Je propose pour cette fois-ci une lecture différente du projet de loi de finances pour 2010 (LF 2010) de celle généralement développée dans la presse et autres médias. Premier élément d’analyse que je privilégie en ces temps de crise : le niveau du déficit budgétaire rapporté aux ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR). Commençons, pour ce faire, par rappeler les prévisions de dépenses : un budget d’équipement de 3 332 milliards de DA soit 45,6 milliards de $ et un budget de fonctionnement de 2 837,9 milliards de DA soit 38,8 milliards de $. S’agissant des recettes budgétaires totales, elles s’élèveront à 3 081,5 milliards de DA, soit 42,2 milliards de $. Sur ces bases, le déficit budgétaire s’élèvera à peu de choses près au montant de ces mêmes recettes budgétaires.
Ce déficit sera compensé par le FRR qui sera fortement mis à contribution. La première conséquence qui en résultera est que les ressources du FRR seront entamées plus rapidement que prévues en début de crise. La deuxième conséquence est encore plus problématique car elle porte sur les délais de reconstitution d’une partie ou de la totalité de ces ressources, reconstitution sans laquelle il sera plus difficile de soutenir le rythme d’investissement annoncé pour les cinq prochaines années. Ce dernier point est problématique car il dépendra de la tenue des cours pétroliers durant l’année 2010 et j’aurai l’occasion d’y revenir prochainement en proposant des scenarii sur la base de simulations appropriées. D’où le fait que la question de la fiscalité ordinaire s’insère à présent dans le champ du court terme et non dans celui plus lointain de l’après-pétrole.
Dans ce registre, j’observe deux faits intéressants. D’abord celui relatif à la structure des ressources mobilisées et allouées : on commence à sortir — bien que timidement — du très classique diptyque : deux tiers de fiscalité hydrocarbures et un tiers de fiscalité ordinaire. Précisons d’abord que nous parlons là des recettes mobilisées et non pas potentielles puisque les recettes provenant de la fiscalité pétrolière sont calculées sur un prix du baril fixé à 37 $ et les excédents calculés sur la base des prix réels du marché sont versés au Fonds de régulation des recettes (FRR). Ainsi sur un total de 3 081,5 milliards de DA, 1 245,7 proviennent de la fiscalité ordinaire et 1 835,8 de la fiscalité hydrocarbures.
Cela donne un ratio de 40,4% de ressources budgétaires provenant de la fiscalité ordinaire et 59,6% de la fiscalité pétrolière. On peut mieux faire en fixant des étapes intermédiaires pour l’évolution de ce ratio : la moitié puis ensuite inverser la tendance avec un tiers de ressources fiscales pétrolières et deux tiers pour les ressources fiscales dites ordinaires. Le deuxième fait observé porte sur un autre repère dont il faudra mesurer l’évolution pluriannuelle. Il s’agit du ratio de couverture du budget de fonctionnement de l’État par les recettes fiscales ordinaires.
En fin d’exercice 2009, il sera de 47% pour redescendre à 43,8% en 2010. Cela montre que l’on fait toujours mieux lorsque la contrainte budgétaire se resserre. Ces pistes donneront probablement du grain à moudre au Conseil national de la fiscalité dont on annonce l’installation prochaine. Mais quoi qu’il en soit une contribution de plus en plus élevée de la fiscalité ordinaire dans le budget de l’État n’est pas concevable sans la diversification de l’économie nationale portée par des stratégies sectorielles et d’abord industrielles efficaces. Ainsi en Europe, les premiers signes de sortie de crise sont d’abord perceptibles dans la reprise industrielle manufacturière malgré un euro à 1,5 $.
Chez nous, cette même LF 2010 prévoit de nouveaux mécanismes d’accompagnement financier pour les PME avec une diminution de la pression fiscale. Mais la suppression de la procédure bancaire de la remise documentaire et le choix du mieux-disant en matière de concession foncière seront autant de questions ouvertes que les représentations patronales inscriront probablement à l’ordre du jour de la prochaine tripartite d’autant que leurs entreprises devront mettre la main à la poche en matière de revalorisation du SNMG pour lequel l’État a déjà fait une provision de 230 milliards de DA.
Dans le même ordre d’idées, le ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements annonce la mise en place prochaine de huit champions industriels en commençant par le groupe cimentier, qui devra en priorité réorganiser le marché, et de la mise à niveau de 3 000 entreprises privées. C’est toujours bon à prendre pour le secteur réel. Quant au reste du monde, loi complémentaire des finances pour 2009 ou pas, il continue à vouloir élargir par tous les moyens ses parts de marché en Algérie, à l’exemple de la Turquie qui souhaite un accord spécifique de libre-échange. C’est la loi du business. L’amitié vient après.
Par : Mustapha Mekideche
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