jeudi 24 septembre 2009

Deux délits, deux!

L’avocate était très motivée pour tirer de la gadoue de la double inculpation, ce jeunot qui a vu son père être descendu en 1994 par des barbares...

Maître Samira Letlat, la jeune avocate de Belouizdad (Alger), avait mauvaise impression ce mercredi, du fait que son client poursuivi pour détention et usage de stups, avait mis sa mère dans un état lamentable alors que son père avait été déjà victime d’un acte terroriste mortel en 1994 à Bordj El Kiffan un mois d’août à 3h45 du matin du 23.

La mauvaise impression de la charmante avocate allait dans le sens d’un éventuel renvoi, ce qui signifiait, entre autres, le prolongement de la détention préventive aux Quatre Ha, donc, huit jours et huit nuits encore à passer en compagnie de condamnés de tous les calibres possibles et imaginables.

Or, Athmane A., cet orphelin précoce de 22 ans, à peine âgé de 7 ans lorsqu’il a perdu son père, s’adonne à la drogue. C’est un sniffeur? Nul ne peut l’assurer formellement. Les gendarmes, qui l’ont appréhendé à Bordj El Kiffan, seuls savent ce qui s’est réellement passé le 13 septembre 2009. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, les militaires en ronde de routine, trouvent en sa possession outre de la drogue, un portable où des vidéos «alléchantes» le mènent droit à la double, voire triple inculpation: détention, usage de drogue et attentat à la pudeur que punit l’article 333 bis (loi n°82-04 du 13 février 1982) qui prévoit une peine de deux mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 à 2 000 DA quiconque aura fabriqué, détenu, importé... exposé ou tenté d’exposer aux regards du public, vendu ou tenté de vendre... tous objets contraires à la décence. C’est dire si Athmane risque plus que gros surtout que pour les deux premiers délits, la détention et l’usage de drogue, la loi sur la prévention et la répression reste floue, et ce sont les juges du siège qui trinquent en tarabustant et le cervelet, la conscience et le devoir d’obéir à ladite loi.

Et si Messaoud Kennas, le procureur, a requis un très sec trois ans de prison ferme, Maître Letlat, l’avocate du jour, a, vers les 11h et quelque du 26e jour du Ramadhan 1430, pris deux «boucliers» avant de se jeter dans l’arène de la défense de son jeune client démonté par le jeûne et surtout par trois nuits de douloureuses heures de détention préventive. Et d’ailleurs, il va devoir passer encore huit autres nuits avant de connaître son destin, soit deux jours après l’Aïd (ou un, c’est selon le calendrier divin).

La seule satisfaction qu’il avait eue, c’est l’intervention de son avocate qui a plaidé juste en deux temps. «Pour la détention et l’usage de came, lança Maître Samira Letlat, l’inculpé a reconnu les faits et donc, nous demandons au tribunal l’octroi de larges circonstances atténuantes pour ce jeune orphelin qui n’a pratiquement pas connu son père, assassiné en 1994 dans des conditions atroces.» L’émotion a gagné toute la salle d’audience, sauf cette «pro» de Fella Ghezloune, la présidente de la section correctionnelle d’El Harrach, une magistrate hors pair qui avance d’une audience à une autre, Ramadhan ou jeûne, elle s’en balance car elle a été éduquée sur la base connue des familles que celui qui ne veut pas être abattu par le jeûne... bosse, bosse, bosse et prie pour plaire à Allah.

Passant à l’attentat à la pudeur, l’avocate a failli éclater de douleur car elle a eu beaucoup de mal à faire avaler la version de son client selon laquelle il avait acheté le portable le 12 septembre, soit la veille de son interpellation par les gendarmes. «Il n’a pas eu le temps de voir ce que contenait l’appareil et la vidéo contenait effectivement des images de nus, ce qui est effectivement contraire à la morale», a marmonné le défenseur, le visage rouge malgré les affres du jeûne.

En attendant le verdict, l’avocate a tout de même rigolé lorsque le détenu a demandé la...relaxe, en guise de dernier mot.

Tiens, tiens...et les circonstances atténuantes, c’est quoi?

Abdellatif TOUALBIA

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