mardi 20 octobre 2009

Discours

Le directeur avait élargi son sourire. Il avoue qu’il avait un bon souvenir du journal satirique mais qu’il avait en mémoire surtout les dessins merveilleux de Haroun, les personnages d’Aïder, les planches de Slim et de Sid Ali Melouah. Mais il avait oublié les noms des auteurs de texte. Comme quoi, un bon croquis vaut mieux qu’un long discours.

Le directeur se reprit et me demanda d’une voix abrupte: «Puisque vous avez débuté dans un journal satirique, pourquoi ne pas produire des chroniques politiques, caustiques, acerbes au lieu de sketches qui ressemblent à du théâtre de boulevard? Il n’y a pas mieux qu’un billet d’humeur pour attirer le lecteur sur le problème du moment.

-Vous savez, il y a bien longtemps que j’ai perdu mes illusions et que je me suis aperçu que ni une chronique, ni un billet, ni un livre, ni aucune oeuvre artistique ne pourra influer sur le cours des choses.

On ne peut que s’attirer des ennuis en essayant de coucher sur le papier ce qu’on a dans le coeur. Vous savez, j’éprouve toujours un sentiment de commisération envers les rédacteurs qui peuvent chaque semaine faire un éditorial, une chronique ou un billet sur des problèmes qui demeurent irrésolus. Je vous donne un exemple: le problème palestinien. C’est l’écharde plantée dans le coeur de chaque patriote arabe ou dans l’âme de tous les musulmans sincères.
Eh bien! il y a des gens qui reproduisent les mêmes articles pour dénoncer l’agressivité, l’intransigeance d’Israël, la complicité des pays occidentaux et l’impuissance des pays arabes dont les pouvoirs sont trop divisés, à cause d’intérêts égoïstes divergents, pour s’unir et adopter une position conforme aux intérêts du peuple palestinien. Moi, je dis que c’est de la salive et de l’encre gâchées!

Il suffit de faire un long article sur l’historique de la question palestinienne avec les moments forts: Congrès de Bâle, fondation du Congrès juif mondial, déclaration Balfour, achats de terres et immigration juive en Palestine, tous les deux encouragés par la puissance coloniale de l’époque, arriération des régimes arabes, déclin de l’Empire turc, les deux guerres mondiales, les crimes nazis, Exodus et les guerres de 67 et 73.

Avec cela, chaque citoyen sait à quoi s’en tenir. Je dirais même mieux. Si à côté de la saga palestinienne on pouvait faire lire à chaque lecteur le merveilleux livre d’Amin Malouf, Léon l’Africain. Quand vous lisez la description du climat qui prévalait avant et après la chute de Grenade, vous comprendrez que rien n’a changé sous le ciel d’Allah et que les régimes arabes d’aujourd’hui se comportent étrangement comme ceux d’hier: ils sont divisés, ils ne sont motivés que par des considérations étroites.

Certains sont même de connivence avec les pays occidentaux car leur survie dépend d’eux. Et pour couronner le tout, la rente pétrolière, c’est elle qui paralyse le bras arabe au lieu de le fortifier. Si on ne met pas en évidence la complicité entre la finance internationale dont le lobby pétrolier anglo-saxon, il est inutile de parler de la question palestinienne. Quant aux croisades ce sont des comptes à faire rêver les petits enfants!»

Selim M’SILI

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