mercredi 9 septembre 2009

Patriotisme économique

Cette rentrée sociale restera inconestablement marquée, au plan économique, par la controverse qu’a alimenté la loi de finances complémentaire 2009 et ses dispositions relatives à la protection de l’économie nationale envahie par des importations de toutes natures et pas toujours, ni utiles ni nécessaires. Mais au-delà de cette question qui, somme toute, reste conjoncturelle. Cette loi de finances a remis sur le tapis la grande question de l'ouverture commerciale des économies en développement et ce qu’elles auraient à espérer ou, au contraire, à craindre d’une politique libre-échangiste.

En d’autres termes, et pour parler de notre pays, le gouvernement a-t-il eu raison de chercher à «serrer les boulons » du commerce extérieur ? Tout de suite, la réponse est oui. Mais l’a-t-il fait judicieusement et a-t-il emprunté la meilleure voie pour atteindre son objectif ? Les opérateurs économiques nationaux ainsi que les analystes sont plutôt nombreux à répondre : non. Mais là n’est pas notre propos, aujourd’hui. Ce qui nous occupe aujourd’hui, c’est cette tendance de la pensée dominante au plan mondial à préconiser, avec insistance, l’ouverture commerciale et le libre-échange aux pays en développement car ce serait là que résiderait leur bonheur. Pourtant, c’est bien dans les pays capitalistes développés qu’a été remis à l’honneur, ces dernières années, le concept de «patriotisme économique» considéré jusque-là comme un... gros mot et que sont agitées de plus en plus ouvertement les politiques protectionnistes, chaque pays voulant sauvegarder ses emplois, ses unités de production, ses équilibres financiers extérieurs.

Ce sont bien ceux-là mêmes qui ont défendu les bienfaits d’une économie mondialisée, sans frontière, libre-échangiste qui aujourd'hui revendiquent une régulation mondiale, une gouvernance mondiale de ce processus de globalisation. Et la crise économique mondiale actuelle les a encore plus confortés dans leur retour au «patriotisme économique» et la défense des intérêts nationaux chaque fois que le libéralisme les remet en cause. Le président de la République française rappelait encore récemment que «la France ne peut pas accepter n’importe quelle concurrence» et que «l’Etat a des responsabilités dans la défense des intérêts économiques de la France, et il entend bien les assumer pleinement ».

Mais il n’y a pas que le président français qui clame le bien-fondé du patriotisme économique. Rappelonsnous l’Administration Bush qui a réinstitué au début des années 2000, le système des quotas pour protéger l’acier américain peu compétitif sur le marché intérieur. Ou encore, le Congrès américain qui, pour stopper une tentative d’achat d’une compagnie américaine de pétrole par des investisseurs chinois, a classé cette compagnie «entreprise stratégique », comprenez non cessible. Rappelons-nous aussi la vague protectionniste qui a fait face à la compétitivité du textile chinois sur les marchés américain et européen à la suite de la fin du système des quotas prévue et prononcée par l’OMC.

Au sein même de l’Union européenne, et à la suite de son élargissement notamment aux pays d’Europe centrale et orientale (PECO), rappelons- nous la levée de boucliers véhémente avec laquelle a été reçue la libéralisation du marché des services (la fameuse circulaire Bolkenstein) dans des pays comme la France et l’affaire du «plombier polonais» (les travailleurs polonais coûtant beaucoup moins cher que les travailleurs français, allemands ou anglais, allaient envahir les marchés européens, concurrencer les travailleurs de ces pays et y accentuer le fléau du chômage).

Enfin, et pour ne citer que ces quelques exemples, après l’affaire Danone, entreprise dont le gouvernement français a refusé la délocalisation, il y a eu l’affaire Arcelor, entreprise sidérurgique qui a fait l’objet d’une offre publique d’achat (OPA) inamicale de la part de la société indienne Mittal Steel et qui a suscité le courroux du gouvernement français ainsi que de la plupart des économistes de ce pays, offusqués par l’initiative indienne, reniant ainsi les «vertus» du libéralisme financier et acceptant d’entraver «le libre fonctionnement des marchés», comportement qu’ils se pressent pourtant à dénoncer dès que des pays du Sud cherchent à défendre leurs intérêts économiques et leurs marchés intérieurs.

Ainsi, et pour revenir à notre économie, les termes du débat doivent être clairs : il n’est pas question de discuter le bien-fondé des mesures du gouvernement algérien visant à protéger l’économie nationale, le marché national et les entreprises nationales. L’économie de marché peut très bien fonctionner dans un contexte régulé, une ouverture commerciale maîtrisée, une gestion des équilibres financiers extérieurs. Encore une fois, ce sont les méthodes utilisées pour assurer cette régulation et ces contrôles qui demandent à être revues dans le sens d’une plus grande concertation avec les acteurs économiques et sociaux nationaux. C’est cela aussi le patriotisme économique.

Par Abdelmadjid Bouzidi

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire