Depuis quelques jours et jusqu’à la mi-décembre, la république de la rente sera aux petits soins avec les obscurs intermittents de la politique. Ces élus locaux (APC – APW) pour lesquels, subitement, rien n’est suffisamment beau pour les amadouer. Clientèle peu farouche, elle est le corps électoral exclusif pour conquérir le très rémunérateur maroquin de sénateur. Une sinécure qui flatte l’ego et ouvre les perspectives d’une retraite dorée. C’est donc une discrète bourse des voix qui se met en place où certaines valeurs ont des cotes que ne possèdent pas les autres.
En clair, la corruption par des dessous de table et autres libéralités est en marche ici et là. Partout ! Sans crainte quant à cette comédie des urnes, le pouvoir ferme les yeux sur ces marchandages peu conformes à l’éthique politique. C’est que les futurs impétrants, délégués des vastes terres, sont pour la plupart d’authentiques vassaux qui ont peu ou prou fait leur preuve. Elus des élus, ils seront estampillés comme des illégitimes au second degré quand on sait que les dernières consultations locales se sont soldées par une abstention massive. Issus des baronnies politiques locales, ils arriveront à l’hémicycle précédés fatalement par quelques réputations peu engageantes.
De celles qui les désignent non pas pour leurs compétences et leur probité mais de leur contraire. Manœuvriers sans scrupules mais avec parrains, ils seraient les seuls à avoir su capter les méandres du jeu dans leur wilaya et notamment avoir été capables «d’arroser» amis, adversaires et jusqu’aux scrutateurs ! Il est vrai que nos «chouyoukhs» ont de qui tenir dans les domaines de la rouerie et la duplicité politicarde.
Dans l’ensemble, ils ont eu la même éducation idéologique. Celle qui les a convaincus que parmi les qualités «majeures» de la militance, il y a l’astuce, le double discours, les reniements, le flair des opportunités, l’entrisme et, enfin, la prédation pour survivre. Ainsi à la médiocrité crasse caractérisant ces «Rastignac» de village s’ajoutera chez eux un appétit vorace de biens matériels. Ils sont par conséquent le produit d’un cheminement politique tout à fait à l’opposé de ce qui était initialement recherché à travers ce bicamérisme institué en 1996.
Un dérisoire détournement d’une assise du pouvoir législatif qui a fini par discréditer cette architecture institutionnelle et démonétiser pour longtemps son rôle de contrôle et censure de l’Exécutif. Bien sûr, on peut en dire autant de nos députés à la différence essentielle que les sénateurs sont des élus «quasi clandestins » dont nul citoyen de base ne retient les noms, voire se reconnaisse en leur délégation à cette fonction. Après quinze années d’existence et globalement trois renouvellements, ne pose-t-il pas de nos jours le problème inhérent à son efficacité ? Dans un récent éditorial ( El Watan du 27 octobre), cet aspect est d’ailleurs clairement exposé. «(...) Il s’agit (...) de s’interroger si le Sénat tel qu’il a fonctionné jusqu’ici (...) a sa raison d’être dans le paysage institutionnel», écrit l’auteur du commentaire.
Cette deuxième chambre, tant courtisée et dont on veut briguer un siège, est en définitive perçue comme une coûteuse officine uniquement destinée à perpétuer le clientélisme du régime. Sa remise en cause a également des prolongements locaux autrement plus sensibles. Ainsi, le critérium du choix des hommes et les magouilles qui en découlent ont, chaque fois, suscité de légitimes rejets quant à sa «représentativité» nationale.
En s’inspirant fortement du modèle français, la Constitution de 1996 avait dévolu au Conseil de la nation la représentation spatiale des régions (wilayas) alors que l’APN, elle, est l’émanation des circonscriptions établies sur une base démographique. Les constitutionnalistes nous expliquaient alors que ce bicamérisme était destiné à corriger la sur-représentativité des zones à forte démographie d’une part et d’autre part à devenir un verrou dans l’élaboration de la loi afin de se prémunir des dérives islamistes à travers le fameux «tiers présidentiel ».
Mais si dans les faits cette exigence ancienne convainc de moins en mois l’opinion actuelle, c’est notamment parce que les motifs invoqués à l’origine n’ont plus aucun sens dans le contexte actuel. D’où le corollaire interrogatif suivant : pourquoi le chef de l’Etat continue-t-il à exercer ce pouvoir discrétionnaire lui permettant de nommer par le simple fait du prince un panel de sénateurs dans une institution théoriquement élective ? De cet héritage «zeroualien », son successeur s’en accommode parfaitement et lui trouve de surcroît un meilleur usage. Source d’allégeance, il lui permet de conduire le pays avec un personnel politique aux ordres même quand celui-ci siège dans les Assemblées réputées électives.
Il est significatif que la «réformette » constitutionnelle du 12 novembre 2008 ait justement épargné les articles concernant l’organisation du pouvoir législatif. La raison en est simple : l’habillage en question, que le régime a trouvé à son arrivée en 1999, convenait parfaitement à ses ambitions. A l’usage n’a-t-il pas par le passé montré et démontré ce qu’il pouvait en faire ?
Souvenons-nous de la destitution intempestive de son premier président Bachir Boumaza et de son remplacement par feu Mohamed-Chérif Messaâdia. Mieux ou pis, l’entorse à toute règle organique qui l’a autorisé à designer Bensalah alors qu’il venait d’être «élu» député à l’APN. Loin d’être une auguste Assemblée soucieuse des tables de la loi de la République, ce Conseil de la nation en est réduit à faire la claque. Une tâche de tout repos que tous les petits barons de province courent après lors de l’ouverture de la chasse.
Par Boubakeur Hamidechi
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