vendredi 6 septembre 2013

Si j’étais Président... (1)

Fin 2008, à quelques semaines de l'élection présidentielle, j'avais commis une série de chroniques intitulées : «Si j'étais Président !»

C'était, bien sûr, de la pure fiction, sous forme d'un texte libre imaginé par un journaliste tout aussi libre.
N'ayant ni les capacités, ni l'étoffe, ni le profil, ni la dimension historique, ni les appuis nécessaires, ni d'ailleurs l'envie de quitter ce métier si merveilleux qui peut me permettre de me prendre pour le grand boss aujourd'hui et, demain peut-être, pour un berger errant dans les steppes magiques de Sebdou, je précise qu'aucune responsabilité politique quelconque ne m'a jamais tenté et que mon élection, un jour, à la défunte Union des journalistes algériens ou mon passage à la section syndicale d'El Moudjahid, ne furent qu'accidents passagers... D'ailleurs, quelqu'un qui n'a jamais milité dans aucun parti peut-il prétendre à une quelconque carrière politique ?

J'ai écrit cette chronique, revisitée, revue et corrigée en ce mois de septembre 2013, juste pour m'amuser...

Voilà, je viens d’être élu. Je convoque le ministre des Finances et lui demande de réduire toutes les dépenses fastueuses imposées par le protocole. Plus de meubles importés à prix d’or et de garde-robe élaborée par les stylistes de renom ; juste le strict minimum. Mon bureau sera de style berbère. Il y a des artisans qualifiés pour me créer un mobilier qui fera l’envie de mes visiteurs par sa sobriété et son ancrage dans les traditions millénaires de mon peuple. Quand un roi ou un président vient en Algérie, je pense qu’il n’a pas à dormir dans une chambre importée ou s’asseoir sur un fauteuil signé par les créateurs les plus prestigieux de Paris ou de Milan ! Ce serait d’une telle vulgarité. Par contre, étant en Algérie, je me ferai un plaisir de lui montrer la richesse de notre patrimoine architectural, culturel et même culinaire. Après avoir convoqué le ministre des Finances, je prendrai l’avion pour Mascara où je déposerai une gerbe de fleurs sur la stèle érigée à la mémoire de l’émir Abdelkader, fondateur de l’Etat moderne algérien. Puis, tout près, j’en ferai de même sur la tombe du martyr Zabana, premier condamné à mort de la guerre de Libération.

A Tlemcen, j’irai embrasser mes amis, ces grands patriotes qu’on met malheureusement dans le même sac d’un régionalisme souvent combattu par un régionalisme plus abject encore. Je dirai à Tlemcen que le temps de la vraie réconciliation est venue et que les martyrs dont le sang arrose chaque centimètre de ces terres gorgées d’héroïsme, pourront enfin reposer en paix : leur ville et leur région seront désormais dans le cœur de tous les Algériens. Je ferai le serment de tout entreprendre pour donner à cette partie chère de mon pays la place qu’elle mérite : celle d’une seconde capitale.

De là, j’irai à Constantine pour me recueillir sur la sépulture de l’imam Ben Badis, réformateur et éducateur qui a lutté pour un islam de tolérance et de fraternité, un islam qui combat l’obscurantisme, l’arriération et s’oppose catégoriquement aux confréries religieuses réticentes au progrès et à la science. A côté, à Guelma, j’irai faire un pèlerinage à Aïn Hassania pour dire à la tribu des Boukharouba : «Merci d’avoir donné à l’Algérie un homme qui a rendu leur dignité aux khammès et aux bergers. Merci d’avoir permis à leurs enfants d’être des médecins, des ingénieurs et des architectes qui honorent l’Algérie partout dans le monde !» Dans la région de M’sila, je ferai une halte à la maison des Boudiaf et demanderai à la famille l’autorisation de la transformer en musée pour honorer la mémoire du grand combattant, véritable père de la Révolution, qu’il fut et du président honnête et courageux qu’il a voulu être. A Biskra, je m’inclinerai sur la tombe du colonel Chabani, assassiné par les dictateurs en herbe, tous complices du fauchage d’un des éléments les plus qualifiés de la jeune Armée nationale populaire. Ceux qui ont donné l’ordre de le tuer et ceux qui ont siégé au tribunal l’ayant condamné et qui se sont tus, assistant passivement à la funeste fusillade, sont tous responsables devant l’Histoire ! Ayant connu son frère il y a quelque temps pour défendre, dans ces colonnes ou d’autres, la mémoire et l’honneur du martyr, je lui donnerai une franche et fraternelle accolade et présenterai à la famille les excuses du peuple algérien. De là, je ferai un saut dans les Aurès pour lancer un message d’espoir aux populations locales. Je grimperai sur les cimes du Chélia pour dire aux familles éprouvées par la misère et les fausses promesses que des programmes spéciaux vont être annoncées pour leur permettre de retrouver leur dignité. Je leur dirai qu’elles sont également concernées par les mesures qui seront prises dans le cadre du plan national pour la sauvegarde et la promotion de la langue nationale amazighe. Je ne peux passer par les Aurès sans rendre l'hommage qu'il mérite au grand patriote Mustapha Ben Boulaïd et honorer sa mémoire ainsi que celle de tous les chouhadas de cette noble terre chaouie.
J’irai en Kabylie, pays des hommes debout, pour dire aux enfants de Béjaïa, Tizi Ouzou, Bouira que le temps de la réconciliation est arrivé, que l’Algérie a besoin d’eux pour bâtir un nouveau rêve.

