vendredi 20 mai 2011

Les «consensus savants» au secours de l’Algérie en panne

Un pays qui ne sait pas converger explose». La phrase est de Taïeb Hafsi, professeur de HEC Montréal, qui s’est investi corps et âme ces derniers temps pour diffuser en Algérie la connaissance accumulée sur le management de la complexité. L’heure est donc à la convergence. Des initiatives se multiplient pour proposer une expertise sur la réforme, le développement. Le think tank «défendre l’entreprise» soutenu par trois mécènes - Cevital, le groupe Benamor et le groupe Hasnaoui - veut rendre l’Etat «bienveillant» pour l’entreprise. Nabni, ce groupe qui propose 100 mesures à mettre en œuvre entre le 5 juillet 2011 et le 5 juillet 2012 part implicitement du principe, que l’action doit transcender les clivages politiques et sociaux classiques. Un ouvrage collectif publié par les éditions Casbah «Le développement économique de l’Algérie, expériences et perspectives», procède du même esprit. Converger à la lumière des consensus savants. Les îlots de la connaissance doivent être consolidés. Pour faire puissance. Interagir avec les institutions.

Les refonder. La transition démocratique de 1988-1992 a été l’affaire des politiques. Celle qui commence en Algérie sous le double effet du printemps politique arabe et du printemps social local, pourrait être celle des élites. Ahmed Benbitour, intervenant lors de l’une des tables rondes de présentation du livre cité, a parlé d’une nouvelle opportunité pour les élites qui ont raté le rendez-vous du 1er novembre 1954». La question affleure. Le pouvoir est-il prêt à laisser les clés de la transition aux élites qui s’organisent et revendiquent d’être, enfin, entendues ? La part des Algériens de la diaspora dans ce mouvement de production d’idées, de suggestion de pilotage du changement, est décisive. L’Algérie est un gros exportateur de ressources humaines qualifiées. 2011 marque un retour de balancier, coïncidant avec une demande sociale. L’échec politique a du bon.

Il réhabilite le besoin de l’expertise. Le chantier est immense, les chiffres impitoyables. Un seul résume l’impasse. 77% des revenus budgétaires de l’Etat sont toujours le fruit de l’exportation de ressources naturelles non renouvelables. Après dix années d’appel incantatoire à la diversité de l’économie. Ce qui met l’Algérie dans la case intermédiaire entre les pays tirés par les facteurs (économie primaire) et les pays tirés par l’efficience (économie intermédiaire). Loin de la case des pays tirés par l’innovation. Le rapport sur l’état de la connaissance de l’Unesco de novembre 2010 est accablant. Encore plus préoccupante qu’un gros dessous de table sur le contrat de l’autoroute Est-Ouest. L’Algérie s’est inscrite durablement dans le schéma ancien. Celui qui comptabilise la richesse nationale sous l’angle de l’accumulation matérielle. Nombre de publications par million d’habitants ? Nombre de dépôts de brevets ? Classement des universités ? Le développement de l’Algérie est l’histoire d’une «entropie à rallonge».

Un désordre intérieur permanent des trajectoires, des énergies, des politiques. «Les Japonais disent, peu importe où l’on va. L’essentiel est d’y aller tous ensemble», rappelle Taïeb Hafsi. La fin de «la malédiction des ressources», expression de Ahmed Benbitour, rendrait la convergence nationale obligatoire. 16 ans pour le pétrole, 25 ans pour le gaz naturel. Les deux horizons de la vie de l’exportation. La situation est donc sérieuse. Mais le paradigme ancien est toujours là. Le président Bouteflika, ou ses fondés de pouvoir, arbitrent les options technologiques des TIC, les choix de politiques énergétiques, les filières techniques du renouvelable, les contenus pédagogiques des réformes scolaires, la gestion du taux directeur de la Banque d’Algérie, les incitations du code des investissements, la stratégie capitalistique à l’international de Sonatrach. Conséquence, il n’arbitre rien. C’est la dernière variante de l’hyper-concentration du politique. Les élites savantes veulent rationaliser le management en Algérie. En transcendant, par les consensus construits, le clivage de la société réelle. Naïfs ? Peut- être pas finalement. Le discours est nouveau. Il n’a pas encore été «snipé» par Ahmed Ouyahia. Un bon début.

El Kadi Ihsane

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