le rapt d’une écolière à Bir Mourad Raïs, qui avait été violée, tuée et jetée nue sur un terrain vague. Aucune réaction de la population et des autorités. Une réaction étonnante ! Et puis, cette indifférence envers la souffrance des plus démunis. Quelque part, j’ai voulu, entre guillemets, venger cette petite. Ce n’est pas l’œuvre d’un historien. Je voulais montrer comment des êtres ordinaires pouvaient être face à l’innomable, à des choix terribles... Pour moi, le roman c’est de l’expérimentation d’une certaine contrainte sur des gens ordinaires.

-  Le Rapt traite d’une vengeance glaciale...

Je dis que j’ai presque de la compassion pour le ravisseur. Parce que son âme a explosé cinquante ans auparavant. Et la nation ne lui a pas fait le don de consolation. Jusqu’à présent, parler de Melouza est quelque chose de pratiquement interdit. Mettez-vous à la place des descendants des gens de Melouza. Leurs ancêtres ont été tués parce qu’on leur a dit que c’étaient des traîtres. Et eux doivent vivre avec la honte et le chagrin. Certains étaient proches du MNA et après ! Est-ce une raison pour tuer des adolescents de 12 ans et toute la population mâle. Rien ne saurait expliquer cela. Si on veut expliquer, alors on accepte que les Américains bombardent tout un village pour punir une seule personne. Je veux pouvoir parler de Guantanamo avec le cœur libre. Cela veut dire parler d’abord de ce qui se passe dans mon pays et ça me donne le droit de parler des autres.

-  Et la délivrance de ce rapt...

Je crois que l’Algérie a suffisamment payé le prix fort pour que maintenant elle fasse un retour sur elle-même. Elle ne peut pas échapper à l’examen de la vérité quelle qu’elle soit.

-  C’est un devoir de vérité...

Voilà, c’est un devoir de vérité. Nous, dans le monde arabe, nous sommes trop habitués au mensonge, aux légendes. Nous avons droit à la vérité, la simple vérité.

-  Dans le Harvard Review, on dit de vous : « Anouar Benmalek prend où Camus lâche ! » Une précieuse caution...

(rires). Je le prends modestement comme un compliment. Mais la comparaison n’est pas raison. Je pense connaître ma société. Je suis indigène. Je comprends mieux les réactions devant l’indignité du fait colonial. Le fait positif n’existe pas parce que vous êtes méprisés.Le mépris écrase tout ! Donc, je laisse la responsabilité de cela à l’auteur de cette phrase (in Harvard Review). Je souris. Je ne peux pas dire que cela me déplaît. Au contraire !

-  Alors bonne chance pour le Prix France Télévision 2009 où vous êtes sélectionné pour Le Rapt.

Merci. Etre sélectionné pour un prix, c’est vraiment le hasard. Ensuite ça ne dépend absolument plus de vous. En fait, il vaut mieux se taire. Il y une telle production à la rentrée. Je veux dire qu’il y a 700 romans. Et puis, il y a des stratégies éditoriales. Bon, je le prends comme une très bonne chose. C’est comme vous jouez au loto. Si vous gagnez, vous n’allez pas dire que vous êtes plus intelligent que celui qui a perdu. C’est le hasard.(Rires).

Bibliographie
- Cortèges d’impatiences, poésie, Ed. Naâman, 1984, Québec
- La Barbarie, essai, Ed. Enal, 1986, Alger
- Rakesh, Vishnou et les autres, nouvelles, Ed. Enal, 1985, Alger
- Ludmila, roman, Ed. Enal, 1986, Alger
- Les amants désunis, roman, Ed. Calmann Lévy, 1998, Paris ; Ed. Livre de Poche, 2000 ; prix Mimouni 1999 (traduit en 10 langues, sélections Fémina et Médicis).
- L’enfant du peuple ancien, roman, Ed. Pauvert, août 2000, Paris ; Ed. Livre de Poche, 2002
- L’amour Loup, roman, Ed. Pauvert, février 2002, Ed. Livre de Poche, 2004, Paris
- Chroniques de l’Algérie amère, Ed. Pauvert, janvier 2003, Paris
- Ce jour viendra, roman, Ed. Pauvert, septembre 2003
- Ma planète me monte à la tête, poésie, Fayard, janvier 2005
- L’année de la putain, nouvelles, Fayard, janvier 2006
- Ô María, roman, Fayard, septembre 2006
- Vivre pour écrire, entretien avec Y. Merahi, Ed. Sedia, février 2007
- Le Rapt, roman, Ed. Fayard, septembre 2009

Le Rapt/ Anouar Benmalek Editions Sédia 523 pages Prix : 1000 DA

Vente-dédicace Sila 2009 Complexe olympique du 5 Juillet Stand Sédia. Cet après-midi à 16h Anouar Benmalek dédicacera son livre Le Rapt

Par K. Smaïl

Scènes du Sila

C’est un vrai régal que d’écouter René Gallissot parler de façon générale et d’Henri Curiel en particulier, à qui il vient de consacrer un livre Henri Curiel : le mythe mesuré à l’histoire. C’était le cas l’autre jour au Salon du livre d’Alger. Communiste («secrétaire général d’un PC incréé», dira l’historien), gaulliste, Egyptien, refugié, fortuné, Curiel était à lui tout seul un catalogue d’atypismes. Les paradoxes qui le caractérisaient n’enlevaient rien à la puissance de ses convictions internationalistes.

Au contraire, ils les galvanisaient. Son engagement en faveur de la cause algérienne était dans le droit fil de cette foi révolutionnaire. Laquelle trouve son origine dans un entrelacs de raisons qui peuvent paraître, vues de loin, disparates. René Gallissot, en historien et en conteur de l’Histoire, va pendant une heure les isoler, analyser, disséquer jusqu’à nous rendre le personnage évanescent d’Henri Curiel présent, palpable, pétri de contradictions et, en même temps, terriblement cohérent. Henri Curiel a été assassiné le 4 mai 1978 à Paris. Cherchez par qui, vous saurez pourquoi ? Pas si sûr !

Si des anciens des commandos delta de l’OAS ont été réactivés pour l’occasion, c’est peut-être pour créer la fausse piste de la revanche ou, du moins, pour laisser tout le monde s’engouffrer dans une seule piste alors que d’autres sont possibles, probables mêmes. «Henri Curiel a été victime de la guerre des services », affirme René Gallissot. Le stratosphérique Alexandre de Marenches, chef du SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage), service français, «accablé d’une paranoïa», y est pour quelque chose. Seulement, on ne tue pas impunément un mythe. Henri Curiel l’était devenu de son vivant. Il a grandi depuis. Enormément. Et c’est d’un intérêt incalculable que d’écouter Gallissot en parler, fut-ce devant une assistance clairsemée. René Gallissot a apposé un post-scriptum à son propos sur Curiel.

Il brandit le «Radar» de notre confrère Liberté qui affirmait qu’une équipe de cinéma est allée sur les traces de Karl Marx en Kabylie et s’est écrié que l’information l’a surpris. L’auteur du Manifeste du Parti communiste n’a jamais mis les pieds en Kabylie, précise Gallissot. Les journalistes qui écrivent de telles choses devraient vérifier leurs informations. Lors du séjour de Karl Marx a Alger dans une pension de Mustapha- Supérieur, il était tellement malade que même son affirmation d’avoir visité le jardin d’Essai est sujette à caution. Il n’aurait évidemment aucune force pour se rendre en Kabylie.

Ce qui n’empêche pas qu’il se soit intéressé à la Kabylie en tant que communautés rurales en se demandant si elles ne peuvent pas, au moins autant que les communautés industrielles des villes, aller vers le socialisme. Gallissot a noté tout cela dans un essai paru à l’Enag dans les années 1980, Marxisme et Algérie. Les notes de Marx sur la Kabylie serviront à Rosa Luxembourg pour l’élaboration de son Accumulation du capital. Autre scène : on parle de l’Emir Abdelkader. De la meilleure façon qui puisse être ? Ça se pourrait ! Comment les romanciers doivent se saisir de ce personnage historique.

Un illustre absent à la tribune : Waciny Laredj. Un roman, Le livre de l’Emir lui vaut le Prix des libraires algériens en 2006. Les présents : Kebir- Mustapha Ammi, prolifique et intéressant auteur algéromarocain, qui a consacré un essai à l’Emir Abdelkader, Abdelaziz Farrah, un scientifique reconverti à notre plus grand bonheur à la littérature historique qui a réalisé une interview imaginaire de l’Emir, et Dalila- Hassaïne-Daouadji, chirurgien- dentiste, membre de la Fondation Emir Abdelkader, auteur de l’essai L’Emir audelà du temps. Constat : par son action de rébellion conte l’occupant puis par sa reddition (qu'il ne faut pas juger moralement mais apprehender dans son historicité), par sa poésie et sa pratique mystique, l’Emir Abdelkader a incontestablement posé des interrogations qui ont encore une très forte attraction aujourd’hui.

Ce n’est pas un hasard si des tas de bouquins lui sont encore consacrés partout dans le monde. Le débat a montré que cet intérêt peut être amputé par le besoin que l’on ressent de dépouiller l’Emir de ses contradictions. Présenté dans une cohérence téléologique, l’Emir devient une icône muette. Un seul exemple, puisé dans ce débat : l’appartenance de l’Emir Abdelkader à la francmaçonnerie.

On peut, comme Kebir-Mustapha Ammi, accepter l’évidence, car c’est en est une, de cette appartenance et essayer de comprendre et d’expliquer comment et pourquoi elle a été possible comme on peut, et c’est le cas de Dalila Hassaine-Daoudji, non seulement la réfuter mais aussi la mettre sur le compte d’une propagande anti- Emir. Si l’Emir continue de faire opposer l’interrogation à l’affirmation péremptoire, c’est que son cas est une matière inépuisable. Mais pour rendre justice aux auteurs qui ont participé à cette table ronde, il faut dire qu’une intervention dans un débat, qui plus est passionné, peut être un raccourci déformant de leurs recherches.

Il faut donc lire leurs livres, le verbatim ne suffisant pas. Scène dernière : c’est toujours un plaisir d’entendre des auteurs comme Noureddine Saâdi et Malek Alloula, invités pour la première fois au Sila. Parce que ce sont des auteurs de qualité et qu’ils sont très loin de ce star système fric et toc qui a envahi le monde de l’édition et, pis, celui de la littérature. Ils sont les représentants d’une littérature exigeante et discrète, de celle qui reste. Ils ne sont pas les seuls, heureusement. Ce sont plutôt les porteurs de strass qui sont une minorité. C’est bien que le Sila revienne à l’essentiel, c'est-à-dire à la littérature appelée à s’enraciner et à durer.

Par Arezki Metref

Pourquoi il ne faut plus regarder Dream TV

«La pyramide reste et on la voit. Mais on oublie le Pharaon.»
Uuno Kailas, extrait de Nu-pieds

Chaque vendredi soir, le présentateur de l’émission Dream Kora de la chaîne égyptienne privée Dream TV1, appartenant au milliardaire égyptien Ahmed Bahgat, déverse sa haine contre l’Algérie et sa presse nationale. C’est la presse arabophone qui est particulièrement visée (l’animateur de cette chaîne est un monolingue, il ne lit visiblement qu’une seule langue puisque tous les articles publiés en français par L’Expression et Liberté et qui visaient directement la chaîne Dream n’ont pas été comptabilisés dans ses rapports belliqueux). En parallèle, la Télévision algérienne diffuse des émissions sur la Terrestre et Canal Algérie pour calmer les esprits et surtout consacrer l’amitié algéro-égyptienne.

Vendredi dernier, l’ogre animateur de cette chaîne a, une nouvelle fois, jeté son discours venimeux sur nous et promettait même l’enfer et la guerre à tous ceux qui viendront au Caire. C’est une véritable chasse à l’Algérien qui est lancée et qui nous rappelle la fameuse radio des Mille collines au Rwanda qui a contribué à la mort de plusieurs milliers de civils, suite à des appels lancés par un média. Cet animateur a déclaré à qui veut l’entendre qu’il n’y aura pas de fleurs distribuées aux joueurs algériens et qu’ils seront traités de la même manière qu’ont traités les Egyptiens à Blida.

La télévision privée diffuse alors les images d’un défilé de voitures qui scandaient victoire devant l’hôtel Mercure, là où étaient logés les joueurs égyptiens lors de leur passage à Alger. Mais, en réalité, ces images ont été filmées un autre jour et pas durant la présence des Egyptiens à l’hôtel. En tout cas, Dream a bien manipulé les images puisque ces images filmées à partir d’un portable n’étaient pas datées, donc impossible de justifier les faits qui sont reprochés aux Algériens. Le présentateur de Dream, dont on ne souhaite même pas citer le nom, a démontré son non-professionnalisme et son chauvinisme exagéré pour ce qui ne pourrait être seulement qu’un match de football entre deux pays frères et amis.

Pourquoi tant de haine de la part de ce média sans importance dans le champ audiovisuel arabe, qui n’est pas trop suivi en Egypte et de par les petits moyens de sa production, est-il obligé de montrer un animateur déblatérer sa littérature rancunière durant plus de deux heures? Si ce média a choisi cette voie, c’est qu’il veut saisir l’occasion de cet événement pour se faire de l’argent sur le dos de l’humeur et des sentiments de l’impuissance et de désespoir des Egyptiens face à la force de frappe de l’équipe algérienne. Durant ces petits talk-shows sans images et musique, l’Algérien est traité de tous les noms d’oiseaux. Les personnes invitées s’en donnent à coeur joie pour exprimer leur doute sur l’arabité, l’islamité et même parfois, la sportivité des Algériens.

Ce genre de débat est lancé pour attirer des téléspectateurs et les inciter à envoyer des SMS considérés comme des sources de revenu pour cette chaîne privée qui n’a aucun programme professionnel. Seulement, des talk-shows où leurs animateurs donnent libre cours à leur haine et leur idiotie. La chaîne égyptienne Dream TV, qui est actuellement presque en faillite, ne vit que des revenus très importants de ses night-clubs, ses salons de thé pour couples égyptiens en chaleur et de leurs restaurants et hôtels de touristes venus d’Israël.

Les Algériens devraient supprimer de leur télécommande ce type de programmes d’un privé en mal de célébrité qui ne cherche que le moyen de saper le moral des Algériens, considérés comme très susceptibles.

Amira SOLTANE

La révolution, longtemps après…

En ce glorieux anniversaire, on peut se dire pour la cinquante-cinquième fois que la guerre de Libération fut un succès : près de huit ans après son déclenchement, l’ordre colonial en Algérie a pris fin.

Mais quarante-sept ans après l’indépendance, le pays offre la triste image d’une république bananière. Malgré ses atouts historiques, culturels et naturels, il s’est engouffré, une fois libéré, dans un processus de confiscation politique clanique et autoritaire. Mis sous séquestre par la nationalisation du patrimoine, la gestion centralisée, le système du parti unique, la résolution brutale ou occulte des questions de pouvoir, le pays est réduit à un système d’allocation mafieuse des richesses nationales.

Dans le discours qu’il vient de prononcer pour l’inauguration de l’année judiciaire, le président de la République admet que le pays est rongé par la corruption. La promesse de combattre le fléau est régulièrement renouvelée par le pouvoir et réitérée à chaque rentrée judiciaire et au cours de chaque campagne pour l’élection présidentielle. Cette fois-ci, la panacée consisterait en un comité ad hoc en lieu et place d’un observatoire. Sans même savoir pourquoi l’organe de vigilance sortant aurait échoué à moraliser la gestion des deniers et biens publics, nous devons accueillir les nouveaux Elliot Ness avec l’espérance toujours renaissante d’une gestion enfin assainie de l’argent du peuple.

Mais il n’y a pas que les ressources du pays qu’on dilapide. Voilà près d’un demi-siècle que toutes les promesses de la Révolution sont sacrifiées sur l’autel de la guerre du pouvoir qui a succédé à la guerre de libération : l’identité réduite à des “constantes” ou “composantes” exclusives, les libertés combattues comme expression d’intention subversive et le développement soumis à l’impératif de la rente.

Plus de cinquante ans après, il faut bien constater que la Révolution contenait en elle sa contre-révolution : cette dialectique organique a fait que la libération du pays n’a pas signifié la libération des Algériens. L’indépendance de l’entité territoriale et politique n’a pas correspondu à une libération de la composante humaine. Dès les premiers jours, les Algériens ont assisté, médusés, à des disputes, parfois sanglantes et d’autrefois feutrées, de pouvoir qui les excluaient de la conception de la perspective nationale.

Depuis 1962, les méthodes se sont progressivement sophistiquées pour s’adapter à la demande mondiale d’évolution et pour leurrer l’aspiration populaire à une prise de part dans la gestion de l’avenir et la redistribution des retombées de l’exploitation des ressources nationales.
L’élection multipartite a ainsi succédé au duel de clans, au putsch et à l’élection de parti et de candidat uniques. Le despotisme, qu’il s’impose par la répression brutale ou par la fraude autoritaire, ressemble tout de même au despotisme.

Le Président signalait justement, hier, à propos du Conseil constitutionnel, “sa mission de veiller à la régularité des élections” et sa vocation “à statuer sur les réclamations qui s'y rattachent et à proclamer les résultats”, mission qui “l'a mieux fait connaître au grand public”.

Le vernissage institutionnel ne peut hélas rien contre l’emprise clanique et rentière qui, longtemps, très longtemps après la Révolution, hypothèque encore l’évolution politique et le développement socioéconomique de la nation.

Par : Mustapha Hammouche

Le sens du sacrifice

Lorsque les femmes et les hommes de Novembre ont décidé de s’engager dans une lutte armée avec des moyens rudimentaires sur tous les plans, contre une puissance coloniale surarmée et structurée, ils n’étaient pas des surhommes. Ils ont décidé de s’engager avec la peur au ventre, avec la douleur anticipée de laisser les leurs, leurs enfants, leurs parents sans ressources face à une armée féroce qui ne manquera pas de se venger des vieux, des enfants. Ils étaient conscients des risques pour leur vie et de la misère et des souffrances physiques et morales qui guettaient leur famille.

Malgré tout cela, ils se sont donnés corps et âme à la cause noble qu’est l’indépendance nationale. L’équation était simple pour cette avant-garde de la liberté : sous le colonialisme on ne vit pas puisque les Algériens n’avaient rien. Que reste-t-il à perdre ? La vie sans dignité ni liberté est loin d’être le rêve façonné par des dizaines d’années de prise de conscience et par le fait national qui a pris forme de façon manifeste après les massacres du 8 mai 1945.

A ce titre, autant mourir dignement et pour une cause que de vivre sans gloire ni valeur. Ce sacrifice d’une minorité d’Algériens a été consenti pour que la majorité goûte à la liberté, la prenne à bras-le-corps et la préserve dans la dignité et dans l’égalité de tous en guise de revanche contre les 132 ans d’asservissement, de répression et de brimade de toute une nation qui refusait l’occupation depuis 1830.

Le sens du sacrifice s’est-il estompé ? N’y a-t-il pas aujourd’hui des raisons pour que le sacrifice soit une valeur et un comportement au service de la nation et de la majorité ? Novembre n’aurait de sens que si les responsables, tous les responsables du destin national, quel que soit leur niveau de responsabilité, incarnent son esprit et comprennent que le bien-être de la liberté retrouvée ne peut avoir de sens que si le bien-être social, économique, politique et culturel touche la majorité des Algériens.

Au lieu du sacrifice pour le bien de tous, ce sont l’égoïsme, la cupidité, l’individualisme, le népotisme, la corruption… qui se sont imposés comme valeurs faisant tâche d’huile et des émules parmi les masses qui n’ont d’autres choix que de se débrouiller pour survivre. L’esprit de Novembre plane mais n’arrive pas à s’enraciner dans ce terreau pourtant fertile que sont ces nouvelles générations qui aspirent à la paix, à la sécurité et au bien-être légitime.

Ces générations attendent de voir la justice s’imposer comme valeur sacrée applicable à tous sans exclusive. Ces générations attendent de voir l’Etat de droit consacré sans les faits pour que la citoyenneté soit pleine et entière pour tous et toutes. Ces générations, qui sont les lendemains de l’Algérie, attendent d’être reconnues comme héritières légitimes de l’esprit et des valeurs des sacrifiés de Novembre afin que leur sacrifice ne soit jamais vain.

Par Abdelkrim Ghezali

Ce n’est pas demain la veille pour les Palestiniens

Ce fut d’abord une guerre israélo-arabe. Puis il y eut le délestage des pays, de tous les pays arabes, plus particulièrement ceux de la ligne de front qui se sont totalement désengagés du champ de la confrontation. C’est donc devenu une guerre israélo-palestinienne. Maintenant, cela évolue vers une guerre inter-palestinienne.

Condoleezza y met de la sienne. Elle cherche à instaurer une tripartite, c’est-à-dire une alliance Etats-Unis- Israël-Fatah de Mahmoud Abbas. C’est forcément une alliance anti-Hamas, c’est-à-dire contre une partie des populations palestiniennes.

Il y a de ces dialogues qui ne sont guère en faveur des Palestiniens. Une bipartite Israël-Palestine aboutira à des résultats conformément au rapport des forces. D’ailleurs, les négociateurs israéliens ne manquaient pas de dire aux négociateurs palestiniens : «Acceptez ce que nous vous proposons, car vous n’avez pas les moyens d’obtenir ce que vous voulez.»
Une bipartite du genre que celle que demande Condoleezza Rice ne peut nullement être en faveur des Palestiniens, car ceux-là ont à faire à deux alliés, c’est-à-dire les Etats-Unis et Israël.

Il ne faudrait donc pas laisser Israéliens et Palestiniens en tête à tête dans un dialogue politique, car ce serait comme s’ils se trouvaient sur un champ de bataille, et encore moins laisser s’accomplir une tripartite qui n’intègre que les Etats-Unis qui aboutirait à exacerber le différend Hamas-Fatah, et donc la guerre civile, car les deux mouvements sont armés.
Plus la situation d’insécurité pour les Palestiniens dure, plus est éloignée pour eux l’échéance de la reconnaissance d’avoir le droit de disposer d’un Etat, plus la haine augmente, d’autant que la quasi-majorité des populations est née après 1948, c’est-à-dire dans la haine.

Les Palestiniens, et surtout leur Président, attendaient de Condoleezza Rice son engagement à faire appliquer les résolutions onusiennes ou alors, au minimum, à donner de la crédibilité à la feuille de route et non à constituer une alliance tripartite contre le parti des populations représentées par Hamas.

Les héritiers

Le 1er Novembre signifie pour chaque Algérien le premier jour où son pays a entamé une lutte qui l’a mené à son indépendance. C’est une date symbolique car ce jour-là, tout au moins sur le plan factuel, il ne se passa pas grand-chose. Quelques attentats dans certains points du territoire dont la plupart ne furent pas une réussite.

Mais sur le plan de l’Histoire et de la dynamique historique, ce qui se passa alors fut énorme. Une révolution. Sous la conduite du FLN, elle engagea la majorité du peuple. Se termina-t-elle, cette révolution, en 1962, avec l’indépendance ? Naturellement. L’objectif était atteint. On a mis cependant quelque vingt-six ans pour commencer à le comprendre. 1988 et toutes les années de ce qu’on appelle la «décennie noire» entretinrent l’illusion, chez beaucoup de gens, qu’une autre révolution était encore possible, dans la continuité de la précédente et tout à la fois dans la rupture avec elle.

