dimanche 6 septembre 2009

Bab El Oued

Parce que le bonheur est souvent beaucoup plus simple qu'il n'y paraît, il ne peut jamais entièrement déserter des terres qui ont eu à le couver et des hommes qui ont eu à le savourer à un moment ou un autre de la vie. Bab El Oued, comme d'autres espaces, est de ces pans de ciel-là.

Pour avoir été le centre des palpitations d'Alger, pour avoir toujours su taire ses douleurs et se remettre de ses cauchemars pour en faire des raisons de renaître. Ce quartier que se partagent à parts inégales le mythe et le terre-à-terre a toujours quelque offrande à sortir de son ventre si généreux aux moments les plus inattendus.

Dans sa succession de convalescences, Bab El Oued puise dans l'énergie de l'espoir pour dire à ses enfants comme à ses pèlerins du jour ou de la nuit que tout n'est jamais foutu.

Si elle tourne le dos à la mer, c'est pour rappeler qu'il y a plus d'yeux dans sa colonne vertébrale que sous son front à chaque tempête. Avec la même détermination, cette ville dans la ville refuse la résignation comme elle chasse le flonflon. Quand on la dit à l'agonie, elle livre le meilleur de la vie et rit au nez de la mort.

Quand on l'accable de tristesse, elle inonde ses entrailles de douce mélancolie. Bab El Oued est une légende dans une intenable réalité. Blanche, elle aspire des veloutes azur avant de les renvoyer à l'écume nourricière qui crèche à sa porte.

A-t-elle une porte Bab El Oued nichée au confluent d'une rivière factice mais féroce et d'une mer qui la caresse sans douceur ?

Et la montagne alors, qu'elle ne voit que dans ses gémissements solitaires ?
Et ces horloges dont toutes les inondations du monde n'ont pas arrêté le temps ? Non, Bab El Oued est trop vaste pour se suffire d'une porte, trop exigüe pour laisser s'engouffrer les vents du renoncement ou s'y nicher les oiseaux de mauvais augure.

Bab El Oued sait faire semblant. De dormir quand la folie meurtrière guette ses enfants, de pleurer quand l'invite est aux plus belles chorégraphies, de mourir quand il y a autant de fresques à dévoiler. Elle est là, à scruter des horizons toujours possibles.

Qu'elle émerge d'une énième tornade ou d'un état de grâce, Bab El Oued tient sa magie. Elle sait ses douleurs profondes et ses instants d'euphorie. Alors, elle garde tout au chaud pour renvoyer sur des ondes de choc les copeaux de bonheur les plus finement ciselés. Bab El Oued n'inspire pas les poètes. Elle est un poème d'une beauté tragique.

Slimane Laouari

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