vendredi 6 septembre 2013

Acte de gestion : une pénalisation politique

“L’État protègera les cadres”, a promis le Premier ministre. Il se trouvera que l’acte de gestion dont la dépénalisation fait débat depuis le milieu des années 1990 est toujours un acte à risque pénal. Comment l’État s’y prendrait-il alors pour défendre ses cadres contre la loi tout en entretenant leur précarité judiciaire ?

Certes, à défaut d’indépendance de la justice, le pouvoir, en même temps qu’il est la première source d’abus, constitue le dernier rempart contre cet abus. Il peut, à juste titre, dire : l’État c’est moi et la loi c’est moi. Cette préséance du pouvoir sur le droit se confirme tous les jours, sous nos yeux. Et si nous ne sommes pas égaux devant la loi, c’est en fait parce que nous ne sommes pas égaux aux yeux du pouvoir.

Alors, peut-on créer un climat de sérénité dans le monde de la gestion et parmi l’encadrement national sur la base d’une simple promesse d’équité d’un pouvoir, fut-il omnipotent ? Cette démarche, qui fait dépendre le salut de leurs auteurs de la bonne volonté du pouvoir et non de la loi, est plutôt productive de l’insécurité pour les cadres : si l’autorité politique peut les défendre contre les effets d’une loi paradoxale, elle peut tout aussi bien s’en servir pour sévir contre eux. C’est ce qui est arrivé dans les années 1990 lorsqu’on assista à une campagne de poursuites contre des dirigeants des entreprises publiques avant que ces derniers ne furent mis hors de cause, parfois après plusieurs années d’emprisonnement. Pire, dans le cas de Khalifa, la pénalisation de l’acte de gestion a permis de charger le “niveau de gestion” de tout le poids de la forfaiture et de décharger le“niveau politique” de ses responsabilités. C’est ce qui aurait pu arriver dans l’affaire Sonatrach, si la justice italienne ne nous avait pas, involontairement, mis en devoir de voir plus haut.

Lorsque le pouvoir a voulu rassurer les terroristes contre d’éventuelles poursuites judiciaires, il s’est suffi de leur promettre l’impunité. Il a changé la loi de sorte à mettre à l’abri les soi-disant repentis hors de portée de la justice en “dépénalisant”, en quelque sorte, les actes de terrorisme, par la voie légale la plus solennelle. Et pour bien moins grave, les gestionnaires devraient retrouver le goût du risque sur simple promesse de bienveillance ?

La pratique répressive en matière de gestion, comme en d’autres domaines, est d’abord une pratique de protection du régime. C’est en cela que l’autorité ne peut se départir de tels instruments de mise au pas de catégories sociales qui, par nature, sont constitués d’acteurs sociaux actifs. Les représentants du pouvoir reconnaissent, à l’occasion, le caractère contreproductif de cette pénalisation qui… pénalise l’économie, la société et les institutions en muselant l’initiative de nos managers. Mais ils ne peuvent se départir d’instruments qui leur permettent de tenir en respect l’initiative managériale et de centraliser, dans les faits, le pouvoir économique.

La pénalisation de l’acte de gestion ne procède pas de la défense des intérêts économiques du pays : la preuve en est qu’il n’y a jamais un tel niveau de détournements et de corruption que depuis sa mise en œuvre judiciaire. C’est plutôt une mesure d’intérêt politique.

Mustapha Hammouche

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