La révolution verte annoncée donna du rouge partout. Un terrible bain de sang. Les cicatrices sont vives, on panse encore les blessures. Désormais, on sait que l’Algérie a grandi, s’est assagie, s’est désabusée, et tout ce qu’on veut. Elle revendique du travail, du confort, de l’argent. Oui mais comment les obtenir ? Comment oublier que la seule méthode par laquelle nous avons obtenu notre droit à l’existence fut de recourir aux solutions extrêmes ? Cette culture de la violence, du radicalisme…

Désapprendre la révolution est une révolution en soi-même. Mais où sont ceux qui doivent nous l’enseigner, qui doivent nous enseigner comment marcher dans ce monde en mettant un pied devant l’autre, comment construire brique après brique, comment tracer le chemin jour après jour sans nous perdre dans le désarroi, la colère, l’impatience ? En somme, comment oublier les héros de notre Révolution, emprisonnés par une imagerie officielle dans leur inhumanité guerrière, et les ramener vers nous, et les étreindre et entendre leur cœur palpiter contre le nôtre ?

C’est peut-être un autre 1er Novembre qu’il nous faudra fêter, non plus celui qui s’extasie devant quelques coups de feu tirés çà et là mais celui qui nous dira que des hommes infiniment plus grands, des visionnaires, des «prophètes» à la foi inébranlables ont annoncé une nouvelle ère pour notre pays. Les coups de feu tirés ne seraient plus alors qu’un baroud qui, en lui-même, ne voulait rien dire.

Beaucoup plus importants étaient les femmes et les hommes qui, partout, en Algérie d’abord, dans le monde entier ensuite, l’avaient ressenti parcourir leurs corps et leurs esprits comme un grand frisson qui ne cessera jamais. Il en est aujourd’hui qui le ressentent encore. Ceux-là sont les héritiers de Novembre. Ce sont eux le gage de l’avenir.

A. K.

Le supplice du P’tit Suisse !


Par Hakim Laâlam  
Email : laalamh@yahoo.fr

Lutte contre la corruption. Abdekka a promis d’y consacrer une importante…

… enveloppe !

Si c’est pas inhumain de traiter un être comme ça ! Matahach’mouch ? Obliger ainsi un homme, Bouguerra Soltani, à jurer en public, lors d’un meeting à Collo, qu’il n’a «jamais mis les pieds à Châteauneuf». M’enfin ! Pourquoi tant de terreur au-dessus de la tête d’un seul homme ? Pourquoi le torturer ainsi, pourquoi lui mettre autant de pression ? Voyons, mon P’tit Suisse ! Mais tu as tout à fait le droit de te rendre à Châteauneuf ! Châteauneuf est un quartier d’Alger. Et Alger est la capitale d’un pays dont tu es citoyen, l’Algérie. Si ça peut te rassurer, mon P’tit Suisse, des millions d’Algériens se sont déjà rendus à Châteauneuf. Ceux qui vivent à Alger, forcément. Et même ceux qui n’y vivent pas, mais qui sont de passage dans la capitale. Moi-même, mon P’tit Suisse, il m’arrive d’aller à Châteauneuf. Et je n’en éprouve pas pour autant le besoin pressant de l’avouer en public, lors d’un meeting populaire. Le quartier de Châteauneuf est fort agréable, par certains côtés. Il est vrai que le rond-point, agrémenté pourtant d’une trémie, demeure un cauchemar pour qui s’y rend en voiture, mais le coin reste charmant. Il n’y a rien d’infamant à se rendre à Châteauneuf. Et, très franchement, de «toizamoi», mon P’tit Suisse, il faut arrêter de te torturer ainsi l’esprit à vouloir trouver des alibis et à inventer même une histoire pareille. Histoire à laquelle aucun Algérien ne croira du reste. Car tu ne peux pas venir dire aux gens aujourd’hui que tu ne t’es jamais rendu à Châteauneuf. C’est impossible. Fait un effort sur ta mémoire. Force-toi un peu. Et tu te souviendras d’avoir été au moins une fois à Châteauneuf. Une fois, au moins. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.

H. L. 

Mémoire

Côté histoire, les témoins de 54 et ses différents acteurs directs s’en vont un par un, emportant avec eux des bribes de vécu et de moments importants à la reconstitution complète et exacte de cet admirable puzzle qu’est la Révolution algérienne.

LLe 1er Novembre constitue une étape importante dans l’édification moderne du pays grâce à une poignée de jeunes, à peine sortis de l’adolescence, mais dont la maturité politique a réussi à enfanter des textes fondamentaux.

Sa célébration à chaque année qui s’égrène prend malheureusement l’aspect d’un simple devoir de mémoire, devenu moralement obligatoire pour ceux qui l’ont vécu.
Les mêmes cérémonies ont lieu aux mêmes endroits avec les mêmes personnes et autorités qui viennent officier le temps de la mise en boîte des images par la télévision, pour le JT du 20 heures.

La Révolution algérienne a 55 ans, l’âge des quinquas qui gèrent le pays sans en détenir le véritable pouvoir, éternels condamnés à jouer les seconds rôles, faute d’avoir eu le cran de faire leur révolution. Se confortant dans les “allées du pouvoir virtuel” ou se morfondant dans une opposition devenue stérile, ils attendent désespérément le passage d’un relais qui tarde à venir.

Côté histoire, les témoins de 54 et ses différents acteurs directs s’en vont un par un, emportant avec eux des bribes de vécu et de moments importants à la reconstitution complète et exacte de cet admirable puzzle qu’est la Révolution algérienne. L’écriture de cette aventure tarde à se faire pour cause de certains vivants qui dénient le droit aux autres de rapporter des faits historiques. Au lieu que cela favorise un débat contradictoire et des éléments de réponse à ce qui s’écrit dans l’ancienne métropole, cette coexistence du face-à-face constitue un frein.

