lundi 26 octobre 2009

Salon du livre et censure de livres

Un commando au domicile d’un auteur ? C’est ce qui est arrivé à Mehdi El-Djazaïri qui vient d’écrire un livre intitulé Poutakhine. Ainsi va la répression dans le pays du Sila. À l’un, on envoie la police, à l’autre, on dépêche la radio à domicile pour la promotion de l’œuvre convenable.

L’assaut contre la paperasse et les supports électroniques de Mehdi El-Djazaïri, à la veille du ronflant “Salon international du livre d’Alger” pose la question de l’utilité ou, peut-être, de la fonction d’une telle manifestation. On remarquera que la coïncidence d’un acte de censure littéraire et de la préparation du fameux salon est récurrente. Même si, cependant, les méthodes changent.

Au manuscrit de Benchicou fut appliquée ce qu’on pourrait appeler la tactique de la “défense avancée”, ce système inventé par Derouaz pour la glorieuse équipe nationale de handball de la bande à Lamdjadani. C’est loin en amont, avant son impression, qu’on intercepte le livre indésirable. C’était, disait la ministre de la Culture, pour éviter la prison à son auteur, et pour nous éviter de mauvaises fréquentations littéraires.

Cette fois-ci, l’imprimatur, qui a fait grand bruit, a été abandonné pour une espèce de post-censure… d’avant-salon.

À quoi sert donc un salon du livre dans un pays qui, plus qu’il ne pourchasse les idéologies de la haine, pourchasse l’écriture pour y déceler le conforme et le subversif ? En principe, une exposition de livres sert à encourager la lecture. Et donc… l’écriture.

Mais, apparemment, le Salon d’Alger n’a pas tout à fait cette vocation. Certes, il se vante d’accueillir les catalogues complets de grandes maisons d’éditions étrangères ; ce qui veut dire que nous sommes invités à lire tout. Tout sur la France, sur l’Europe, l’Arabie et même sur l’Au-delà. Mais sur l’Algérie, il y a d’abord la prélecture du pouvoir qui sélectionne ce qui, à notre âge, est lisible.

Ce n’est donc plus le rôle pédagogique d’un salon que joue le Sila, mais plutôt une fonction de sélection de la bibliothèque de l’Algérien. Subsidiairement, il complète la liste des manifestations de prestige, tous ces festivals, foires, colloques, symposiums budgétivores qui, pour la visibilité du régime, suppléent la défaillance en termes de réalisations.

À peine mille exemplaires de ce livre recherché ont été tirés, que déjà sont lancés à ses trousses les grands moyens ! Le test devrait être pourtant rassurant : il n’y pas de lecteurs. Si l’on excepte, la lecture des livres sacrés et des catéchismes, l’Algérien ne lit plus, sinon quelques survivants d’une espèce en voie de disparition. L’École fondamentale a fait son œuvre, et sauf des individualités, elle a produit des générations d’Algériens qui ne lisent plus et qui se contentent d’écouter et de répéter.

Pourquoi donc s’inquiéter de lecteurs quinquagénaires en sursis quand on a formé des générations sur le modèle du système : savoir réussir en montrant qu’on n’a pas d’autre idée que celle du chef.

Demandez-vous : à quoi servira le Salon du livre d’Alger, demain, quand il n’y aura rien à censurer ?

Par : Mustapha Hammouche

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire