mardi 22 septembre 2009

Fiction et réalité

Le plus sérieusement du monde, avec des airs de celle qui a trouvé quelque chose de génial et sur le ton de la question la plus pertinente, une animatrice de l'ENTV demandait la matinée de l'Aïd à une comédienne si ses légendaires disputes dans les feuilletons où elle jouait étaient «vraies» ou simulées.

Avoir l'immense responsabilité de s'adresser à des millions de téléspectateurs et se permettre un niveau d'ignorance tel qu'on en arrive à confondre la fiction et la vie réelle, il faut vraiment être «trouvée» par les recruteurs.

En fait, cette brave demoiselle, à défaut d'avoir quelque chose qui vaille la peine d'être éclairé dans la vie professionnelle et la vie tout court de l'attachante comédienne oranaise, s'est mise dans la tête de lui poser la question qui a toujours taraudé la ménagère analphabète : est-ce que les histoires qu'on lui raconte à la télé sont vraies ou créées de toutes pièces ?

En fait, il n'y a pas que l'histoire et son authenticité qui l'intéressent, il y a aussi les personnages et ceux qui les campent. Hommes ou femmes de chair et de sang, il arrive que la confusion s'installe entre le rôle et la vraie vie. Des femmes et des hommes du genre à demander à une comédienne si, dans une fiction, elle joue ou elle ne joue pas, il doit y en avoir beaucoup, sinon il n'y aurait plus de ménagères analphabètes depuis longtemps.

Et puisqu'il faut toujours trouver quelque chose pour positiver, disons tant mieux qu'en cette matinée de l'Aïd, quelqu'un soit venu relancer la curiosité et entretenir le… suspense. Parce qu'en fait, c'est peut-être le seul ingrédient qui pimente un peu les feuilletons de l'ENTV.

Les interrogations commencent à la fin et c'est dans la logique des choses : elles n'ont rien à voir avec les histoires. Le même jour, l'ENTV nous emmène dans un hôpital où des âmes généreuses étaient là à donner de leur temps et de leur argent pour que des enfants malades puissent passer des moments agréables en ce jour de fête.

En fait, ceux qui étaient là, la télévision en tête, réussissaient une seule chose : toujours rappeler aux enfants qu'ils sont «de pauvres malheureux» qui n'ont pas la chance de passer l'Aïd chez eux comme tout le monde. A aucun moment, on n’a tenu ces enfants à distance respectable de leur condition.

Là où il fallait une parole gaie, ils ont eu la leçon de morale, là où ils devaient s'exprimer, ils ont été relégués au rôle de prétexte pour laisser parler leurs «bienfaiteurs». A l'hôpital, il n'y a que la réalité. Paradoxalement, c'est là qu'on vient le plus «jouer». A la différence des feuilletons, personne ne confondra avec la fiction.

Slimane Laouari

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