lundi 31 août 2009

Le cube (22)

Résumé des épisodes précédents : l’ouverture du cube a enfin été trouvée. Tout simplement en dessous. Le chef des services est bien sûr le premier à y être entré. Tout le monde – du moins ceux qui sont encore sur la plage – est debout, face au cube, attendant la fin du mystère. L’attente n’a pas duré ; au bout de quelques minutes, la voix caverneuse du chef s’est faite entendre :

- Je savais que c’était l’œuvre du diable !
- De qui ? a demandé Jalil. Le chef est resté un moment à marmonner et jurer tout seul, puis il est ressorti.
- Alors chef, a demandé l’un de ses subalternes. C’est quoi ?
- C’est un bar ! Un bar en plein Ramadhan !
- Un quoi ? demande Jalil
- Un bar ! Un tripot. Un endroit où les gens boivent. Y a une table, des caisses de bière, un frigo, à manger, des chaises et un même un poste pour la musique. C’est un enfer !
- Un bar clandestin ? Dans un cube au bord de l’eau ? Ils pensent à tout, a murmuré Boubou, le maître nageur. Au début, personne n’y a pensé. Mais c’est la mère Bentob, revenue de son fourneau, qui a demandé :
- Mais comment ils entrent dans ce bar-cube ? Le chef a jeté un regard méprisant aux estivants, comme s’ils étaient responsables de ce cube :
- Y a un trou. Et un tunnel.
- Et il mène où ? Le chef a ajusté sa tenue :
- C’est ce qu’on va voir. Ajoutant à l’adresse de ses collègues :
- On y va. Les hommes en noir se sont engouffrés dans le cube. Puis dans le trou. Puis dans le tunnel. Noir. Le jeune sergent qui était devant a chuchoté au bout d’une vingtaine de minutes :
- Chef, y a une lumière au bout...
- C’est sûrement pas le paradis... Les hommes ont continué à avancer à quatre pattes dans le tunnel et sont sortis du trou. Au niveau du village de Sidi Krafess, près de l’APC. Ils se sont mis debout. Devant la mairie, ils ont trouvé Yu le Chinois, le père Bentob, Tchachali, Soad et Widad.
- Au nom de la loi, je vous arrête.

... à suivre

Par Chawki Amari

Les Chinois envahissent généreusement l’Entv

«Je l’ai ramené pour vous apprendre le taïshi, il est devenu Dahmane El Harrachi».
Athmane Bendaoud, "extrait du dialogue de la série Djemaï Family"

Au moment où on parle d’intégration des Chinois dans la société algérienne, voilà que ces derniers pénètrent à grand pas dans la société algérienne. Ainsi, après avoir occupé nos chantiers, nos commerces, nos rues, nos stades, voilà qu’ils débarquent sur notre petit écran, et par la même occasion dans nos foyers, durant ce mois sacré du Ramadhan. Bien sûr, ce n’est pas un film de Wu Xia Pian de Ang Lee, ni un film d’action de John Woo avec Chow Yun Fat, mais bien une série algérienne qui mêle comédie locale et société algéro-chinoise.

La série Djemaï Family a exposé pour la première fois (et ce n’est pas volontaire) dans sa série l’intégration des Chinois dans la société algérienne. Venus pour scanner le cerveau de Rezki jugé trop paresseux, She Shuan, un docteur chinois, se retrouve frappé par le sort flashé de ce dernier et adopte, depuis, le langage et les habitudes des Algérois. Alors qu’il tentait d’initier la famille Djemaï au taïshi, il se retrouve finalement transformé en Dahmane El Harrachi. Une situation comique, qui n’est pas loin de la réalité quotidienne sur le terrain, puisque le Chinois se rend même au stade pour supporter le Mouloudia et faire partie de la fameuse galerie des Chnaoua. Plus que jamais, les Chinois font partie du quotidien algérien.

Djaâfar Gacem fut le premier d’ailleurs, il y a quelques années, à inclure des comédiens chinois dans sa série Nass Mlah City, un épisode dans lequel il montre l’efficacité et le sérieux des travailleurs chinois face aux travailleurs algériens, toujours en grève. Aujourd’hui, il n’est plus le seul, plusieurs réalisateurs algériens ont introduit les Chinois dans leurs productions, pas comme des comédiens mais comme des figurants...intelligents.

C’est le cas notamment dans le film de Nadir Moknache, Délice Paloma, ou encore dans la série de Mohamed Sahraoui, El F’hama. Aujourd’hui, les Chinois qui sont plus de 30.000 en Algérie, sont sollicités, pour quelques dinars de plus, pour travailler dans des productions audiovisuelles nationales en tant que comédiens à part entière. La série loufoque et bien réussie Caméra Chorba a même recruté deux comédiens à plein temps et leurs noms apparaissent en mandarin dans le générique.

Mais la meilleure intégration des Chinois est perceptible dans l’épisode de la série Djemaï Family où le comédien chinois s’exprime en arabe dialectal, avec un soupçon d’oriental. Un comédien chinois qu’on est sûr de retrouver à l’avenir, puisqu’il sera appelé à interpréter d’autres rôles à la Télévision algérienne.

Cet épisode de Shi Shuan illustre aussi la générosité du peuple chinois et surtout son intégration facile dans la société algérienne, avec qui il ne possède pourtant ni passé colonial ou historique, ni diversité culturelle ou linguistique. Il est certain que cet épisode prochinois s’inspire de la culture générale de l’auteur et réalisateur Djaâfar Gacem qui, avec le portrait de l’Algéro-Américain Souaïli, de la famille indoue de Djemaï et bientôt avec la parodie des films turcs, sera incontestablement le plus créatif des producteurs audiovisuels en Algérie.

Amira SOLTANE

Le serpent de mer

Mon ami Sid-Ahmed est comme la majorité de ces concitoyens, ou plutôt il suit le comportement de la plupart des gens: pendant toute l’année, il est actif, il est ici et là, contactant ses nombreux amis, les stimulant en leur communiquant son dynamisme, sa bonne humeur ou son scepticisme. Il lit pratiquement tous les journaux lisibles et se met au parfum de toutes les nouvelles parutions des éditions nationales.

Il est insatiable! Il est au courant de tout et il a dans son répertoire de nombreuses anecdotes croustillantes concernant tous les sycophantes qui peuplent la scène du Tout-Alger. Mais pendant le Ramadhan, il joue les sous-marins: on ne le voit plus, on ne l’entend plus. Il ne faut pas croire qu’il a disparu, qu’il est parti passer le Ramadhan chez des amis au Maroc ou en Europe, histoire de fuir la morosité des jours de jeûne.

Lui qui a roulé sa bosse sur les quatre continents (il ne lui manque que le pays des kangourous à visiter) devient casanier pendant le mois où les marchés aux fruits et légumes sont pris d’assaut par une faune qui se plaint de la cherté de la vie en remplissant des couffins qui empliront plus tard des dépôts d’ordures déjà surchargés. Bien que fin gourmet à l’occasion (lui, il emploie l’expression de bec fin), il relègue la gastronomie au second plan ne se contentant, quand il veut se faire plaisir ou quand il veut faire plaisir à un ami, d’un plat de sardines grillées arrosé comme il se doit, mais comme pendant le mois sacré, il subit un régime sans sardine, la moindre allusion à ce produit stratégique vendu il y a quelque temps à 300 DA le kg, le fait sursauter.


Ainsi, dès qu’il a lu un article paru dans la presse nationale relatant les déboires des pêcheurs algériens avec les armateurs turcs, il a sauté sur l’occasion pour me téléphoner et me taquiner amicalement sur un sujet que j’avais évoqué il y a deux années dans une de mes chroniques. Et comme un serpent de mer, cette affaire ressurgit avec en plus un tas d’informations relatant tous les micmacs qui peuvent se passer entre pêcheurs dans les eaux troubles de la pêche hauturière.


J’avais mis mon ami au courant de l’effet qu’avait produit ma chronique sur des personnes qui n’ont pas hésité à me téléphoner et à me rassurer qu’il n’y avait pas de lobby turc en Algérie, que la Turquie est un pays de droit et que tous les plaignants peuvent...


Et patati et patata. Mon ami Sid-Ahmed ne pouvait cacher comme à l’accoutumée son scepticisme: «Voilà un pays qui se prétend être le dixième constructeur naval du monde et qui fait non seulement des bateaux qui tombent souvent en panne mais qui ne respecte pas les contrats passés (en ce qui concerne les prix fermes et non révisables). Il y a quelque chose de louche là-dessous! Il doit y avoir des Algériens et des Turcs qui doivent s’en mettre plein la louche! Je me demande pourquoi il n’y a pas eu une enquête approfondie, genre Canard enchaîné sur ces affaires qui doivent avoir des ramifications qui vont loin. Et surtout pourquoi l’Etat algérien, par les ministères impliqués (Finances et Pêche) et les services consulaires ne prennent pas en charge ce contentieux.

Ce qui m’étonne encore plus, c’est le choix de la Turquie comme fournisseur. Si j’avais le choix, moi j’aurais pensé tout de suite au Japon qui fait des pêches miraculeuses en tous temps et en tous lieux.

C’est une idée à creuser! Saha F’tourek!» Il raccrocha me laissant seul en face d’une salade assaisonnée de thon, pêché quelque part en Méditerranée.

Selim M’SILI

Amour en or

Boubekeur B. fait connaissance avec une charmante étudiante dans un salon de thé. Elle attendait des cadeaux. Il lui ôte sa bague. La juge est chargée de rendre justice...

L’étudiante est ap-puyée à la barre. La présidente écoute, la victime raconter comment elle a lié connaissance avec Boubekeur, 27 ans, un inculpé qui va avoir l’occasion de faire connaissance avec le poursuivant, Sayeh, en l’occurrence un procureur qui ne mélange jamais la loi et les sentiments. La jeune fille donne la version du vol de la bague.


La magistrate se retourne vers le détenu, debout au box et invite l’inculpé à s’expliquer. «Il n’y a rien de vrai dans tout cela. C’est moi qui lui ai offert deux bagues, pas une!», proteste timidement Boubekeur qui ne va plus quitter son avocat des yeux.


Nouredine Sayeh, le procureur entre en scène et pose une question à la réponse significative: «Comment vous êtes-vous connus et où?» «Au salon de thé du centre de la capitale. On avait convenu de faire connaissance, une plus ample connaissance, mais par sa faute, tout a foiré. C’est une imbécile. Elle ne parlait que bijou. Alors que pour moi, c’est elle le bijou», se lamente l’inculpé qui est franchement effarouché.


La victime, elle, forte de son statut d’étudiante, use et abuse de l’arabe littéraire, croyant chloroformer rapidement, cette juge bilingue sans compter le tamazight qu’elle utilise occasionnellement.


Invité à requérir, Sayeh, le représentant du ministère public réajuste sa fine paire de lunettes, prend soin de bien fixer le duo d’adversaires, le temps du procès et laisse échapper sans sourire: «L’affection, l’amour et la passion mènent souvent au bonheur. Aujourd’hui, nous avons deux jeunes qui ont mis ces trois grands mots en sous-mandat de dépôt et laissé la bêtise s’exprimer. Qu’y a-t-il dans ce dossier? Simple comme bonjour», a dit entre les mâchoires le parquetier avant d’aller au fond: «L’inculpé ne s’est pas rapproché de cette jeune étudiante par amour.

C’est la bague qui l’a poussé à jouer la comédie d’un rapide coup de foudre», a ajouté le représentant de la société au nom de laquelle, il va réclamer une peine de prison ferme de trois mois pour ce jeune délinquant primaire, «histoire de lui apprendre de ne plus jouer avec les sentiments des autres pour s’approprier un bijou qui ne lui appartient pas». La juge invite alors la défense...


Visiblement intéressée par l’affaire, l’avocate du prévenu s’en prend à la victime: «C’est une étudiante. Elle n’est ni bête, ni sotte, ni rien. Il n’y a aucune escroquerie. Ils se sont appréciés. Il lui a donné le numéro de téléphone de son portable et jamais son nom de famille. C’est une liaison qui a été étouffée dans l’oeuf. Ce n’est pas une liaison conjoncturelle», a sifflé l’avocate décidée à tout.


Puis elle revient un instant sur le pseudo-délit d’escroquerie car il n’avait rien à lui offrir ni encore moins à lui donner.


«C’est un pauvre mec démuni, à la limite du misérabilisme» (la victime rigole et l’inculpé lève la main pour protester). C’est la présidente qui va faire cesser les hostilités en mettant en examen le dossier jusqu’à la fin d’audience et elle annonce la relaxe au bénéfice du doute.
Ah! ces liaisons langoureuses, mais dangereuses...

Abdellatif TOUALBIA

A quoi joue l’OMS?

Si l’on devait faire un bilan de la grippe porcine depuis les premiers cas signalés au Mexique et aux Etats-Unis en avril dernier, on remarquera qu’elle n’aura fait que du bruit. C’est l’OMS qui orchestre et rythme le tapage. C’est toujours l’OMS qui a «escaladé» tous les niveaux d’alerte pour atteindre le niveau 6 (le dernier) en moins de quelques semaines. C’est encore cette même organisation qui vient de déclarer le virus H1N1 dominant dans le monde. Ce qui signifie que le vaccin de la grippe saisonnière sera délaissé au profit de celui de la grippe A. Ce qui veut dire aussi que dans certains pays il n’y aura ni l’un ni l’autre sachant que le premier ne sera pas fabriqué et que le second vaccin de la grippe A ne sera d’abord servi qu’aux plus puissants.

Un vaccin dont personne ne sait s’il sera administré en une ou deux doses mais qui n’empêche pas la ministre française de la Santé de déclarer avoir reçu une première livraison sans en préciser la quantité.


D’autre part, aux Etats-Unis un décret exécutif vient d’être signé et accorde l’immunité aux laboratoires produisant les fameux vaccins contre d’éventuelles poursuites judiciaires. Bizarre, non? Si des poursuites judiciaires sont à craindre c’est qu’il n’est pas exclu que le vaccin fasse lui-même des dégâts. D’où le grand débat entre vaccination obligatoire ou pas.


On a la désagréable impression que l’OMS joue actuellement à attiser la peur par ses communiqués jamais rassurants mais plutôt volontaristes «enveloppés» au nom du principe de précaution. Le plus inquiétant est que l’arrêt de la fabrication du vaccin de la grippe saisonnière permettra de gonfler les statistiques des victimes de la grippe A. Bien malin, en effet, celui qui pourra faire la différence entre les deux grippes. Mais on prendra toujours celle qui fait peur. Pour l’anecdote, même les dindes n’y ont pas échappé. Celles du Chili ont été malades du virus H1N1. Il est fort à parier que les chrétiens passeront Noël sans dinde.


Alors qui croire? Que comprendre? Où s’arrête l’information et où commence la manipulation? Dans quel but? Il est prévu une deuxième vague du virus, puis une troisième. Comme autant de coups de boutoir. La seule chose dont on peut être sûr est l’impact économique du virus. Dès l’automne, tout proche d’ailleurs, il faudra s’attendre non seulement à voir des écoles fermées pour cause d’épidémies mais assister surtout au ralentissement des économies de tous les pays pour cause d’absentéisme dû à la grippe A. Aux dernières nouvelles il paraîtrait que la directrice de l’OMS est en train de réfléchir avec ses collaborateurs sur le meilleur moyen d’ajouter un niveau supplémentaire à l’alerte mondiale. Histoire de faire encore plus peur.

Zouhir MEBARKI

Imagine !

Après les Étas-Unis, la France et d’autres nations, l’Algérie est en train de négocier avec les autorités helvétiques un accord visant à lever le secret bancaire sur les comptes de nationaux dans les banques suisses.

Non, ne vous affolez pas ; ce n’est qu’un canular que nous démentons tout de suite ! Ce n’est pas pour demain que ce genre d’imprévus vous surprendra. Et le fils de ministre qui le désire peut continuer à faire des excès de vitesse dans sa limousine sur les avenues de Genève avec vingt mille euros d’argent de poche dans la boîte à gants.

Et ne rêvez pas, vous autres ! Ce n’est pas demain que, dans notre système, l’on confondra un pair pour avoir expatrié sa part de prébende. D’ailleurs l’argent est goulûment moissonné pour être dépensé ailleurs. Le pays a été volontairement ramené à un état de sous-développement avancé en matière de qualité ; il n’a pas eu les investissements ni les libertés qui lui permettraient de profiter de la prodigalité de ses rentiers. Les vigiles lâchés contre la société achèvent d’en faire un désert culturel et de loisirs. Le beau, le bon et l’utile, il faut aller le chercher à l’étranger. C’est pour cela que nos parrains, qui disposent de l’argent du sous-sol national, commencent par ouvrir un compte aux bons endroits avant d’envoyer leurs héritiers apprendre à jouir de la modernité dans ces lieux-là.

