dimanche 25 octobre 2009

Le lait et le pain

D'archimilliardaires algériens, ceux qui ne paient pas les impôts, ceux dont la fortune provient d'activités informelles ou de la rapine, des trafiquants de drogue, de cigarettes de contrebande ou d'alcools frelatés, se paient tous les jours que Dieu fait le lait et le pain subventionnés par le trésor public au même titre 

– et surtout au même prix que le chômeur en détresse, le compressé sans espoir de retravailler un jour, la veuve et l'orphelin sans héritage, le survivant du filet social et le «SNGiste» dont les enfants ne se nourrissent précisément que de pain et de lait.

Le pays hérite des pesanteurs socioéconomiques anachroniques dont il n'arrive pas à se libérer. Pourtant, repenser la solidarité nationale par les mesures les plus évidentes en la matière ne procède pas d'une grande audace susceptible de toucher à quelque équilibre dont l'équation serait trop sensible pour être bousculée.

La politique de subvention des produits de base, telle qu'elle a toujours été pratiquée, ne répond ni à une logique de justice ni à une rationalité économique.

Les exemples n'ont jamais manqué en l'occurrence quant à l'efficacité de l'option et son impact sur le pouvoir d'achat de ceux à qui elle est censée être destinée au premier chef : les algériens les plus socialement démunis.

Des boulangers font stock de farine au prix soutenu par l'Etat pour en faire un produit de spéculation ou exclusivement réservé à la pâtisserie.

D'autres «décident», par le fait accompli ou le grossier subterfuge, de l'augmentation cyclique du prix de la baguette. Les fabricants de yaourts, de biscuits, de chocolat, de pâtes et de cosmétiques paient le lait subventionné au même prix que les autres.

Plus grave, le lait et la farine, ainsi que tous les produits qui en dérivent, prennent tous les jours la direction de l'est ou de l'ouest vers des pays dont les politiques ne sont pas aussi généreuses que la nôtre, alimentant – c'est vraiment le cas de le dire – de sordides trafics sur le dos des «pauvres» algériens qui sont finalement les derniers à bénéficier d'un choix inexplicablement maintenu en leur nom.

Organiser la solidarité nationale peut pourtant emprunter d'autres sentiers, même si la force de l'habitude et de l'illusion fait qu'on ne peut pas attendre de la suppression éventuelle de ces subventions et les conséquences directes qui en découleraient, qu'elle soit très populaire.

Il faut donc convaincre par des mesures d'accompagnement qui sont en fait les leviers d'une autre politique. Celle d'un revenu digne qui permettrait l'accès au pain et au lait à tous et mettrait ces produits de base à l'abri du profit illégal et injuste.

Pour cela il faudra peut-être commencer par les faire payer à leur prix réel aux plus nantis.

Slimane Laouari

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