dimanche 25 octobre 2009

Le rose et le noir

Il n’y a que les sanglants attentats qui nous rappellent qu’il y a des Patriotes. Des Patriotes, d’un côté, et des terroristes, de l’autre.

Sinon, l’image officielle, universellement et complaisamment adoptée par les Algériens, c’est qu’il n’y a qu’un grand peuple fraternisant en train de récupérer les quelques “égarés” qui tardent à reprendre leur place parmi le troupeau.

Et de ces Patriotes qui, étrangement, portent des armes en plein mouvement de réconciliation, on vient d’en perdre sept sur un chemin vicinal de Kabylie. Comme tous les attentats commis dans cette atmosphère de réconciliation, il ne faut surtout pas que ce dernier serve à établir la réalité d’un terrorisme islamiste nocif.

Le ministre de l’Intérieur étant occupé à réprimer les émeutes de citoyens ordinaires, ce sont nos confrères qui se chargeront de répercuter l’analyse du jour : ce serait, paraît-il, la pénurie d’armement qui les pousse à attaquer des Patriotes… Pas pour les éliminer, mais pour simplement récupérer leurs fusils !

On lira sûrement d’autres méditations de ce calibre dont la seule finalité est de colmater les fondements illusoires de l’arrangement. Le tout est qu’il faille, quoiqu’il arrive, maintenir la production d’arguments légitimant l’impunité des terroristes.

Dans cette démarche, la mort des soldats ou de Patriotes pris en embuscade prend l’allure d’évènement intrus qui vient perturber le tableau surréaliste de la “paix retrouvée”. L’expression journalistique traduit bien ce rejet de l’évènement vers une dimension locale : “Attentat de Souk El-Thenine : la population sous le choc”, titre-t-on. C’est ainsi qu’on traite les indices révélateurs d’échec dans notre pays : chaque tragédie est réduite à un point noir dans le tableau globalement rose du pays.

C’est valable pour les questions sécuritaires, mais aussi pour les retards de chantiers, pour les licenciements, les grèves, les émeutes, les accidents de la route, les feux de forêt, les inondations, les médicaments qui manquent, les départs de harragas… Et la liste n’est pas exhaustive. Si on la complétait, il ne resterait du rose que dans le discours magique des officiels.

Mais la fuite en avant n’arrange pas que le pouvoir. Le consensus réside justement dans la conviction largement partagée que le péril terroriste, s’il touche des lieux éloignés, des lieux-dits qui plus est, et surtout des catégories identifiées, comme les Patriotes et les hommes en uniforme qui s’y aventurent, la masse se sent elle aussi protégée.
Souk El-Thenine ou Koudiat Acerdoune, c’est où déjà ?

Quand le pouvoir se réjouissait d’avoir sécurisé Alger et barricadait ses institutions et résidences, il inaugurait cette conception navale du terrorisme : toujours vérifier que votre position vous éloigne des écueils dont la mer regorge.

La masse se met aussi à épouser cette pensée : comme l’enfer, le terrorisme, c’est les autres, au-delà de la ville et de l’autoroute. La réconciliation n’a pas prévu ce cas de sept ou huit Patriotes livrés à l’embuscade dans un fourgon sur une route communale du Djurdjura.
Il ne rentre donc pas en considération dans le bilan politique. Ici, la vie continue. La réconciliation aussi.

Par : Mustapha Hammouche

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