mercredi 16 septembre 2009

L’indonésie montre la voie

Cela fait plus de vingt ans que le discours politique en Algérie — et pas seulement le discours politique — souligne le caractère vulnérable de l’économie nationale, trop dépendante des hydrocarbures et de la volatilité de leurs prix sur les marchés mondiaux (volatilité de plus en plus importante maintenant que les spéculateurs s’y mettent). Il faut sortir du tout-pétrole rappelle sans cesse Bouteflika, appel repris régulièrement par ses différents Premiers ministres.

Oui mais encore ? Comment faire concrètement ?

L’analyse de l’expérience indonésienne est de ce point de vue pleine d’enseignements. En 1985, le pétrole et le gaz assurent à l'Indonésie 80 % de ses recettes globales d’exportation. La société pétrolière publique Pertamina est un Etat dans un Etat. EN 2008, soit quelque vingt ans après, le secteur des hydrocarbures ne représente plus que 11 % du PIB contre 30 % en 1980, et l’Indonésie se retire de l’Opep, à laquelle elle a adhéré en 1962, étant incapable de respecter ses quotas. La production hydrocarbures a diminué et depuis 2004, le pays importe une partie de ses besoins en pétrole brut et en produits raffinés. En 2008, l’économie indonésienne présente un tout autre profil : les industries manufacturières représentent 27 % du PIB, l’agriculture 13 % et les services, notamment les transports et les télécommunications, connaissent une croissance forte à l’instar du tourisme.

L’Indonésie a réussi à sortir du tout-pétrole

C’est le contre-choc pétrolier de 1986 et l’effondrement des recettes d’exportation qui s’en est suivi qui ont contraint l’Indonésie à la mise en œuvre d’un programme de réformes économiques et financières et d’ouverture aux capitaux et investissements étrangers, notamment japonais, confirmant par là que c’est en situation de crise que les réformes ont le plus de chances de réussir. La diversification des exportations se développe et la croissance économique, bien que lente, affiche tout de même régulièrement un taux annuel de 5 %. Il faut, cependant, préciser tout de suite que l’ouverture économique de l'Indonésie a lieu sous le contrôle de l’Etat qui a gardé les leviers de guidage et de pilotage de l’économie et continue d’être producteur et investisseur, le cas de l'Indonésie confirmant, par là, les caractéristiques d’un «modèle asiatique » de développement (Malaisie, Corée du Sud, Inde, Chine... ont toutes accordé un rôle économique éminent à l’Etat).

1) Un secteur manufacturier dynamique

Les industries manufacturières en Indonésie affichent un taux de croissance annuel moyen de + 10 %. La valeur ajoutée du secteur manufaturier se répartit ainsi :

(2006 - 2008)
V. A. par branches
Agroalimentaire 33 %
Habillement, textile, cuir 9%
Papier, bois, ameublement 7 %
Raffinage 11 %
Matériaux de const. 14 %
Sidérurgie 0,3 %
Ind. mécanique 13 %
Epqpt de transport 6 %
Electronique 3 %

Les industries manufacturières ont exporté en 2006 pour une valeur de 62,1 milliards de dollars sur un total des exportations de 108,8 milliards de dollars, soit 55 % des exportations totales (les hydrocarbures ne représentent plus d’exportations significatives : 10 % du PIB)
*Le second poste de création de richesses en Indonésie est l’agriculture. Dès 1973 et le premier choc pétrolier, le président Suharto surnommé «le père du développement », décide de «semer son pétrole» et affecte une partie des recettes d’exportation des hydrocarbures en financement du secteur agricole (la rizicultire) avec comme objectif atteint : l’autosuffisance. Mais aussi l’huile de palme, hévéa, contreplaqués produits dans de grandes plantations. L'Indonésie est aussi un grand pays touristique. Elle a aussi développé une économie de services performante.

2) La situation financière

Malgré la baisse des recettes d’exportation des hydrocarbures et au contraire une hausse de la facture des importations de pétrole brut et de produits raffinés, la situation financière de l’Indonésie est soutenable :
• Un processus de désendettement a été engagé, et entre 1997 et 2007, la dette extérieure est passée de 60 % à 31 % du PIB et le service de la dette de 41 % des exportations à 13 %.

• Les réserves de devises sont passées de 21 milliards à 57 milliards de dollars en dix ans.

• Le solde commercial hors pétrole et gaz a été en 2007 de 27 milliards de dollars et le solde commercial de 33 milliards de dollars. Il faut quand même rappeler que l’Indonésie est encore un grand exportateur de gaz.

• En matière d’entrées nettes de capitaux étrangers, la situation est favorable et l’attractivité du site Indonésie reste bonne malgré un mauvais climat des affaires.

Le stock d’investissements directs étrangers est de 10,5 milliards de dollars en provenance des Etats-Unis et de 7,5 milliards de dollars en provenance du Japon. Les autres investisseurs sont l’Inde, la Malaisie, la Chine. Et il faut souligner que la politique du pays en matière d’IDE n’est pas libérale et reste très contraignante pour les investisseurs. L’Indonésie occupe la 123e place dans le classement «climat des affaires» de la Banque mondiale. La crise mondiale actuelle reste pour l’instant d’un faible impact sur l’économie indonésienne. Deux raisons essentielles à cette faible sensibilité à l’extérieur.

1 - La croissance économique est tirée principalement par la demande intérieure soutenue par une politique de transferts sociaux et de subventions de l’Etat et surtout d’aide aux classes moyennes urbaines qui maintiennent la consommation interne à un haut niveau.

2 - Les exportations sont diversifiées : produits manufacturés, matières premières, produits agricoles.
En conclusion, on peut souligner le fait que l’Indonésie, pays pétrolier et gazier, est parvenu à sortir son économie du toutpétrole et à changer de régime de croissance par une politique volontariste de réformes structurelles. La croissance économique de ces dix dernières années a été de 5 % en moyenne annuelle et les prévisions pour les cinq prochaines années la fixent à 6,5 % par an. Bien évidemment, l’économie indonésienne traîne encore des handicaps. Quatre problèmes attendent d’être réglés.

1 - La croissance est molle et reste tirée par la consommation
2 - Il y a une faiblesse de l’investissement de l’Etat qui consacre son aide au soutien à la consommation
3 - L’investissement privé est insuffisant pour cause de mauvais climat des affaires, notamment mauvaise intermédiation bancaire
4 - Il y a un déficit en infrastructure de base qui risque de freiner encore plus la croissance.

Par Abdelmadjid Bouzidi

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