Le 1er Novembre signifie pour chaque Algérien le premier jour où son pays a entamé une lutte qui l’a mené à son indépendance. C’est une date symbolique car ce jour-là, tout au moins sur le plan factuel, il ne se passa pas grand-chose. Quelques attentats dans certains points du territoire dont la plupart ne furent pas une réussite. Mais sur le plan de l’Histoire et de la dynamique historique, ce qui se passa alors fut énorme.
Une révolution. Sous la conduite du FLN, elle engagea la majorité du peuple. Se termina-t-elle, cette révolution, en 1962, avec l’indépendance ? Naturellement. L’objectif était atteint. On a mis cependant quelque vingt-six ans pour commencer à le comprendre. 1988 et toutes les années de ce qu’on appelle la «décennie noire» entretinrent l’illusion, chez beaucoup de gens, qu’une autre révolution était encore possible, dans la continuité de la précédente et tout à la fois dans la rupture avec elle.
La révolution verte annoncée donna du rouge partout. Un terrible bain de sang. Les cicatrices sont vives, on panse encore les blessures. Désormais, on sait que l’Algérie a grandi, s’est assagie, s’est désabusée, et tout ce qu’on veut. Elle revendique du travail, du confort, de l’argent. Oui mais comment les obtenir ? Comment oublier que la seule méthode par laquelle nous avons obtenu notre droit à l’existence fut de recourir aux solutions extrêmes ? Cette culture de la violence, du radicalisme…
Désapprendre la révolution est une révolution en soi-même. Mais où sont ceux qui doivent nous l’enseigner, qui doivent nous enseigner comment marcher dans ce monde en mettant un pied devant l’autre, comment construire brique après brique, comment tracer le chemin jour après jour sans nous perdre dans le désarroi, la colère, l’impatience ?
En somme, comment oublier les héros de notre Révolution, emprisonnés par une imagerie officielle dans leur inhumanité guerrière, et les ramener vers nous, et les étreindre et entendre leur cœur palpiter contre le nôtre ? C’est peut-être un autre 1er Novembre qu’il nous faudra fêter, non plus celui qui s’extasie devant quelques coups de feu tirés çà et là mais celui qui nous dira que des hommes infiniment plus grands, des visionnaires, des «prophètes» à la foi inébranlables ont annoncé une nouvelle ère pour notre pays.
Les coups de feu tirés ne seraient plus alors qu’un baroud qui, en lui-même, ne voulait rien dire. Beaucoup plus importants étaient les femmes et les hommes qui, partout, en Algérie d’abord, dans le monde entier ensuite, l’avaient ressenti parcourir leurs corps et leurs esprits comme un grand frisson qui ne cessera jamais. Il en est aujourd’hui qui le ressentent encore. Ceux-là sont les héritiers de Novembre. Ce sont eux le gage de l’avenir.
A. K.
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