J’ai toujours éprouvé deux sentiments contradictoires envers ce pays si proche et si lointain: un sentiment fait d’admiration et un autre fait de méfiance. Je m’explique: du plus loin qu’il me souvienne, c’est toujours cette image d’épinal qui a émerveillé mon enfance qui s’abreuvait à la lecture de journaux illustrés et de bandes dessinées qui faisaient la part belle aux bandits de grand chemin et redresseurs de torts comme Robin des Bois ou Ivanhoé ou comme Guillaume Tell.
Ce héros national helvète (les Helvètes sont cette famille d’irréductibles Celtes qui n’ont jamais accepté la domination étrangère et je m’étonne que le personnage d’Astérix n’ait pas vécu dans un petit village peuplé d’irréductibles au fond de quelque vallon d’un canton reculé. Il est vrai que Goscinny n’est pas belge et que les nouveaux Astérix sont pour la plupart des artistes français qui fuient le fisc gaulois pour le plus grand bonheur de l’UBS), c’est ce prestigieux arbalétrier qui symbolise depuis des siècles la fierté et la dignité de ces montagnards: il défia le bailli nommé par l’empereur d’Autriche en refusant de se découvrir devant lui et préféra se soumettre au jugement de la flèche, le bailli l’obligea à tirer une flèche sur une pomme posée sur la tête du fils de Guillaume Tell. Il sortit, bien sûr, victorieux de cette épreuve et se vengea plus tard...
Mais, il ne faut pas oublier que Guillaume Tell était un mercenaire. Et la plupart des habitants de ces montagnes s’étaient spécialisés dans le mercenariat. Ils se mettaient au service de tous les souverains d’Europe et monnayaient leur fidélité assez chèrement. Ils assurent jusqu’à présent, d’une manière indéfectible, la garde du Vatican et des institutions de Sa Sainteté. Ils faisaient office aussi de plantons dans certaines administrations, au point que Suisse était devenu synonyme d’appariteur: «Pas d’argent, pas de Suisse!», disait Racine dans «Les Plaideurs».
Mais tout cela était vrai avant que la plus vieille démocratie (et la plus directe, la plus parfaite) ne devienne le coffre-fort du monde entier, mêlant argent propre et argent douteux ou un asile sûr aux exilés politiques comme aux dictateurs chassés par des révolutions.
C’était pour assurer à ses habitants un bien-être durable que les responsables suisses avaient choisi la confortable position d’une neutralité prospère: depuis Napoléon, aucun soldat étranger n’y avait mis les pieds. Et un Suisse me racontait d’une façon cynique la situation de la Suisse durant la Première Guerre mondiale: «Les Français nous fournissaient du fer et les Allemands de la houille et nous, nous fabriquions des armes pour les belligérants.» Cela explique en fait, la cause de la prospérité de certains pays neutres comme la Suède ou la Suisse.
Cependant, certains scandales financiers ont quelque peu écorné la réputation des banques et ouvert un peu le secret légendaire lié aux comptes suisses. Plus près de nous, c’est la vigilance et l’inflexibilité de la justice suisse qui a attiré l’attention de l’opinion mondiale: d’abord l’affaire du fils d’El Gueddafi avec le triste épisode de génuflexion devant le maître de Tripoli. Puis c’est Roman Polanski qui tombe dans le piège des accords d’extradition passés entre les USA et la Confédération.
Mais, c’est surtout le départ précipité de Bouguerra Soltani qui soulève bien plus de questions que l’interpellation du fils de ministre qui se baladait avec 24.000 euros en poche: dorénavant, tous le chefs de parti titulaires ou demandeurs d’agrément ne devront-ils pas faire un tour en Suisse? Histoire de savoir qui en sortira plus blanc que le chocolat suisse.
Selim M’SILI
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