dimanche 6 septembre 2009

L’Algérie de Photoshop

L’activité économique industrielle des secteurs public et privé a poursuivi sa progression, selon une enquête réalisée auprès des chefs d’entreprise par l’Office national des statistiques.

On y apprend que le secteur public utilise ses capacités de production de manière plus intense que le secteur privé, que 40% des entreprises publiques (et une seule privée) ont “des contrats d’expiration à satisfaire dans les mois prochains”, que les effectifs “ont connu une hausse dans les deux secteurs au 1er semestre 2009”, que la trésorerie est “bonne” pour la moitié des entreprises publiques et “mauvaise” pour seulement le quart d’entre elles et bien d’autres bonnes nouvelles. Ces patrons prévoient une hausse de la production et de la demande. Et une stagnation des prix. Le paradis de l’entrepreneur et du consommateur !

Mais voilà, il s’agit d’une enquête “d’opinion”, précise l’ONS. Ce sont donc là les résultats d’un traitement d’opinions de chefs d’entreprise.

L’enquête d’opinion est peut-être une des missions de l’office, mais il y a sûrement d’autres mécanismes plus fidèles dans la mesure de l’intensité de l’emploi et des moyens de production, des prévisions d’exportation, du niveau de trésorerie que le simple recueil d’impressions de patrons d’entreprise. Sinon on en arrive à ce genre d’aberrations où l’on prétend que 40% des entreprises publiques ont des commandes à l’exportation et que les prix vont stagner, alors que l’emballement inflationniste est observable à l’œil nu.

À moins que le procédé ne serve à mystifier les prix sans avoir à manipuler les chiffres du terrain. Après tout, c’est une enquête non pas sur l’activité industrielle, mais une enquête sur l’opinion des chefs d’entreprise au sujet de l’activité industrielle. Ne parlons pas des risques méthodologiques liés à l’échantillonnage et aux projections d’un secteur concret réalisées à partir d’“opinions” de personnes concernées par les effets de la diffusion des résultats de l’enquête !

Cela permet de délivrer le message politique sans avoir à déformer la réalité économique. Ce faisant, on s’éloigne vertigineusement de la mission scientifique et de soutien à la décision qui est celle d’un organisme comme l’ONS. On avait observé ce glissement vers cette fonction politique, voire politicienne de la part du Cnes nouveau, “engagé”.

Par un processus de “mobilisation générale”, le pouvoir a fait de toutes les institutions du pays des espèces de commissariats politiques chargés de confirmer, “chacun en ce qui le concerne”, comme on dit dans les instructions officielles, le contenu du discours unique. Alors même ceux qui sont chargés de photographier le pays préfèrent retoucher l’image pour qu’elle colle avec celle qu’en donne la propagande officielle.
Il n’y a pas que Ksentini pour parler, sans sourire, de “paix” dans une Algérie régulièrement ensanglantée et faire passer une instance de défense de l’impunité et des privilèges octroyés aux terroristes comme une institution de défense des droits de l’Homme.

À force de falsifier les élections, nous en sommes apparemment à devoir tout fausser, rien que pour l’amour du dirigeant et de sa pérennité. Le jour où nous changerons de régime — pardon d’envisager l’inconcevable —, il nous faudra refaire connaissance avec le pays !

Mustapha Hammouche

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