dimanche 13 septembre 2009

Les imprimeries publiques de presse : une arme politique coûteuse

Le syndicat des travailleurs de l’une des deux imprimeries d’État a écrit au Premier ministre pour se plaindre des interférences, dommageables à la gestion de leur unité, du chef de cabinet du secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargé de la Communication.

La lettre confirme d’abord l’absence, chez nos dirigeants, de tout souci de rentabilité en matière d’imprimerie et de publicité conçues comme des armes de contrôle de l’expression publique. En la matière, l’argent est le nerf de la guerre. Il faut le dépenser quand il s’agit de brouiller le message de la critique en finançant le message parasite de la louange.

Le principe de commercialité peut cependant être invoqué quand il sert la stratégie d’étouffement de l’expression autonome. La dernière fois que le pouvoir en fit usage, c’était en 2003, à la veille de la campagne pour le deuxième mandat. Les imprimeries durent dénoncer l’article des conventions relatif au délai de paiement de soixante jours pour exiger subitement que les factures d’impression soient honorées sur-le-champ, y compris celles qui n’étaient contractuellement pas arrivées à échéance ! Cela concernait “les journaux qui paient” ; les titres qui bénéficiaient, et bénéficient encore, d’un tacite mémorandum et continuent à accumuler les dettes, celles justement à l’origine de la réaction alarmée du syndicat de Simpral.

On apprend aussi que c’est le chef de cabinet du secrétariat d’État qui ordonna que “l’impression des journaux ne doit pas avoir lieu durant la nuit du jeudi au vendredi”, empêchant la presse de paraître le vendredi et malgré un réaménagement de la semaine de travail introduit par l’État ! L’auteur de l’instruction invoquait l’argument selon lequel cette nuit était “réservée à la maintenance” pour des équipements qui nécessitent et se suffisent d’un entretien diurne et quotidien.

Cet épisode nous donne enfin la confirmation matérielle de la relation d’autorité qu’exerce le pouvoir exécutif sur le “pouvoir” législatif, lui aussi converti en arme politique contre les libertés syndicales et de presse : le secrétaire général du secrétariat d’État a ordonné, et par écrit, la suspension de l’application d’une décision de justice qui donne gain de cause à l’imprimerie contre ses créanciers. Pourquoi, en l’espèce, l’État défendrait-il de mauvais payeurs privés contre les intérêts d’entreprise d’État ?

Il est clair que la finalité de ces abusives pratiques — l’intervention autoritaire de la tutelle, le dorlotement de la sensibilité islamiste, la manipulation arbitraire des règles commerciales — est de brouiller, sur le compte du Trésor public, le message médiatique et d’empêcher la concurrence, et donc le lecteur, d’influer sur la formation du paysage médiatique. Le monde de la presse est dispensé de tout effort qualitatif et ainsi maintenu dans la médiocrité d’une édition de rentiers. Le pouvoir ferme les yeux sur les créances de ses débiteurs qui le paient en fermant les yeux sur ses excès.

Que reste-t-il de la liberté de la presse alors que l’audiovisuel est prisonnier du pouvoir absolu et que la presse écrite privée, déjà d’influence marginale, est pervertie par le détournement politique du potentiel public d’édition et d’impression ?

Par :Mustapha Hammouche

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