Et malgré cette politique de terre brûlée, de sous-sol asséché plus exactement, nos tuteurs fatals ne comprennent pas que les enfants de pauvres prennent le chemin de la harga et les mettent en prison quand ils en réchappent. Il n’y a pas que le chômage qui les accule au large : même avec un travail rémunéré, ils n’ont rien à espérer, tout étant soit inaccessible, soit introuvable, soit “la yadjouz”.

Cela dit, l’Algérie, n’est-ce pas mieux que la Suisse en matière de fonds secrets : on n’a même pas besoin d’y ouvrir un compte pour s’asseoir sur sa fortune : les sachets noirs, qui servent légalement aux mouvements et aux dépôts de capitaux, suffisent à… blanchir les fortunes douteuses. Il paraît, d’après certains comptes rendus d’affaires de détournement, qu’on a vu de l’argent se déplacer par bennes de camions. On n’a pas besoin de demander un chéquier et on n’a pas de raison d’avoir une carte bancaire ; on n’a donc même pas besoin d’ouvrir un compte pour prospérer.

Des affaires de malversations, notamment celles entourant le programme de financement du développement agricole dit PNDRA, font régulièrement la “une” des journaux sans que cela ne perturbe ni les concernés ni les institutions. Comme dans le cas de l’affaire BRC ou autres, la caravane de la rente passe.
Non, ce n’est qu’un canular. De ce côté, rien à redouter pour les uns ; rien qui puisse les réjouir, pour les autres.
Au contraire, voici la bonne nouvelle pour les fortunés algériens, numérotés ou pas, des banques suisses : l’Algérie a ratifié, le 31 décembre 2008, “la convention entre le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et le Conseil fédéral suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune” qui avait été paraphée à Alger le 3 juin 2006.

Mustapha Hammouche

Régulation

Tous les spécialistes sont unanimes à dire que l’ouverture de notre marché, après des années de monopole étatique, ne s’est pas accompagnée d’une mise en place de mécanismes de contrôle et de régulation, lesquels, faut-il le souligner, existent dans les pays du libre marché.

D’abord une parenthèse pour rappeler que ce membre du gouvernement a eu droit, l’année dernière à la même période, au même procès. Et, visiblement, les enseignements n’ont pas été tirés cette année puisque le citron, pour ne citer que l’exemple de cet agrume tant désiré, caracole à 350 dinars sur les étals ! Qui dit mieux ? Faut-il pour autant lui faire porter le chapeau d’une telle situation ? Sûrement pas, car la situation du marché, dont les prix ne sont qu’une conséquence, est dans une telle désorganisation, une telle déstructuration qu’il faut bien plus qu’une gueulante présidentielle, fût-elle de bonne foi, pour y mettre de l’ordre dans la logique.

Tous les spécialistes sont unanimes à dire que l’ouverture de notre marché, après des années de monopole étatique, ne s’est pas accompagnée d’une mise en place de mécanismes de contrôle et de régulation, lesquels, faut-il le souligner, existent dans les pays du libre marché. Chez nous, ce sont les intermédiaires, constitués en chaîne, et les barons de l’informel qui faussent les règles de l’offre et de la demande. Par conséquent, il serait vain pour les pouvoirs publics de vouloir sévir en organisant des descentes inopinées des agents de contrôle. La solution doit se situer en amont.

À propos, quid du projet de la création de quatre marchés de gros à vocation nationale ? Ces marchés avec d’autres structures de même nature au niveau régional, articulés à d’autres mécanismes, sont effectivement de nature à apporter la régulation au marché des fruits et légumes et à neutraliser les intervenants parasitaires qui faussent les règles du jeu. En somme, il s’agit non pas de contrôler les prix, qui restent libres, mais le marché sur lequel l’État est en devoir d’exercer sa puissance.

Le ministre du Commerce, qui se retrouve malgré lui en première ligne en ce mois de Ramadhan, assimilé à tort à ripaille et bombance, s’est fait vertement tirer les bretelles par le président Bouteflika. Principal grief retenu contre l’infortuné Hachemi Djaâboub : son incapacité, en tant que premier responsable du secteur du commerce, à endiguer l’envolée subite des prix sur les marchés.

Omar Ouali

Chaque doigt avec un métier !



Par Hakim Laâlam
Email : laalamh@yahoo.fr
Algérie. Le seul pays au monde où l’on distribue des couffins d’aide à une population qui ne compte pas de pauvres.

Allez ! Va comprendre !

Qui a dit que les Algériens, les hommes, sont des machos invétérés qui répugnent à certaines tâches que l’on assigne «habituellement» aux femmes ? C’est totalement ridicule ! Les hommes de mon pays accomplissent ces tâches-là admirablement. Il suffit juste de les mettre en contexte. Tenez ! Hier, en pleine rue, à la lisière d’une place fort fréquentée de la capitale, j’ai de mes yeux vu un homme cuisiner. En public. Et sans que cela provoque scandale, sans qu’il se fasse lapider ni étriper. L’homme, affublé d’un tablier très seyant, les cheveux et les ongles coupés ras, le visage rasé de frais, mitonnait amoureusement des boureks sur la place publique. Face à lui, des badauds en nombre le regardaient tout aussi amoureusement malaxer sa viande hachée, couper menu ses oignons, ses poivrons et ses herbes et concasser ses olives. D’une main alerte, habile et presque frêle, il saisissait une feuille de dioul, la plaçait bien à plat sur son espace de travail improvisé et s’employait à l’enduire délicatement, avec poésie, d’une fine couche d’huile d’olive dont la teinte verte révélait la noblesse. Et plus l’homme enduisait la feuille de dioul d’huile, plus l’assistance, composée exclusivement d’hommes, était captivée. J’ai même vu deux ou trois frères barbus fermer les yeux de plaisir, au bord de l’extase. Sur un petit réchaud décoré de jolis motifs fleuris, notre cuistot faisait à présent chauffer à feu doux de l’huile de cuisson versé doucement, par lampées afin de ne pas saisir la poêle, de ne pas la brusquer dans son feutré chuintement. Et que vous dire de l’accueil quasi triomphal, de la standing ovation que fit l’assistance lorsque l’homme entama lentement la plongée, un à un, lentement des boureks dans le bain d’huile ? Un empastillé à la barbe drue, aux sourcils sévères et au kamis immaculé fondit littéralement en larmes. Les hommes étaient en communion sur ce bout de trottoir autour de l’un d’eux, l’un des leurs, un homme, un mec, un vrai, drapé dans un tablier et qui cuisinait. Bon Dieu ! Mais pourquoi donc ne cuisinent-ils pas le reste de l’année ? Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.


H. L.

Ceux du banc de touche

Farouk Hosni est un ministre de la Culture, sans doute controversé, mais reconnu dans son pays, l'Egypte. Cependant, sa candidature à l'Unesco a suscité une violente campagne d'hostilité chez une partie des opposants à Hosni Moubarek. La candidature de Farouk Hosni à la direction générale de l'Unesco est appuyée par la majorité des pays arabes, dont l'Algérie.

Comme nul n'est prophète en son pays, l'Algérien Mohamed Bédjaoui a été prié de ne pas concurrencer le candidat de Moubarek. On lui a donc enjoint d'aller voir ailleurs s'il n'y avait pas une sinécure de préretraite disponible. Car, désespérant de voir le gouvernement qu'il a servi et resservi parrainer sa candidature, Bédjaoui a voulu jouer les «freelances». Il a déposé son dossier de candidature presque en catimini, et avec le soutien et le parrainage du... Cambodge. Pour accéder à la science, allez s'il le faut jusqu'en Chine ! Mohamed Bédjaoui s'est conformé à ce précepte, mais, connaissant les relations sinoalgériennes, il n'a pas poussé jusqu'à Pékin. Colère des Egyptiens qui ont vu, dans cette candidature inattendue, un danger pour leur étalon (1) et un coup de Jarnac des Algériens. Nos dirigeants se sont empressés de clamer leur innocence, à leur manière habituelle : ils ont jeté Bédjaoui dans la fosse aux hyènes. Pour s'en sortir, le pauvre Bédjaoui, qui a trop servi, s'est résigné à se retirer de la course à l'Unesco.

Les Algériens auraient pu plaider la cause de leur concitoyen en plaidant sa compétence, sa renommée internationale, etc. Avec un peu de mansuétude, ils auraient pu invoquer l'âge avancé de Mohamed Bédjaoui, mais allez donc savoir... Le pire, c'est que l'homme soit éjecté à ce moment de sa vie, c'est-à-dire sans grand espoir de revanche (2). Toutefois, Farouk Hosni ne s'est pas contenté d'épingler à son tableau de chasse la tête à barbichette de l'Algérien Bédjaoui. Il a fait en sorte d'étouffer le fracas des protestations internes ou d'en détourner le sens. L'idée de génie, et Farouk Hosni est doué, c'est de jeter en pâture, à la meute des opposants, une victime désignée, un bouc émissaire. C'est ainsi qu'il a fait décerner à l'historien Sayed Qimni la plus haute distinction que l'Etat réserve aux intellectuels et aux chercheurs.

