dimanche 25 octobre 2009

BOUDJEMAÂ KARÈCHE : «L’état du cinéma algérien est terriblement triste»

Ancien directeur de la Cinémathèque algérienne et cinéphile convaincu, il fait un diagnostic désolant sur le cinéma national.

Ancien directeur de la Cinémathèque d’Alger, figure emblématique du cinéma algérien, Boudjemaâ Karèche a été l’invité du Café littéraire de Béjaïa, en marge de la 3e édition de «Béjaïa. Doc - les rencontres du film documentaires», qui s’est tenu du 20 au 23 octobre dernier.

Venu prendre part à ces rencontres qui rendaient un hommage à Ali Zammoum, le grand fan de Jean-Luc Godard a fait une halte au Café littéraire pour nous parler de son dernier ouvrage Juste un mot, composé d’anecdotes, d’hommages aux personnes aimées et côtoyées. En marge de ce rendez-vous littéraire, Boudj, comme aiment l’appeler ses amis, a bien voulu répondre modestement à nos questions.

L’Expression: En général, on adapte des ouvrages littéraires en films de cinéma, vous, vous faites l’inverse, après toute une vie dans le cinéma, vous voilà dans la littérature. Un commentaire...
Boudjemaâ Karèche: Je n’ai jamais été cinéaste, j’étais tout juste un fonctionnaire du cinéma. En 2004, on m’avait signifié qu’on n’avait plus besoin de moi comme directeur de la Cinémathèque algérienne, me demandant de rester chez moi, chose que j’ai exécutée en restant à la maison. Une fois chez moi, j’ai décidé alors de m’occuper et de meubler mon temps, en versant dans l’écriture.

On s’attendait à vous voir derrière une caméra et vous récidivez avec un autre livre Juste un mot
Mon premier livre n’est pas un livre sur le cinéma, c’est un livre sur ma vie de fonctionnaire à la cinémathèque. Après quarante ans à côtoyer le cinéma, j’ai fini par comprendre que ce n’est pas facile de faire un film. Faire un film, c’est une merveille. J’ai passé toute ma vie à regarder des films, et je suis incapable d’en faire un. Le cinéma c’est un métier fabuleux et très difficile à la fois. Comme mon premier livre, le deuxième intitulé Juste un mot, a toujours une relation avec ma vie. Je n’ai jamais dit que je suis écrivain, j’écris des petits textes sur les gens, les films et les lieux que j’ai aimés et que j’aime toujours.

On remarque aisément que vous peinez à vous détacher du cinéma dans les débats...
Ce sont les gens qui m’amènent à parler du cinéma même si j’ai décidé de ne plus en parler parce que je ne veux pas devenir donneur de leçons. C’est aussi un signe de sympathie à mon égard, ça veut dire qu’on ne m’a pas oublié.

Et si on vous demande de faire un constat sur l’état du cinéma aujourd’hui?
C’est terrible, c’est triste. On ne peut pas faire de cinéma sans salles. Le cinéma c’est le chemin vers les salles et l’inverse est juste aussi. Donc, il n’y a pas de cinéma pour faire un constat. Que cherchent les jeunes, c’est d’être beau, et le cinéma participe activement à rendre les gens beaux dans l’esprit, et le physique.
On a tous rêvé de James Dean, Marlon Brando pour les garçons, Marilyn Monroe et autres pour les filles...Qu’en est-il de la jeunesse d’aujourd’hui?

Quelles en sont les causes à votre avis?
C’est général c’est le mépris de la culture. Le mal est profond et touche tous les domaines, malheureusement, il n’y a pas que le cinéma.

Si on vous demande de schématiser graphiquement le cinéma algérien, où se situe la courbe ascendante, le pic et la courbe descendante?
C’est clair, le pic, sans contestation aucune, c’était en 1975. Pourquoi? Nous avions enregistré 44 millions d’entrées au niveau national sur 20 millions d’habitants, et couronnés par la Palme d’or de Lakhdar Hamina à Cannes. Les années 70 caractérisent l’épanouissement de notre cinéma, pour le voir régresser à partir des années 80 avec la crise de la dette, pour enfin assister à son achèvement durant la tragédie nationale.

Vous avez déclaré que le Panaf de 1969 a bouleversé votre vie. Si on faisait le parallèle avec le Panaf 2009?
Le Panaf 2009, je n’en parle même pas, je ne connais pas, je ne l’ai pas vécu. Pour moi, le seul Panaf est celui de 1969 qui a évidemment changé ma vie. J’ai une licence en droit, le droit public en plus, pour être fonctionnaire de l’Etat dans la justice. Moi, qui n’étais pas cinéphile à l’époque, je rentre en plein dedans pendant dix jours, grâce à Ahmed Hocine à qui je rends hommage encore une fois pour m’avoir fait découvrir le cinéma et les cinéastes africains. Depuis, ma vie a changé pour devenir administrateur à la cinémathèque et finir par la diriger par la suite.

Quelle thématique vous attire dans le cinéma et quels sont les films qui vous ont marqué?
La thématique c’est l’homme, l’être humain, tout se fait autour de lui, comme disait Sembene Ousmane, le cinéma c’est mon école du soir. Sinon pour les films, il y en a beaucoup, ceux de Sembene Ousmane, Godard, Chahine....

Quels sont vos projets dans le cinéma et autres domaines?
Le cinéma, c’est fini, basta! Je suis à la maison et j’essaie de contribuer modestement avec l’écriture. Je suis sur un troisième livre sur les cinéastes et les précurseurs du cinéma africain. Je vais rendre hommage à ces gens pour leur grandeur, tellement ils ont cru au cinéma comme les hommes qui ont cru aux indépendances africaines, malgré le manque de moyens sur tous les plans.

Quel conseil pourriez-vous donner à la nouvelle génération?
Croyez en quelque chose, soyez compétents et foncez dans la vie. Il faut lire beaucoup de
livres sans se faire une fixation sur un examen car si on est cultivé, le diplôme vient tout seul. Et surtout allez voir des films.

Propos recueillis par Boualem CHOUALI

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