mercredi 25 mai 2011

Que reproche donc le gouvernement à l’entreprise privée ?

Nous avons déjà eu à traiter de l’attitude économique défensive du gouvernement. L’actualité de notre pays, marquée par la tenue de la 14e tripartite le samedi 28 mai, nous impose de revenir sur cette question de la gestion de l’économie nationale par le gouvernement Ouyahia. Financièrement, l’Algérie n’a jamais été, depuis 1962, aussi prospère. Totalement désendettée au plan externe, des réserves de change de plus de 150 milliards de dollars, près de 4 500 milliards de dinars dans le Fonds de régulation des recettes (FRR)... Merci le pétrole !

Pourtant, c’est dans ce contexte macro-financier largement favorable que le gouvernement choisit une stratégie économique totalement défensive et décourageante pour les entrepreneurs.
I/ De nouvelles dispositions qui n’attirent pas les investissements directs étrangers. Alors que dans toutes les régions du monde, les Etats redoublent d’ingéniosité pour attirer les IDE qu’ils considèrent comme de bons vecteurs d’impulsion des exportations, de créations d’emplois, de transfert de savoir-faire et d’apprentissage, fait inattendu, c’est le moment que choisit notre gouvernement pour «refroidir» les éventuelles intentions des promoteurs étrangers d'investir chez nous ! «Nous n’avons pas besoin de votre argent. Nous avons besoin de votre technologie», dit le ministre de l’Industrie aux investisseurs étrangers. «Il n’y a qu’à exprimer vos besoins et nous sommes là», c’est la réponse qu’espère entendre peut-être le ministre de la part de ces investisseurs étrangers. Eh bien, non, les IDE ne viendront pas massivement chez nous. Mais, plus sérieusement, les dernières circulaires du Premier ministre ne sont pas faites pour encourager les investisseurs étrangers à choisir l’Algérie. C’est le moins que l’on puisse dire. Ces circulaires exigent de ces investisseurs :

1- Un capital détenu à 51 % au moins par des opérateurs nationaux. Au-delà de la participation algérienne au capital et de son taux, c’est la présence de celle-ci dans la gestion de l’affaire qui pose problème à l’investisseur étranger. Problème d’efficacité et de performance, les bons capitaines d’industrie n'étant pas légion chez nous.
2- L’investissement étranger doit faire rentrer dans le pays plus de devises qu’il n’en sort (balance devises excédentaires). L’Etat algérien ne veut prendre aucun risque. Mais, y a-t-il industrie sans risque ?
3- Il y a un impôt sur les dividendes.
4- Le financement de l’IDE est à mobiliser sur le marché bancaire algérien.
Les commentateurs et analystes ont conclu, après ces circulaires, à une indifférence sinon à un rejet de la part de l’Etat algérien, des IDE. Et c’est dommage !

II/ S’agissant des opérateurs économiques nationaux, des dispositions de la loi de finances complémentaire 2009, instituant le Credoc pour le financement des importations, puis récemment un décret sur les importations en franchise de droits de douane, ont sérieusement secoué les entrepreneurs du secteur privé qui souffraient déjà d’une perte importante de parts de marché intérieur à cause de la concurrence déloyale du secteur informel.

Nous connaissons l’affaire du Credoc et ses retombées sur l'approvisionnement en input de l'appareil national de production. Au moment où tout le monde attendait des mesures rectificatives, voilà qu’est publié un décret qui bloque au port les matières premières si nécessaires au fonctionnement de l’outil de production et qui va alourdir considérablement les procédures d’importation, y compris les importations de matières premières, demi-produits et pièces de rechange pour les unités de production. Prétextant d’un suivi statistique des importations, le gouvernement institue une licence d’importation en franchise des droits de douane, c’est-à-dire pour toutes importations en provenance de pays ou de zone avec lesquels nous avons des accords de libre-échange (il faut savoir que 70% de nos importations viennent de l’Union européenne avec laquelle nous avons précisément un accord de libre-échange).

Factures pro forma, copies légalisées du RC, identifiant fiscal, statuts de la société, attestation de dépôt de comptes sociaux auprès du CNRC, extrait de rôles apuré, copie légalisée de l’attestation de mise à jour avec la Cnas... tout ce lourd dossier est à déposer au niveau de la Direction du commerce de la wilaya territorialement compétente, qui les transmet à la Direction régionale du commerce concernée, pour visa. Ce n’est qu’après toutes ces procédures que les marchandises pourront être récupérées, après contrôle des douanes, par leurs importateurs. Des délais longs qui occasionnent, bien sûr, des surcoûts aux entreprises et des pénalités douanières de retard d’enlèvement.

III/ Le président du Conseil des participations de l’Etat (qui est le Premier ministre) a émis un projet de résolution sur la gestion des entreprises publiques qui, s’il est adopté (et il va certainement l’être) mettra totalement sous éteignoir les entreprises publiques. Ainsi, au moment où le gouvernement annonce que la croissance et le développement économique se feront avec les entreprise publiques ou ne se feront pas, il décide d’une mise sous tutelle administrative réglée de ces dernières. Les SGP ne servent plus à rien ; les ministères de tutelle ont des droits non seulement de contrôle à la fois de conformité et d’opportunité mais aussi des droits d’injonction. Les directeurs généraux des entreprises publiques n’ont plus aucune marge d’initiative. Les réformes de 1988 portant autonomie de l’entreprise publique et création des entreprises publiques économiques (EPE) ont fait long feu.

Et tout cela en l’absence (voulue) de tout organe de pilotage de l’économie puisque nous savons qu’il n'y a plus de plan. Investissements directs étrangers méprisés, secteur économique privé bridé, secteur économique public mis sous gestion administrative directe : une «stratégie» économique défensive d’autant moins compréhensible que l’Etat dispose de moyens financiers qui lui permettent de revenir aux réformes, de mettre en place le système économique de marché régulé, d’engager enfin la bataille des contraintes d’efficacité. Bref, d’engager la sortie des tranchées. Il faut espérer que la 14e tripartite du 28 mai abordera sérieusement ce dossier de l’entreprise et des innombrables difficultés que rencontre la liberté d’entreprendre.

Par Abdelmadjid Bouzidi


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