mercredi 25 mai 2011

De Yalta à Benghazi via Berlin

La crise en Libye évolue de manière symptomatique du nouvel ordre mondial qui se met en place. Sans remonter à l’Antiquité, il est bon de rappeler que la Libye, alors occupée par l’Italie, a été déjà «découpée» en trois parties en 1943. Deux parties (Cyrénaïque et Tripolitaine) pour la Grande-Bretagne et le Fezzan pour la France. C’est l’ONU qui «réunifia» la Libye en 1949 en se déclarant favorable à l’indépendance du pays incluant les trois parties.

Donc ce n’est pas un hasard si l’on retrouve sur le terrain des combats l’Angleterre et la France bien plus engagées que les forces de l’Otan. L’entrée en action, depuis lundi dernier, des hélicoptères de ces deux pays qui, de toute évidence, jugent «molles» les frappes de l’Alliance atlantique, renforce l’idée d’un réveil des vieux démons. Il ne faut pas oublier que c’est la France, suivie de l’Angleterre, qui ont donné le coup d’envoi des bombardements sur la Libye avant que l’Otan ne reprenne le commandement des frappes. Les revoilà donc, se détachant de l’organisation, sur le théâtre des opérations de leur ancienne colonie. Le rôle du Royaume de Sa Majesté britannique ressemble, à s’y méprendre, au «marquage de joueurs» en usage dans les compétitions sportives. Histoire de ne pas laisser la France «s’échapper».


L’acharnement de la France est plus difficile à déceler. Une France dont on ne sait plus qui, de l’Elysée ou du philosophe Bernard Henri Lévy, prend les décisions. Une chose est sûre, le nouvel ordre mondial abat ses cartes, l’une après l’autre et en fonction de l’évolution de la situation. Après que BHL ait réussi à faire recevoir à l’Elysée les représentants du CNT de Benghazi, après que la France ait reconnu officiellement ce que les médias français continuent pourtant d’appeler «la rébellion» et après que l’Italie lui ait emboîté le pas, voilà que l’Union Européenne ouvre un bureau de «représentation» à Benghazi. Washington et Moscou suivent et reconnaissent «la légitimité» du CNT.

C’est un vaste mouvement de «reconnaissance» d’un Etat qui n’en est pas un. Voilà l’aspect fondamental du nouvel ordre mondial qui apparaît de plus en plus. Au diable! la démocratie, les droits de l’homme, le suffrage universel, ce nouvel ordre ne s’embarrasse pas des vieilles règles, définissant les Etats, qui ont prévalu jusque-là. L’ONU, dont c’était le rôle de reconnaître les nouveaux Etats, fait profil bas. Elle aura juste servi à donner le «bon à tirer» avec sa résolution 1973. Le plus inquiétant dans ce nouvel ordre mondial est sa proximité avec la multinationale du crime Al Qaîda. Le N°2 de l’organisation, Ayman al-Zawahiri, devenu N°1 depuis la disparition de Ben Laden, a, lui aussi, «reconnu» Benghazi et profite de la situation qui y prévaut pour armer son équipe qui sévit au Sahel.

Après le dépeçage de la Libye, si le coup réussit, la tentation d’appliquer le même scénario dans d’autres pays de la région transparaît dans les actions de ce nouvel ordre mondial. L’autre aspect aussi fondamental qui apparaît dans la structure de ce nouvel ordre est l’exclusion des Etats-Unis d’Amérique. Quoique même là-bas, il y a deux visions de l’Amérique. Celle de Barack Obama, le démocrate et celle de John McCaïn, le républicain qui est allé à Benghazi apporter son soutien à la rébellion. L’objectif de ce nouvel ordre mondial est de maintenir la planète en état de guerre permanent. Pour dessiner une nouvelle carte géopolitique qui viendrait remplacer celle qui a eu pour point de départ la chute du mur de Berlin qui, elle-même, avait remplacé celle de Yalta. C’est la carte de troisième génération en langage Ntic. Sauf que tout n’est pas joué.

Zouhir MEBARKI

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