jeudi 10 septembre 2009

Mont-de-piété

Y a-t-il des pauvres en Algérie? Un ministre de la République nie une telle hypothèse estimant sans doute que 12.000 DA par mois (valeur du Snmg actuellement en vigueur) est suffisante pour permettre à une famille moyenne algérienne (généralement entre quatre et six personnes) de vivre correctement. Mais en fait, la question de la pauvreté se pose-t-elle réellement lorsque chaque année, en ce même mois de piété de Ramadhan, l’Etat mobilise ses services aux fins de venir en aide aux nombreuses familles démunies que compte la République.

De fait, un autre ministre de la République chiffre cette catégorie de la société à près de 1,5 million de familles. Ce qui fait quand même pas loin de 6 à 7 millions de personnes pauvres en Algérie. Mais pourquoi focaliser sur ces pauvres gens, seulement durant le mois sacré, alors qu’ils souffrent le martyre le reste de l’année pour joindre les deux bouts? Pourquoi s’en cacher?

En effet, si effectivement il y a des Algériens repus, auxquels rien ne manque, d’autres citoyens ont toutes les peines du monde à faire bouillir leur marmite. C’est tellement vrai qu’il suffit de voir ces cohortes de femmes qui font les chaînes devant les «Mont-de-piété» pour gager leurs biens les plus précieux, qui leur permettront de subsister un jour, une semaine ou un mois.

C’est celle-là en fait la réalité de l’autre Algérie sur laquelle est jeté un voile et sur laquelle on ne veut pas trop s’appesantir, surtout lorsque l’Etat se glorifie d’un matelas de 150 milliards de dollars, inégalement répartis, dont les retombées ne sont pas trop visibles sur le niveau de vie des Algériens. Des Algériens qui ont recours aux prêteurs sur gage et à des établissements spécialisés pour faire la soudure.

Si la Banque de développement local (BDL) a créé un service de «prêt sur gage» (BDL/PSG) c’est que le besoin se faisait sentir. De fait, la BDL, au regard des circonstances et pour venir en aide aux plus démunis, est revenue au système «ad hoc» du «mont-de-piété» institution fondée en Italie au XVe siècle afin de soulager la misère des plus pauvres. La BDL a en fait hérité des anciens crédits municipaux qui faisaient office de banques des pauvres. Dès lors, il faut vraiment être pauvre pour se voir contraint de recourir à ces expédients, les femmes mettant en gage bijoux et biens précieux contre quelques dinars sans qu’elles soient assurées qu’elles puissent rembourser leur dette et/ou récupérer leurs biens un jour.

C’est indéniable, il y a des citoyens qui sont démunis en Algérie. Il suffit de faire un tour à Alger la nuit pour voir ces centaines de SDF (sans domicile fixe) qui dorment à même les trottoirs. Ce qui est regrettable en revanche est le fait qu’il n’existe pas des statistiques fiables sur ces citoyens démunis et sur la pauvreté en Algérie en particulier. La paupérisation d’une partie, de plus en plus importante, de la population, notamment dans les régions rurales, est un fait évident, même s’il n’est pas admis officiellement. Quand l’Etat distribue les couffins du pauvre, lorsque la banque ouvre des services de prêts sur gage il y a, à tout le moins, urgence à revoir le fonctionnement de la gouvernance et une répartition, plus équitable de la manne pétrolière.

N. KRIM

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