mardi 13 octobre 2009

Pédagogie

Un de mes confrères s’indignait (j’appelle confrère, tout individu qui passe son temps à noircir du papier dans la presse nationale et qui dit tout haut ce que les autres pensent tout bas, ou ne pensent pas vu que les préoccupations des uns sont situées aux antipodes de celles des autres...) que dans les manuels (c’est ainsi qu’on désignait de mon temps les livres scolaires, qu’ils soient de lecture ou de tout autre matière enseignée à l’école) scolaires, les prénoms des enfants choisis pour être les héros de ces pages que les têtes innocentes auront à assimiler, sont bien loin des réalités sociologiques de notre époque.

Manil et Sazil (si je me souviens bien!), ne seraient pas des prénoms usités actuellement dans son environnement immédiat. Eh bien, cher confrère, tout cela dépend du quartier et de la région où tu habites. L’Algérie étant une grande mosaïque de particularités, les modes des prénoms sont sujettes aux facteurs culturels, historiques et de modes. Mais pour les besoins pédagogiques, il est indispensable que l’enfant s’identifie aux héros, dont il lit les aventures d’une voix balbutiante.

Il faut se rappeler que quand les Français ont commencé à ouvrir des écoles dans notre pays, les premiers écoliers eurent à assimiler les prénoms français comme Jean, Jeanne, Jacques... C’était un traumatisme supplémentaire pour ceux qui avaient à affronter un instituteur ou une institutrice qui parlait et enseignait une autre langue que celle qu’il utilisait à la maison.

Le berbère et l’arabe étaient pour la cour de récréation. Mais, un peu tard, les pédagogues francophones comprirent que pour mieux intégrer l’indigène, il fallait lui proposer des modèles évoluant dans son environnement avec des prénoms bien de chez lui. C’est ainsi que nous eûmes droit au fameux livre Bonjour Ali, Bonjour Fatima qui fit le bonheur de bien des Algériens. Il faut rappeler qu’outre les mésaventures de Djeha qui étaient inclues dans ce manuel, il y avait des petites poésies qui étaient d’un ton bien de chez nous bien qu’écrites en français:
«Connaissez-vous Madi?
C’est le fils du cadi
Il est venu lundi
Il a lu mardi
Il a écrit mercredi
Il a compté jeudi
En congé vendredi
Et absent le samedi
Et dimanche on m’a dit
Connaissez-vous Madi?»

Au temps où l’on enseignait «nos ancêtres les Gaulois», ces vers mirlitons étaient les bienvenus, bien que Madi soit le fils d’un personnage important, le cadi. On peut remarquer que le vendredi est jour de congé comme dans notre école, car c’était le jour de marché dans le village et qui portait le même nom (djemaâ).

La pédagogie coloniale avait assimilé tous les paramètres pour introduire l’élève dans le moule qu’on lui préparait.

Qu’en est-il aujourd’hui? Bien qu’Ali et Fatima renvoient directement à l’aube de l’Islam et que tous les élèves puissent s’identifier à eux, (à part une minorité hostile à la tendance fatimide), il est fort probable qu’aujourd’hui la mode est au prénom importé de l’Orient par les différents canaux: la télévision ou le terrorisme.

Ce n’est pas un hasard si beaucoup de jeunes s’appellent aujourd’hui Oussama. Donc, au lieu d’Ali et de Fatima, de Malik et Zina, pourquoi ne pas proposer plus simplement Bouzid et Zina: cela réunirait plus de suffrages que Kahena et Jugurtha. Dire qu’un citoyen a été condamné à payer une amende pour s’être entêté à nommer son fils Gaïa!

Selim M’SILI

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