mardi 27 octobre 2009

Cinéma algérien entre harga et mouta

«Un exilé n’a plus d’amis, et ce malheur est bien plus cruel que l’exil.»
Théognis de Mégare

Depuis quelques jours nous assistons à une certaine euphorie dans la presse à propos de la renaissance du cinéma algérien, mais les petits prix décrochés dans des festivals de 3e classe suffiront-ils à redorer le blason terni du cinéma algérien? Je ne pense pas. Ceci au moment où le cinéma algérien vient de perdre l’un de ses vieux mages: Ahmed Lallem, qui nous a quittés en silence et en exil le 19 octobre à Tours.

Cinéaste et documentariste de la première heure, il a débuté en Yougoslavie (Serbie) comme Amar Laskri, diplômé de Lodz en Pologne comme Lakhdar Hamina et formé à l’Idhec, comme bon nombre de cinéastes algériens après l’indépendance. Ahmed Lallem était le témoin de son temps et la mémoire de l’Algérie. En 1966, Lallem réalisa Elles, documentaire dans lequel, il donne la parole à des lycéennes de 1ere et de terminale, quatre ans après l’indépendance de l’Algérie. Trente ans, plus tard, il retrouve ces mêmes filles: Souad, Farida, Hassina et Badra et nous fait découvrir la réalité de l’Algérie.

À travers ce film, on découvre aussi le regard amer de ces femmes algériennes, qui se sont, depuis, mariées et qui, pour certaines, portent le hidjab. C’est sans doute le beau témoignage de femmes algériennes depuis Les femmes d’Alger de Kamel Dehane, un autre excellent cinéaste exilé à Bruxelles. Car que reste-il des cinéastes en Algérie? Rien. Démobilisé, désemparé, perdu dans un environnement de cinéma global où l’Algérie a peu de chance d’y résister.

Nous sommes condamnés à suivre et à applaudir les petits prix de Mascarades aux Etats-Unis, soutenu une fois n’est pas coutume par le marketing de l’ambassade de l’Algérie aux States. Dommage que cette politique de soutien ne s’applique pas pour les jeunes cinéastes algériens évoluant aux USA, comme ce fut le cas pour le film d’Amin Kaïs Affaires d’hommes (Men’s Affair), première production algéro-américaine, financée par le ministère de la Culture et par la Sonatrach et qui a été présenté, à San Francisco, à New York, mais qui n’a bénéficié d’autant soutien des autorités algériennes. Faute d’évolution cinématographique en Algérie, on est également condamné à suivre l’évolution du parcours atypique de Merzak Allouache, le rescapé du cinéma d’Omar Gatlato, qui a enfin remporté un prix au Festival de Valencia.

Après avoir échoué à séduire le public et le jury à Venise et à Namur, il a réussi à convaincre l’Espagne qui est la plus touchée par la vague des harraga. Faute de révolution cinématographique en Algérie, c’est la nouvelle vague de jeunes réalisateurs emmenés par Sabrina Draoui et Khaled Benaïssa, qui ont brûlé (hargou) la Méditerranée pour exprimer une vision locale du cinéma algérien. Le cinéma algérien est entre harga et mouta. Exil cinématographique et mort anonyme. Il est en phase de recherche.

Le projet de loi sur les artistes est sur le chemin. Le gouvernement a décidé d’investir dans le cinéma, en injectant des milliards. L’Aarc (Agence algérienne pour le rayonnement culturel) a lancé un appel pour recruter un chef de département cinéma (une sorte d’Aït Oumeziane de l’Aarc) pour justement faire sonner la caisse. Avis aux......professionnels de l’Arpa.

Amira SOLTANE

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