Les historiens voient Clio leur échapper, les musées présenter les mêmes objets cultes encore peu visités par les écoliers. Enfin, l’idée lancée d’une école supérieure de l’écriture de l’histoire n’a suscité curieusement ni débats ni commentaires au sein de la communauté universitaire et chez les rares survivants de ce tournant de l’Histoire.

Par : Outoudert Abrous

55 ans après la premier novembre 1954

Concert de U2 : 10 millions de visiteurs sur YouTube

Désormais, la télé n’est plus la seule à détenir le monopole du live, le net s’y met aussi à travers les différents sites de partages de vidéo, la preuve en est avec le concert de U2. Le chiffre est astronomique. Plus de 10 millions de personnes se sont connectées simultanément sur YouTube dimanche soir (4h30 du matin) pour assister en direct au concert donné par U2 au Rose Bowl de Pasadena en Californie.

Le concert événement du groupe irlandais a été diffusé en intégralité sur la plate-forme Internet de partage de vidéo. Accessible dans 16 pays, le concert (dont les Black Eyed Peas faisaient la première partie) a ravi les 96 000 spectateurs présents au concert et les millions d'internautes des quatre coins du monde.

Si ce genre de retransmission en direct n’est pas tout à fait une première dans l’histoire d'Internet, le show de U2 sur le web a tranché par la qualité de ses images et du son. Depuis que la vidéo du concert a été mis en ligne, celle-ci a généré plus de 50 millions de vues. Et le chiffre continue à augmenter tous les jours...

Si la bande de rockeurs de Bono et The Edge continue sa tournée 360°, il se pourrait bien que cette exposition exceptionnelle permette de relancer les ventes de leur dernier album “No Line On The Horizon”. Bono avait récemment fait part de ses regrets sur cet échec (relatif)...

Par : Rédaction de Liberte

Le roi livre

Il faut d’abord tirer le chapeau, faire plusieurs courbettes répétées devant ceux qui ont maîtrisé la parole, la formule et le mot pour exprimer d’une manière originale la pensée profonde d’une foule de gens qui ne prennent même pas la peine d’y penser. Quand on pense à la force du mot qui charge le message d’une intensité qu’on ne lui soupçonnait pas, on ne peut qu’exprimer son admiration devant l’accouplement de deux vocables qui provoquent l’étincelle qui fera briller le regard du lecteur ou de l’auditeur ou qui dessinera un début de sourire et effacera le froncement de sourcils...

Il y a des formules qui changent le cours des choses: l’exemple le plus probant et qui a fait la bonne fortune d’un publiciste est bien: «La force tranquille!» alliage de deux concepts d’apparence antinomique. Cela n’est pas nouveau sous le soleil puisque le poète, le grand spécialiste des mariages contre nature, a produit «une humide étincelle» qui laisse encore rêveurs ceux que «les mots ont pris par la main».

Jean-Claude Chabrol, l’enfant terrible de la nouvelle vague, racontait dans l’une de ses innombrables interviews qu’il avait commencé à travailler avec un de ses camarades de promotion (Truffaut ou Godard) dans une société de distribution de films et que leur principale tâche était de trouver un titre français aux innombrables films américains que les accords Blum-Byrnes avaient imposés à une France en difficulté.

C’est pourquoi il faut saluer le titre dont le dernier Salon du livre est couronné «Le Roi Livre.» S’il est vrai que lui, préfère la formule inscrite au bas de la fresque qui orne l’entrée du lycée Hassiba Ben Bouali: «L’univers est gouverné par les livres», il n’en demeure pas moins que «Le Roi Livre» est un titre imaginatif, à mi-chemin entre l’épopée du Roi Lear et celle du Roi Lion. Mais cela implique, bien sûr, que le Salon doit mériter son titre. On ne devient pas roi, comme cela, par simple hérédité. Il faut le mériter.

L’une des premières qualités du roi est la combativité: seul le battant arrive à ce siège envié et y demeure. Il doit triompher de tous les obstacles et de toutes les difficultés trouvées sur le chemin. Il doit être intelligent, c’est-à-dire clairvoyant sur les alliances qu’il doit tisser, tout au long de son règne, choisir avec distinction ses conseillers et avec éclectisme ses courtisans.

Il doit s’ouvrir à tous les horizons que la modernité lui présente sans cesser de jeter un regard nostalgique sur un passé récent ou lointain embelli par les professionnels de la reliure ou de l’enluminure. Il doit être auguste et magnanime: il doit savoir oublier les petites fautes passées des uns et fermer présentement les yeux sur celles des autres. Il faut qu’il ait de l’élévation: accepter la louange avec autant de plaisir que la critique: «Sans la liberté de blâmer, il n’y a point d’éloge flatteur», disait Beaumarchais à quelques encablures de la Révolution française.

Il faut enfin que le Roi Livre soit à la portée de tous: des humbles comme des grands, des adultes comme des enfants, des pauvres comme des riches. Son degré d’accessibilité atténuera peut-être les effets néfastes de sa censure. Mais le titre de «Roi Livre» suppose aussi, qu’il n’y a rien ni personne au-dessus de lui.

Selim M’SILI

Le message

Aujourd’hui est une journée de recueillement. Des jeunes Algériens dont la moyenne d’âge ne dépassait guère 25 ans ont tiré les premiers coups de feu pour marquer leur détermination et leur conviction que la seule façon qui restait après l’échec des politiques pour libérer l’Algérie du joug colonialiste était la lutte armée. L’histoire leur a donné raison. Après près de huit longues années de combat, de sacrifices, de souffrances, de larmes et de sang, l’indépendance put enfin être proclamée. Beaucoup de ces jeunes du 1er Novembre n’étaient plus de ce monde pour fêter l’événement.

Ils avaient donné leur vie pour que leurs concitoyens puissent enfin et après un siècle et demi d’oppression vivre libres. Ils savaient, dès le déclenchement de la lutte, qu’ils avaient peu de chances de rester vivants à la libération. Ils le savaient mais n’ont à aucun moment hésité à s’engager dans cette voie extrême. Ils avaient l’Algérie au coeur. Le patriotisme avait un sens pour eux qu’on retrouve difficilement parmi la Jeunesse aujourd’hui. Pourquoi? La réponse pourrait être aussi simple que de dire que les générations d’Algériens qui se sont succédé depuis l’Indépendance n’ont pas connu les mêmes et affreuses conditions de colonisés qu’eux.

N’ayant pas connu l’enfer imposé par l’envahisseur étranger à tous les enfants de ce pays, ceux qui ont leur âge aujourd’hui sont pour ainsi dire «nés avec une cuillère d’argent dans la bouche». Ils ignorent la faim, le froid et l’esclavage. Ils ignorent ce qu’être piétiné par l’étranger chez soi. D’être soumis par lui à l’esclavage. De n’avoir que des obligations. De ne pouvoir espérer aucun droit. Bref, ils n’ont pas les mêmes conditions de vie dans lesquelles ont vécu les jeunes du 1er Novembre 1954.

On ne peut pourtant pas leur en vouloir d’ignorer tout cela. On ne peut pas leur en vouloir d’ignorer ce pan de leur histoire pour la bonne raison que personne ne le leur a enseigné. Ils ne sont ni responsables ni coupables d’ignorance. Alors, quand M.Bouguerra Soltani, le leader du MSP, clame depuis Guelma où il était vendredi dernier que «la jeunesse doit s’armer des leçons de Novembre et prendre exemple sur les moudjahidine qui ont libéré la patrie du joug du colonialisme», on a l’impression qu’il s’attend à ce que ces «leçons de Novembre» leur tombent du ciel.

Il nous faut juste lui rappeler que son premier devoir et celui de son parti, comme celui d’ailleurs de tous les autres partis que compte le pays, est justement d’apprendre à ces jeunes ces «leçons de Novembre». Ils ne peuvent pas «s’armer» ni «prendre exemple» sur quelque chose qu’ils ignorent par la faute de leurs aînés.

Les Algériens n’en peuvent plus d’entendre leurs hommes politiques se contenter de constats alors qu’ils en attendent des solutions. Nos jeunes sont victimes des politiciens qui les sermonnent plus qu’ils ne les aident à découvrir leurs racines. Alors cessons de nous complaire dans les mots et agissons! Donnons l’occasion et les moyens à nos enfants d’apprendre leur histoire. Ainsi, nous n’aurons même pas à nous donner la peine de faire preuve de patriotisme. Cela coulera de source.

Zouhir MEBARKI

L’aliénation ?

Les bouleversements successifs couronnés par la terrible crise de 1992 nous charrièrent autre chose de moins noble.

Le 1er Novembre 1954, un petit nombre d’Algériens décida de passer à l’action et se lança témérairement dans un combat inégal, mais qui fut victorieux avec l’aide de Dieu. L’histoire de David et Goliath se vérifiait encore une fois. L’Algérie négocia avec succès son accès à l’indépendance et à la souveraineté, même si son intégrité territoriale devait lui coûter quelques années de guerre supplémentaires.

Les colons quittèrent massivement le pays qu’ils avaient dominé 132 ans durant. Ils nous prédirent la famine, la misère et le chaos. Pour les Algériens, le choix était de «vivre libres, quitte à bouffer de l’herbe», selon le mot de l’époque. «Houma walla n’touma», disent aujourd’hui nos jeunes harraga, inversant complètement le verset. Où en est-on aujourd’hui avec l’esprit novembriste ? Les bouleversements successifs couronnés par la terrible crise de 1992 nous charrièrent autre chose de moins noble.

Les valeurs de novembre s’effacèrent au profit d’autres qui nous sont étrangères et qu’on nous administre quand même. Les Algériens ont-ils livré une guerre des plus coûteuses pour qu’on vienne leur dicter, au nom d’une fausse mondialisation, une conduite qu’ils refusaient crânement d’adopter sous la colonisation ? Quand nous entendons le chef d’Etat avouer publiquement: «Lorsque je suis venu, j’ai trouvé toutes les clés aux mains de la France», on ne peut que s’interroger sur la fragilité de cette souveraineté qui faisait notre fierté.

Et quand on constate que l’enseignement de la langue française est plus répandu en Algérie que durant la présence coloniale, que le français est pratiquement une seconde langue maternelle puisque enseigné dans nos écoles dès la 2e année primaire, et que les instituteurs, prêts à le répandre dans le Sud, seront récompensés par… un logement, on ne peut que se demander s’il ne s’agit pas là d’une forme d’aliénation qu’aucun chahid n’avait imaginée.
Aujourd’hui, on pousse l’outrecuidance jusqu’à nous sermonner pour nos décisions souveraines. Comme si on faisait partie des DOM-TOM. On s’ingère dans nos affaires jusqu’à nous souffler à l’oreille les bons scandales qui délogent l’adversaire économique. Pourquoi pas alors une repentance à rebours ?

Par Mohamed Zaâf

Les figues de Barbarie ou le complexe durable de culpabilité

Du smen et du miel ». Le propos est de Khalida Toumi sur le dernier roman de Rachid Boudjedra, Les figues de Barbarie, présenté vendredi au Salon international du livre d’Alger (SILA), qui se tient jusqu’au 6 novembre à l’esplanade du complexe sportif du 5 Juillet. La ministre de la Culture est tellement émerveillée par le texte de l’écrivain algérien qu’elle en a lu des extraits, expliqué parfois le sens et couvert de gentils mots l’auteur de Fascination.

Khalida Toumi, qui s’est dit non spécialiste de littérature, a eu le privilège de lire le manuscrit en deux nuits. Les figues de Barbarie paraîtra en mars 2010 en France, édité par Grasset. Pour l’Algérie, les éditions Barzakh sont pressenties pour publier le roman. Les négociations sont en bonne voie. L’histoire se passe en quarante minutes dans l’avion qui relie Alger à Constantine sur dix chapitres. Monologues et dialogue se relayent. Omar rencontre son cousin, le narrateur, et ils discutent d’un passé lourd. « Omar est, à lui seul, tout un programme. Omar est en fait toute l’Algérie. C’est le cousin qui est à la fois grand architecte, intellectuel et ancien combattant. Il a pris le maquis en 1958 un an avant le narrateur. La vie de Omar n’est pas tout blanc tout noir. C’est aussi compliqué que votre vie ou que la mienne », a expliqué Khalida Toumi. Si Mustapha, homme riche de Batna, initie Omar et son cousin au nationalisme. Mais, il y a aussi Salim, « jeune frère insouciant », qui a de la sympathie pour l’OAS. « Je reviens sur le complexe de culpabilité qu’ont certains Algériens soit de n’avoir pas fait la guerre, soit de l’avoir faite du côté des Français, soit de s’être cachés. L’histoire est vraie, celle d’un cousin du côté maternel qui est parti au maquis. Mon père m’a empêché de le rejoindre parce qu’il voulait que j’obtienne mon bac », a relevé Rachid Boudjedra qui dit avoir vécu au maquis « des choses absolument effrayantes, honteuses ».

Selon Khalida Toumi, le roman de Rachid Boudjedra montre que la Révolution algérienne était plus grande que les clans, que les régions et que les nationalités. « Rachid Boudjedra nous explique aussi que le but du roman n’est pas d’enregistrer comme dans un documentaire ce qu’il y a, mais de reconstruire ce qu’il y a en le dépassant et en le transcendant. On comprend mieux », a-t-elle soutenu. « Il ne s’agit pas de raconter des histoires, tout le monde peut le faire. Dans les bars et les cafés maures, il y a des histoires magnifiques. La question est comment les raconter ? Tout est là », a enchaîné l’auteur de La Pluie. La répétition pour lui n’est pas un chant funèbre mais de l’art. Mieux : il la revendique. « Mes personnages, mes objets et mes animaux sont dans tous les romans. Je reprends les mêmes fantasmes.Je dis aux jeunes : le fantasme est fondamental. Il ne faut jamais avoir honte de son fantasme, sinon on devient émasculé », a-t-il soutenu.

Il a cité l’exemple du peintre espagnol Picasso, du cinéaste suédois Ingmar Bergman et de l’écrivain colombien Gabriel García Márquez qui se répétaient dans leurs travaux. Se disant khaldounien dans sa démarche, le romancier a affirmé qu’il était fasciné par la relation entre la grande histoire et la petite histoire intime. « C’est l’Algérie qui est complexe, ce n’est pas moi. Dans la mesure où l’histoire algérienne est terrible. Et elle continue à l’être », a-t-il dit. Khalida Toumi a évoqué, en lisant des extraits du roman avant d’être relayée par l’acteur Sid Ahmed Agoumi, les tortures d’Octobre 1988. Le personnage de Ali, émasculé après les émeutes de cette année-là, symbolique fut la torture dans un pays où les comportements dégradants dans les centres de détention n’ont jamais cessé depuis. L’auteur de La Vie à l’endroit a estimé qu’il voulait rendre hommage aux jeunes d’octobre vingt ans après. Et, il a rappelé qu’il est revenu, dans son roman Démantèlement, sur la guerre de Libération nationale et sur le traitement réservé aux communistes algériens, 25 ans après l’indépendance.

« Il y a un éclairage toujours différent », a-t-il dit. Loin des lumières de la salle El Qods du Sila, qui a abrité la présentation du roman de Rachid Boudjdra, au stand des éditions Dalimen, le jeune poète, Teric Boucebci, présentait à la vente-dédicace son premier recueil Ayesha. Le ton y est romantique et fruité : « Après l’orage, le fruit sec s’est gorgé de vie. Les grains nus deviennent des promesses. » C’est un long poème qui évoque la construction intérieure de la personne. « Il commence par une citation de Rûmi : ’’La rose est un jardin où se cachent les arbres’’. Cela donne une idée sur ce que l’on peut rechercher à travers soi et toutes les rencontres qu’on peut faire. Je pose la question de savoir où je vais ? », nous a déclaré Teric Boucebci qui se définit comme « un poète méditerranéen ». Il publie régulièrement des textes dans des revues aux Etats-Unis, en Belgique, au Canada et ailleurs. « La société algérienne est une société de poètes.

L’Ahellil au Sud en est l’exemple. Une jeune fille de 11 ans est venue acheter mon recueil et m’a dit qu’elle écrit de la poésie. Aujourd’hui, les éditeurs prennent le risque de publier de la poésie. C’est encourageant », a ajouté Teric Boucebci. A un pas de lui, Hicham Baba Ahmed (HIC), dédicace son dernier ouvrage Nage dans ta mer, paru dans la même édition. Le HIC nous a parlé avec passion de la nouvelle revue mensuelle El Bendir consacrée à la bande dessinée et qui est cédée à 200 da. Elle est animée à 80% par des dessinateurs, tels que Slim, Aïder et des jeunes, ainsi que par des journalistes à l’image de Rachid Allik, Chawki Amari, SAS, Luc Chaulet.

Dans El Bendir, Haroun a ressuscité Mkidèche. « Le numéro zéro est lancé. Le numéro un va paraître à la mi-novembre. Pour ne pas trop tergiverser sur la ligne éditoriale, on dit que ce qui importe le plus est l’humour. Il ne faut pas faire l’amalgame car ce n’est pas une revue de dessins de presse. C’est une revue de BD qui n’est pas tributaire de l’actualité », a expliqué le HIC. Mais pourquoi El Bendir ? « Faire du bruit pour rien... », a-t-il répondu.

Par Fayçal Métaoui