jeudi 3 septembre 2009

Khadafi, un dirigeant très courtisé

Mouamar Khadafi est un dirigeant heureux. Il l'est doublement : quarante ans de pouvoir sans partage et doyen des chefs d’Etat africain et arabe. Autoproclamé «roi des rois traditionnels d’Afrique», il dirige un pays riche en pétrole, le deuxième producteur du continent africain après le Nigeria. Hasard du calendrier, le guide de la révolution libyenne a fait en sorte que la commémoration de ce quarantième anniversaire coïncide avec la tenue du sommet de l’Union africaine (UA), deux mois seulement après avoir accueilli à Syrte le 13e sommet ordinaire de l’UA.

Un sommet auquel a pris part le président Hugo Chavez et qui s’est achevé sans mesures concrètes concernant les dossiers chauds africains. La Déclaration de Tripoli et le plan d’action adoptés par ce sommet se bornent à appeler les pays membres à «trouver des solutions urgentes aux crises et conflits», en particulier en Somalie et au Darfour. «Nous sommes pratiquement au même point que lors du sommet de Syrte. Il n’y aura pas de grandes avancées», a indiqué un ministre africain.

«Il n'y a quasiment rien de nouveau (...) Pour les Libyens, le sommet était juste un moyen de garantir la participation de chefs d'Etat aux célébrations du 1er septembre », a renchéri un autre. En effet, c’est sous une tente géante installée sur le port de Tripoli que s’est tenu ce sommet. Une fois clos les travaux de cette session spéciale de l’UA, les chefs d’Etat et de gouvernement africains ont été conviés à assister le lendemain 1er septembre à un défilé militaire et en soirée à un spectacle sons et lumière retraçant 40 ans d’histoire de la Libye sous la gouvernance de Mouamar Khadafi.

Véhicules blindés, transports de missiles, des fanfares de 17 pays, dont celles de France et d’Italie, se sont succédé durant deux heures sous les yeux du guide libyen, entourés des chefs d’Etat africain, dont le président Bouteflika et le Tunisien Ben Ali. En soirée, ce fut tout aussi grandiose. Portraits géants à la gloire de Khadafi, spectacle pyrotechnique, chorégraphie avec des centaines de danseurs, le tout réglé sur une mise en scène du Français Martin Arnaud, l’auteur de la cérémonie du Mondial de football de 1998 en France.

Les festivités vont durer six jours. La Libye a du pétrole (46 milliards de dollars de revenus à fin 2008) et donc de l’argent. Une population peu nombreuse : 5,7 millions d’habitants dont plus de 1,1 million de travailleurs étrangers. Mais un taux de chômage élevé de plus de 30 %. Le revenu par tête d’habitant – 9 600 dollars – est l’un des plus élevés du monde arabe.

Tirant les leçons de la chute du régime de Saddam Hussein, Mouamar Khadafi a mis aux vestiaires sa rhétorique anti-occidentale, ouvrant l’économie pétrolière aux compagnies américaines et multipliant les gestes en direction des capitales occidentales. En contrepartie de sa renonciation à soutenir divers mouvements et groupuscules dit révolutionnaires et de l’ouverture de son économie au capital étranger, le régime libyen est devenu fréquentable.

Mieux, disposant de six fonds souverains ou d’investissements – le premier, la Libyan Arab Foreign Investment Company (Lafico) fondé en 1981 – dont trois créés en 2006 grâce au pactole pétrolier, la Libye est très courtisée par les Occidentaux. Qui plus est, depuis que le régime libyen a émis le souhait de réduire ses dépôts en devises dans les banques étrangères, ces fonds souverains ont appelé à des partenariats avec des entreprises occidentales pour monter des projets en commun. Du coup, le regard de ces Occidentaux a changé.

Khadafi est invité de partout. Aux Etats-Unis – quand il s’agit de fric on sait ne pas être rancunier –, il a été autorisé à planter sa tente à Central Parc à New York. Fermant les yeux sur les violations des droits humains perpétrés par le régime libyen, l’Occident préfère axer sa dénonciation contre la Russie ou la Chine. Ainsi va le monde !

Par Hassane Zerrouky

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire