jeudi 29 octobre 2009

La loi, Lamouri et la juge

Sachant pertinemment que tout juge du siège obéit aveuglement à la loi, Maître Lamouri a voulu forcer le cadenas de la loi n° 04-18 du 24 décembre 2004. Et sérieusement souligné SVP...

Les larmes aux yeux, Abdelouahad Z., vingt et un ans à peine mais qui paraît dix de plus, dit toute son amertume d’avoir goûté à la prison, une prison qu’il dit être plus que l’enfer pour détention de drogue. «Vous connaissez l’enfer alors?» ironise Selma Bedri, la présidente de la section correctionnelle d’El Harrach (cour d’Alger).

D’après ce qu’on dit, sanglote presque le détenu qui venait de réaliser que Maître Benouadah Lamouri, son conseil, le tenait en respect du regard comme pour lui filer un tuyau du genre: «T’en fais pas gamin, la défense est là, car cette histoire de détention fait beaucoup de bruit depuis un certain temps.»

D’ailleurs, même si la présidente avait tenu à effectuer une sale mise au point à propos de la détention de drogue, l’avocat allait littéralement éclater toujours dans ce sens: «On nous ramène quelqu’un qui aurait été pris la drogue en main. Non, la réalité est tout autre. Et depuis le temps que nous défendons de pauvres créatures prises souvent de court parce que certaines d’entre elles sont des repris de justice qui sont innocents dans ce dossier», s’est écrié l’avocat qui avait tenu à mettre en valeur l’âge du détenu «un âge où l’on songe à trouver un boulot, à venir en aide au papa malade.»

Entre-temps, le détenu piquait une crise de larmes jamais venue dans une salle d’audience, ce qui va permettre l’instauration d’office dans celle-ci d’un silence éloquent. Bedri est d’abord ahuri puis, se ressaisissant dit: «Alors, pourquoi ces larmes?» Le tribunal suit la plaidoirie de votre avocat.

Patientez et attendez le verdict avant de sombrer dans le désespoir: Il est vrai aussi qu’au cours des débats, la terrible loi n°04-18 du 25 décembre 2004 relative à la prévention et à la répression de l’usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes, avait été abordée et Nadia Belkacem, cette discrète représentante du ministère public avait évoqué l’article 17 de cette même loi, article tiré des «dispositions pénales» dispositions qui suivent celles dites «préventions et curatives», elles-mêmes précédées des «générales».

A un moment donné, l’avocat avait fait une moue éloquente avant de se dire triste que cette loi «floue» met nos magistrats et surtout les plus jeunes d’entre eux, dans un mauvais bassin d’application de cette loi 04-18, car va s’écrier Maître La-mouri: «Mon Dieu, vingt ans, dix ans d’emprisonnement et (pas ou) d’une amende de cinq millions de dinars à cinquante millions de dinars sont infligés à toute personne qui, illicitement, produit, fabrique, détient, offre, met en vente, vend, acquiert, achète pour la vente, entrepose, extrait, prépare, distribue, livre à quelque titre que ce soit, fait le courtage, expédie, fait transiter ou transporte des stupéfiants ou substances psychotropes.»

La présidente remercie le défenseur pour avoir rappelé une grosse partie de cette loi avant d’ajouter: «Maître, nous sommes tenus ici d’appliquer la loi. Si elle ne plaît pas, il faut la changer. N’est-ce pas? Et ce tribunal est très mal placé pour effectuer un boulot qui n’est pas le sien», balance, les yeux mi-clos Bedri qui savait que les demandes effectuées par la parquetière (dix ans de prison ferme) entraient en droite ligne avec la loi.

Maître Lamouri, avec ses trois décennies de barre et de barreau, savait qu’il ne faisait que retarder l’échéance, surtout que la magistrate en demandant au détenu de retourner en cellule du tribunal avant d’aller aux «Quatre Ha» y attendre le verdict mis en examen et pour cause. Sur le banc réservé aux avocats, maître Abdelkrim Bouderbal aura cette appréciation, bonne à livrer dans cette chronique, effectivement, pour beaucoup d’initiés, cette loi laisse une porte fermée sur son application. Il y a cette histoire d’énormes peines infligées pour la détention ou la possession d’une infime quantité de drogue.

Et alors, ici, certains magistrats font de la gymnastique intellectuelle, en vue de ne pas violer cette sombre loi et dans la foulée, éviter une grave erreur judiciaire à l’encontre de jeunes qui, peut-être, sniffent, détiennent mais ne commercialisent pas. Car ce dernier délit vaut des années et des années d’incarcération et cela, en l’absence de toute grâce ou baisse de peine quel que soit l’événement fêté. La drogue étant un fléau universel combattu dans chaque pays avec les moyens du bord, il reste à nos législateurs de revoir la copie de la loi n° 04-18 du 24 décembre 2004, au moins pour aider les juges du siège, car les parquetiers eux, on ne vous dit pas..

Abdellatif TOUALBIA

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