samedi 26 septembre 2009

Le blé et nos scepticismes

La production céréalière algérienne a plus que triplé en une année. De 17 millions de quintaux pour la saison passée, elle est passée à plus de 60 millions. En attendant que soient détaillée cette récolte exceptionnelle, il faudra sûrement l'apprécier d'abord en tant que telle.

On sait d'abord que la proportion d'orge, la localisation régionale des terres qui ont réussi les meilleures performances, la part de la pluviométrie et les procédés qui ont concouru dans cette production peuvent, une fois connus, relativiser la performance.

Mais ces facteurs sont loin de pouvoir être déterminants dans l'analyse des raisons qui ont permis cette récolte. Si les observateurs avertis savent qu'une fertilité hors normes, pour ne pas dire artificielle, est possible sur un temps et des superficies réduits, ils savent aussi que la production céréalière algérienne de cette année, quand bien même elle susciterait des interrogations sceptiques sommes toutes naturelles en raison de son ampleur, ne peut pas avoir été le résultat d'heureuses coïncidences météorologiques conjuguées à quelque volontarisme de conjoncture.

Les exemples en la matière ne manquent pas et l'Arabie Saoudite en a donné l'exemple parfait en réussissant de belles cultures de laboratoire qui sont destinées à rehausser son prestige et tempérer un tant soit peu son image peu reluisante d'énorme fût de pétrole.

Mais l'Arabie Saoudite a les moyens de sa «politique» en supportant de produire du blé à des dizaines de fois son prix sur le marché mondial, quitte, en exagérant un peu la caricature, à l'arroser avec des fontes d'icebergs ramenés du pôle nord. L'Algérie ne peut pas se permettre de tels caprices, et pour tout dire elle n'y a jamais songé, en dépit d'une politique agricole qui a rarement été un exemple de réussite.

On peut avoir fait de mauvais choix, mais on sait qu'on ne peut pas s'amuser avec les cultures stratégiques. L'autosuffisance est un objectif maintenant au moins assez vieux pour ne pas avoir permis d'intégrer les voies et les moyens d'y parvenir.

Et pour une fois qu'une mesure concrète d'encouragement de la production a donné des résultats, on ne va quand même pas chercher des raisons de déchanter. Il faudra bien sûr se garder de jubiler pour une production d'une année qui, sans être «artificielle», peut décliner.

En plus, l'Etat ne peut pas se permettre pour longtemps de rapprocher ses prix d'achat chez les producteurs des cours du marché mondial. Une mesure d'intéressement sonnante et trébuchante pour un temps ne peut pas se substituer à une politique globale de production.

Sinon, il serait plus confortable de continuer à acheter le blé canadien ou français. En définitive, seule l'augmentation encore et encore de la production peut assurer notre consommation et, pourquoi pas, d'exporter. Tout compte fait, nous ne sommes qu'à un million de tonnes de l'autosuffisance et rien n'interdit d'autres ambitions, en dehors de nos scepticismes légendaires.

Slimane Laouari

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