lundi 26 octobre 2009

Un quant à soi s’il vous plaît !

Si Sarkozy considère que la France doit cesser de demander pardon, après l’avoir fait pourtant pour bien d’autres crimes, c’est qu’il estime que la colonisation de l’Algérie ne le mérite pas. Car cette posture du président français vise l’Algérie, c’est très clair. Mais pourquoi ? Relevant du symbolique, en quoi la repentance pour des crimes commis par un système colonial aujourd’hui révolu, gênerait-elle un pays comme la France ? Il faut en rechercher les causes dans le politique et nulle part ailleurs.

On peut supposer que Sarkozy vise un électorat précis, mais l’hypothèse est hasardeuse en périodes non électorales comme c’est le cas actuellement. L’art de la politique des gouvernements français envers leur ancienne colonie consiste à créer des problèmes superflus pour les négocier ensuite contre des intérêts bien évidents. Chirac voulait un «partenariat stratégique» avec l’Algérie pour l’intégrer tout à fait à sa zone d’influence maghrébine. Il aurait pu faire un geste de repentance si, par prudence, ses interlocuteurs algériens n’avaient pas jugé plus opportun d’attendre sa succession.

Ils s’étaient contentés de dénoncer la loi sur les «bienfaits» du colonialisme pour légitimer leur prudence. Cette loi n’existait plus à l’arrivée de Sarkozy, mais l’enjeu de mémoire avait émergé. L’Algérie tenait un argument qu’elle n’entendait plus lâcher : inverser les «bienfaits» en méfaits. La repentance devenait une logique de la relation politique. Sarkozy a cru bien faire en s’emparant de cet argument pour le retourner en sa faveur. Son refus de la repentance équivaut à une carte entre ses mains qu’il ne lâchera que contre des concessions, notamment économiques, algériennes.

Ce en quoi, il se trompe. Bouteflika, tout ancien moudjahid qu’il fut, est un homme politique aussi. Il ne fera pas de concession pour obtenir une repentance dont il sait que, dans la complexité du système politique français, elle n’aurait qu’une valeur relative et symbolique. Sarkozy croit avoir en main une carte qu’il n’a pas en réalité. Bouteflika fait semblant de vouloir une carte dont il n’a que faire en réalité.

Qui est en position de force – on parle naturellement ici d’économie seulement, de ce qui détermine en dernière instance, comme dit l’autre ? Celui qui possède du vent, ou celui qui fait semblant de vouloir du vent ? Imaginons que tout à coup Sarkozy accomplisse ce geste qui lui est demandé – et par qui vraiment lui est-il demandé en fait ? Deviendrions-nous des amis ? Peu probable. Il n’y a pas d’amitié dans les relations internationales, il n’y a que des intérêts bien compris. Après la repentance, la réparation par exemple. Et après la réparation, les modalités de la réparation.

Ainsi de suite. Le piège est là, mais il n’est rien à côté de la situation où risque de se retrouver l’Algérie s’il advenait qu’elle renonce à son exigence de repentance. Autant dire qu’elle renoncerait à sa mémoire, cette mémoire qui fait que quand on n’est pas assez malin dans ce monde infesté de requins, quand on ne sait pas signer ou faire appliquer un bon contrat (voir l’épisode de la Société des eaux par exemple), il vaut mieux avoir un quant à soi comme issue de secours. Le cave se rebiffe, disait le titre d’un polar.

A. K.

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