J’irai me recueillir sur la tombe de Lalla Fatma N’soumer et annoncerai à partir de ce lieu l’abrogation du Code de la famille et la fin de la polygamie. Je présenterai des excuses aux descendants de l’héroïne pour le massacre télévisuel et l’affreuse image de la civilisation berbère donnée par le feuilleton tourné en… Syrie. J’irai également sur la tombe de Massinissa Guermah, martyr de la lutte citoyenne, et demanderai que des rues, des établissements scolaires et des localités portent son nom. Je demanderai aux Arouch de passer me voir à Alger. Je leur présenterai mon plan pour régler définitivement la crise kabyle du début des années 2000. Je leur parlerai de ma conception de la démocratie : c’est le système qui garantit l’alternance et qui ne peut être que l’expression de la volonté populaire ; pas celle que l’on convoque frauduleusement pour prolonger les mandats au-delà des limites imposées par la Constitution, mais celle qui sort de l’urne libre. Je leur dirai franchement que la langue arabe ne peut pas être abandonnée comme le demandent certains extrémistes.

Je leur annoncerai un programme spécial pour permettre au berbère de sortir du stade folklorique dans lequel il a été confiné. Son enseignement sera généralisé. Les cours d’histoire seront revus et corrigés pour permettre aux jeunes générations de mieux s’imprégner des réalités nationales à mille lieues de ce qu’on leur raconte habituellement. Dans toutes les wilayas, il sera demandé aux responsables de la culture d’inclure des activités spécifiques en langue berbère dans leurs programmes. Un bouquet de chaînes numériques parlant toutes les variantes du berbère sera mis en place. Des canaux pour enfants, d’information, sportifs et culturels d’expression berbère seront lancés. Dans les wilayas où la majorité de la population parle tamazight, les programmes des chaînes locales seront dans cette langue. Enfin, les députés qui le désirent pourront s’exprimer dans leur langue maternelle. Pour ceux qui ne comprennent pas, on utilisera dans un premier temps la traduction simultanée en espérant qu’au bout de quelques années, on n’aura plus besoin d’une telle absurdité ! Il s’agira d’un premier train de mesures prises en urgence pour lancer un message d’espoir aux populations meurtries de la Kabylie et des Aurès. Des actions en profondeur seront réalisées par la suite, après une large consultation des principaux intéressés.

Après un passage au Sud pour dire aux fières populations de ces régions le souci de la nouvelle direction d'effacer les erreurs du passé en les hissant au rang de citoyens libres et dignes qui ne seront plus surveillés et réprimés par la police pour leurs actions citoyennes. Du travail pour tous dans des domaines divers et notamment le tourisme : il n'y a pas que le pétrole et un véritable trésor dort entre les dunes. Il n'attend que les bras et le génie du Sud pour voir le jour et produire les richesses qui permettront à nos enfants du Sud de s'épanouir.

A Alger, j’irai à la Casbah pour faire l’annonce du plan le plus ambitieux de l’Algérie indépendante et qui donnera à la Citadelle d’El Bahdja les allures d’une grande cité d’art et d’histoire ouverte à la vie et au tourisme, une ville entièrement restaurée et où les boutiques et les ateliers artisanaux, les librairies, les salles de concert, les petits théâtres, les cafés populaires et les restaurants gastronomiques, attireront tous les nostalgiques de ce quartier mythique. Alger sera toujours Alger et mérite un plan spécial pour stopper sa dégradation et la malvie qui y règne. Tout sera mobilisé pour que notre capitale retrouve son lustre, mais pas au détriment des familles qu’on déloge pour faire plaisir aux amis du Golfe arabe, pas avec des tours de verre qui ne serviront qu’à enrichir les plus riches par le biais de la spéculation immobilière ! Alger sera plus algérienne que jamais, fière et debout en face de la mer, ouverte d’abord aux enfants de l’Algérie ! Et pour qu’elle puisse s’épanouir sans les tracas actuels et les mille difficultés de la vie quotidienne, je prendrai la décision de délocaliser la capitale politique en créant une nouvelle ville sur les hauts plateaux steppiques de Djelfa. Une sorte de Washington ou Rabat qui ne gênent en rien la croissance et la prépondérance de New York ou Casablanca !

(A suivre)

Par Maâmar FARAH

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