jeudi 13 octobre 2011

Dans le bourbier, l'élégant...

Jamais de mémoire de débats dans une salle d'audience, un avocat n'avait livré bataille pour arracher la liberté provisoire...

Un élégant jeune homme passait sous la Grande Poste d'Alger-Centre, côté rue Houcine Asselah, lorsqu'un ancien policier en civil SVP sortant de la rue d'Argentine (ex-Cavaignac) de sinistre mémoire, remarque le regard fuyant du jeune beau gosse qui ne croira pas ce... Poliment il l'a abordé et le prie de le suivre au poste d'à côté pour une minute. Le jeune s'exécuta, il est fouillé. Sur lui, on découvre, contre toute attente, deux portables «double-puces» volés et signalés «un peu partout» quelques jours plus tôt. Le jeune élégant n'arrive pas tout de suite à s'expliquer sur cette fâcheuse situation abracadabrante.


Et pourtant, devant le tribunal de Sidi M'hamed à Alger, il faudra bien qu'il explique d'où il a pu avoir comme ça les deux portables. Patatras! Il va donner gauchement deux versions. Et la jeune juge rouquine ne pourra pas, ne saura quelle version prendre. Ce pauvre inculpé, un moment «out», heureusement, retrouve ses esprits. Ils lui ont, selon sa bonne foi, été remis par un copain qui a quitté le pays... Et pan!


Est-ce que tout est à refaire? Non. Maître Benouadah Lamouri, que les parents avaient ramené de Dar El Beïda, ne se déplace jamais à la barre pour des prunes.


Non! s'il s'est donné la peine de venir assister un jeune présumé voleur que tout enfonce à la lecture des procès-verbaux, c'est qu'il a en tête de faire d'abord, en sorte de le tirer de Sarkadji et ensuite le défendre comme il se doit.


Il est vrai aussi que l'article 350 du Code pénal n'est pas du mille-feuilles à la crème vanille. C'est du solide. Et ceux qui s'y frottent, s'y piquent, mais aussi laissent des plumes.


La jeune procureure de l'audience, elle le sait. Elle sait depuis le commencement de ses études en droit que «quiconque soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol et s'expose donc à une peine d'emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amande de 100.000 à 500.000 dinars...»


Ceci pour dire que la prétention de l'avocat est vraiment «céleste». Oui! Maître Lamouri est plutôt optimiste car, selon les parents, le vrai propriétaire des objets soi-disant volés, a donné signe de vie mais il ne peut être là que le 12 du mois. Et c'est pour cette raison que le défenseur a insisté sur l'utilité d'octroyer la liberté provisoire «car, dira-t-il plus tard, il n'y a qu'à voir sa tête, sa mine, ses yeux qui crient à l'innocence». Oui, mais Dillinger aussi était Baby Face».


Karim W., 22 ans, n'a aucun signe d'un malfaiteur. Il est jeune, beau, élégant, élancé, bien nippé, souriant. A la barre, après la détention provisoire, il a mauvaise mine, mais est resté beau, élégant, élancé, bien nippé, mais plus souriant.


Son avocat va faire un tabac, car c'est un jeune avocat qui a crié sa douleur que l'on n'ait pas cru un fils de famille qui a affirmé avoir reçu deux cadeaux de la part d'un ami qui a quitté le pays et donc, ne pourra pas venir témoigner sur ces cadeaux empoisonnés, remis à titre gracieux.


Le représentant du ministère public était doublement motivé pour requérir une peine d'emprisonnement ferme de deux ans pour vol de portable remis à leur propriétaire-victime qui n'a pas jugé utile de venir à la barre réclamer les dommages subis, surtout que cette victime a été l'objet d'un vol de quelqu'un qu'elle n'a pas vu et donc, cette victime a dû préférer faire l'économie d'un dérangement inutile.


D'ailleurs, le tribunal avait renvoyé une fois les débats dane l'attente de la victime. Vainement!
Un drôle de procès dont on ne verra pas le bout du tunnel car la juge a décidé pour une bonne justice de convoquer le fameux «généreux donateur» des deux phones et donc, de renvoyer les débats sur trois semaines.


Ici, la magistrate aura été magnanime, car elle avait marché avec le désir de l'avocat qui avait demandé avec beaucoup d'adresse l'octroi de la liberté provisoire à Karim W., qui était resté digne.


D'ailleurs, au cours de l'interrogatoire, il avait dû maudire du fond de ses tripes, ce jour où il avait rencontré le vieux flic dont le réflexe aura été catastrophique pour lui, dévastateur pour ses parents, deux hauts cadres, faut-il le signaler.


Son malheur se situant autour du bon boulot des flics qui avaient bien rédigé le procès-verbal d'audition de la victime dont le mérite aura été qu'il connaissait bien son bien, les deux mobiles «digitales».


Un coup de chapeau aussi pour le défenseur Maître Lamouri, qui avait réussi à entraîner la jeune présidente autour du bienfait de relâcher quelqu'un que le doute protège que de condamner à l'incarcération un jeune innocent: «Regardez-le, a-t-il besoin de voler pour avoir sur lui deux portables. Le donateur peut être là dans trois semaines pour vous raconter dans quelles circonstances il avait acquis ces deux appareils et dans quelles conditions, il a offert ces deux cadeaux à Karim», avait-il plaidé. Affaire à suivre, assurément.

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