Ils sont trois à avoir obtenu cette distinction ex aequo, mais seul Qimni, le laïc, l'adversaire acharné des intégristes, a été pris pour cible. Ce sont les avocats et les journalistes de la mouvance des Frères musulmans qui ont lancé la chasse à courre. Qimni, qui a privilégié l'Histoire au détriment de la mythologie islamiste, a essayé des projectiles de tous calibres, dont des fatwas de mort émanant de fonctionnaires d'Al-Azhar. Au fil des jours et des semaines, la campagne a enflé et a drainé d'autres voix hostiles.

Délaissant l'œuvre de Qimni, on a fouillé dans son passé d'étudiant et remis en cause la réalité de son diplôme de doctorat, obtenu à l'Université du Qatar (3). Jusuqu'ici, Sayed Qimni s'est tenu coi, en dépit de la persistance des attaques. C'est ce qui a sans doute découragé les velléités de certains de ses amis égyptiens, gênés par son silence. Seul le magazine web Middle East Transparency a lancé une campagne de solidarité avec l'historien. Il compare volontiers Qimni au penseur égyptien Farag Fodda, assassiné par les islamistes en juin 1992. L’un des rares écrivains à prendre fait et cause pour Qimni a même conseillé à ce dernier de quitter l'Egypte pour éviter de subir le sort de Farag Fodda(4).

Ce sommet de l'absurde a été atteint lorsqu'un «cheikh» cathodique s'est lancé lui aussi dans la curée. Interrogé par un animateur qui lui demandait ce qu'il avait lu de Qimni, il a répondu d'un air méprisant : «Je ne lis pas ce genre d'insanités. » Oui, en 2009 et dans le monde arabe, on brûle des livres sans les lire et on condamne des auteurs sans rien connaître de leurs œuvres. La phobie du livre a atteint un tel niveau en Égypte que le Centre culturel britannique au Caire a pris la décision de fermer sa bibliothèque, après soixante-dix ans de présence. L'attaché culturel britannique a expliqué laconiquement la décision en ces termes : «Les Egyptiens ne sont pas un peuple ami de la lecture.» La fermeture de la bibliothèque britannique au Caire n'aura pas, dans l'Histoire, l'impact de l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, mais sa justification si.

Dans l'immédiat, il faut relever la réaction émue de notre confrère du quotidien Al-Misri- Alyoum, Adel Senhouri. Ce dernier estime qu'il ne faudra pas s'étonner si, à l'avenir, d'autres centres culturels, comme l'allemand Goethe ou l'espagnol Cervantès, ferment leurs portes. «Pourquoi s'étonner alors que le pays qui a fondé la bibliothèque d'Alexandrie a renoncé volontairement ou pas à tout ce qui faisait sa grandeur, notamment sa culture et ses livres», écrit-il avant d'ajouter : «Le chagrin est inutile lorsqu'on sait qu'un enfant, chez nous, consacre sept minutes par an à la lecture alors que l'enfant européen lui en consacre six par jour. Nous ne devons rien reprocher à nos pauvres enfants, sachant que nous consacrons moins de 400 livres par an à l'enfant. Alors que l'Europe lui en consacre plus de 6 000 et que les Etats- Unis éditent pour lui plus de 13 000 livres.»

Dans le quotidien concurrent cairote, Echourrouk, l'écrivain Ala Aswani(5) aborde le même thème de la décadence culturelle de l'Egypte. Pour lui, la seule explication au déclin du pays et à la fuite des cerveaux égyptiens, c'est la tyrannie. Sous le titre «Le peuple du banc de touche», l''écrivain compare les Egyptiens à des joueurs de football doués, mais peu appréciés par l'entraîneur, en l'occurrence le pouvoir.

«L'entraîneur, dit-il, n'utilise jamais ces joueurs qu'il n'aime pas. Il préfère désigner de mauvais joueurs en méforme qui perdent tous leurs matches. Seulement, dans les équipes de football, un joueur a le droit de rompre son contrat s'il reste plus d'un an comme remplaçant. Tandis que l'Egypte entière est assise sur le banc de touche depuis trente ans. Elle subit des défaites et des revers sans pouvoir s'y opposer. Est-ce que ce n'est pas un droit, voire un devoir, pour l'Egypte de rompre son contrat», affirme Alaa El Aswany. Voilà qui devrait inspirer l'ambassadeur Mohamed Bédjaoui, lorsqu'il assistera de son banc de touche à la probable élection de Farouk Hosni à la direction générale de l'Unesco. Il n'est jamais trop tard !


A. H.

(1) Le mot étalon est venu spontanément, je le jure, et je n'ai pensé aux mœurs sexuelles de Farouk Hosni qu'une fois que le mot m'est apparu imprimé.
(2) Si Dieu lui prête vie, il pourra toujours arpenter les allées des cimetières, en suivant l'enterrement de ses ennemis. Ça vous requinque, quelque part, de voir partir les autres, ceux dont on craint qu'ils nous survivent.
(3) Etrangement, l'Université du Qatar n'a ni confirmé ni démenti. Seul Karadhaoui, citoyen qatari, a nié l'existence de ce doctorat, tout comme il a rejeté l'œuvre de Qimni dans sa totalité.
(4) Je rappelle, et je le referai inlassablement, que seul l'écrivain Tahar Djaout a pris l'initiative de lancer une pétition condamnant l'assassinat de Farag Fodda dans l'hebdomadaire Algérie-Actualité.
(5) Autre originalité des chroniques de Alaa El Aswany, elles se concluent toujours par cette formule : «La démocratie, c'est la solution.» Ceci, par opposition au slogan «l'Islam, c'est la solution», utilisé par les Frères musulmans.

Secret-défense

La justice française n’entend pas, selon toute vraisemblance, lâcher le morceau dans l’affaire de l’assassinat des moines de Tibhirine exhumée 13 ans après, à la suite du témoignage de l’ancien attaché militaire à l’ambassade de France à Alger, le général François Buchwalter, mettant en cause explicitement l’armée algérienne. Selon des indiscrétions de la presse française, le juge d’instruction français en charge de ce dossier vient de saisir les ministères de souveraineté français (Affaires étrangères, Défense et Intérieur), leur demandant de lever le secret-défense lié à cette affaire.

Compte tenu des remous suscités par ce dossier au sein de la classe politique française et de sa surmédiatisation au sein de l’Hexagone, il apparaissait clairement que cette affaire n’allait pas s’arrêter aux commentaires et insinuations des médias, à un débat franco-français. Interpellé par ce débat, le président français, Nicolas Sarkozy, avait pris des engagements solennels devant l’opinion française pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire, évoquant pour la première fois publiquement la possibilité de la levée du secret-défense et égratignant au passage l’Algérie par des déclarations aux accents franchement sentencieux.

Le cheminement suivi par ce dossier, passant d’un débat polémique politico-médiatique à une affaire d’Etat, ne laissait planer aucun doute quant à la levée rapide en France du secret-défense lié à cette affaire, au risque de voir le président Sarkozy éclaboussé politiquement par le traitement de ce dossier.

Il faudra s’attendre, dans les jours et semaines à venir, à une accélération des événements. Le juge d’instruction français a déjà établi une première feuille de route, à en croire les révélations de la presse française. Des personnalités françaises, d’anciens militaires algériens déserteurs, réfugiés à l’étranger et ayant des accointances avec le parti dissous, figurent sur la liste des témoins auxquels s’intéresse le juge Marc Trevidic.

Au-delà des investigations qui seront menées en France et dans certains pays européens où résident les témoins algériens que le juge français voudrait auditionner, il reste à savoir si le magistrat français s’est imposé des lignes rouges à ne pas franchir.

La mise en place d’une commission rogatoire, inscrite dans l’ordre naturel de la procédure judiciaire et qui aura pour mandat d’enquêter en Algérie, est-elle politiquement réaliste et réalisable compte tenu du caractère sensible des relations algéro-françaises et des bonnes relations existant entre le président Sarkozy et Bouteflika ?

Si une telle demande venait à être formulée, quelle sera la réaction de l’Algérie ? Une chose est certaine : cette affaire réunit tous les ingrédients d’une crise politique annoncée entre Alger et Paris avec toutes les conséquences que cela impliquerait sur les relations bilatérales.

Par Omar Berbiche