mercredi 28 octobre 2009

Dépenses à hauteur de minaret

La Grande mosquée d’Alger ne risque-t-elle pas, par conséquent, de connaître le même sort que le métro d’Alger, lui aussi lancé dans un moment d’euphorie avant de se voir rattrapé par la chute du prix du baril et contraint à trente ans de retard ?

Adeptes du gigantisme, amateurs de grandiloquence, partisans du prestige à tout prix, vous serez servis : Alger aura sa Grande mosquée. Ceux qui croyaient que le projet était abandonné suite à un sursaut de pragmatisme, ou par la grâce de considérations économiques terre à terre induites par une crise financière qui invite plutôt à la prudence, en auront eu pour leur “excès de bons sens”.

Passons sur l’intérêt architectural, cultuel ou culturel, voire politique, peu consensuel et peu évident, d’un tel ouvrage. Les 1 216 kilomètres (plus de 1 700, en comptant les pénétrantes et les ouvrages annexes) de l’autoroute est-ouest ne sont pas encore livrés que, déjà, sont mises à mal les caisses de l’État, renflouées par un prix du baril un temps en folie mais désormais voué à la stagnation si ce n’est à la dégringolade. S’il faut rappeler ici que le budget initialement alloué à ce même projet d’autoroute a dû être multiplié par quatre, chemin faisant, on peut s’interroger sur le coût final de notre future Grande mosquée.

Il sera, à coup sûr, à la hauteur du minaret qui va surplomber le quartier de l’ex-Lavigerie. Mais avant cela, interrogeons-nous d’abord sur la faisabilité d’un tel projet. L’Algérie a-t-elle réellement les moyens de mettre en œuvre et de mener à son terme la réalisation d’un aussi coûteux édifice ?

Nos gouvernants sont évidemment mieux instruits que quiconque sur l’état de nos finances, mais à voir le budget qu’ils prévoient pour 2010, on sait au moins que le pays devra faire face, dès le prochain exercice, à des dépenses au moins équivalentes à nos recettes sur la même période. La prochaine dotation se veut en effet très sociale, histoire de concrétiser une partie des promesses faites par le chef de l’État durant sa dernière campagne électorale.

Des promesses coûteuses, très coûteuses. Mieux, l’État s’apprêterait, à en croire le ministre du commerce, à investir directement dans l’industrie agroalimentaire ! Avec un tel niveau de dépenses, il y a de quoi s’inquiéter qu’il n’y en ait déjà plus pour parachever les chantiers déjà en cours.

La Grande mosquée d’Alger ne risque-t-elle pas, par conséquent, de connaître le même sort que le métro d’Alger, lui aussi lancé dans un moment d’euphorie avant de se voir rattrapé par la chute du prix du baril et contraint à trente ans de retard ? À moins que cette mosquée dont on veut, dit-on, qu’elle soit dotée du troisième plus haut minaret du monde, soit la priorité des priorités. Ce qui appellerait d’autres questions, plus en rapport avec la religion et l’abstrait qu’avec l’économie simple et concrète.

Par : Saïd Chekri

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