jeudi 22 octobre 2009

Société et écran politico-médiatique

Toutes les chaînes du monde retransmettent depuis avant-hier les images des violentes émeutes de Diar Echems. Toutes sauf la chaîne nationale, clonée en chaînes linguistiques et thématiques.

Pourtant, de la fenêtre du siège de l’ENTV, on pouvait certainement voir les nuages de gaz lacrymogène et entendre le vacarme des manifestations qui parviennent du quartier soulevé. Mais à l’Unique, on préfère sûrement fermer les volets et tirer les rideaux pour mieux se concentrer sur les activités salutaires du pouvoir.

Tout se passe comme si le peuple, mineur, ne devait pas être atteint par une information sur des faits, mineurs eux aussi, mais qui risquait de déformer son jugement sur la gestion qu’on dit exemplaire des affaires de son pays. À propos, et en principe, les évènements, malheureux, certes, arrivaient à point nommé pour ouvrir un débat sur la question de la politique du logement. La veille de ce début des agitations, le ministre de l’Habitat annonçait que le programme du million de logements venait d’être dépassé de cinq pour cent. Il aurait été judicieux de s’interroger pourquoi une politique aussi ambitieuse et aussi hardiment menée débouche sur des émeutes du toit.

Au lieu de cela, on fait comme cet adolescent du film Good bye Lénine. Il passait à sa mère qui, malade, n’a pu accompagner l’évolution de son pays, des vidéos de JT d’avant la chute du mur de Berlin pour qu’elle n’ait pas à constater que l’Allemagne n’est plus communiste et tirait les rideaux de sa fenêtre pour lui cacher l’immense panneau publicitaire de Coca-Cola qui couvrait la façade de l’immeuble d’en face.

Chez nous, pas besoin de subterfuges pour rassurer les nostalgiques du parti unique ; l’ENTV le fait pour tous. C’est à se demander pourquoi avoir transformé l’office de la RTA en entreprise de TV ! À se demander même pourquoi avoir investi dans la couleur, alors que, pour le reste, elle a tout d’une télévision brejnévienne.

La presse écrite, marginale du point de vue de son impact, elle-même gagnée par l’autocensure alimentaire, compense comme elle peut le monopole totalitaire de l’audiovisuel. Mais les deux médias n’y gagnent rien ! Ils y ont perdu leur crédibilité. On ne regarde pas l’ENTV pour s’informer : parmi la multitude de chaînes que le génie des Algériens et leurs moyens leur permettent, elle est réservée aux sketches, à la météo et au championnat de football.

Les journaux sont lus avec la méfiance qui s’applique à l’informateur suspect.
Au moindre chuchotement, les curieux zappent sur les chaînes internationales pour confirmer ou infirmer les nouvelles du pays. Pendant ce temps-là, la télévision et la radio publiques, et la presse écrite “indépendante” que nous sommes, sont faits pour renvoyer à ce pouvoir cette illusoire image qu’il croit distiller au peuple.

Dans ce faux huis clos, il est à craindre que celui des deux, le quidam et le pouvoir politico-médiatique, qui est leurré n’est pas celui qu’on croit. Il est surtout à craindre qu’à son tour leurré par des médias qui lui font… écran devant la réalité, il ne l’apprenne que trop tard.

Par : Mustapha Hammouche

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