samedi 26 septembre 2009

Laisser-aller

Les habitudes sont tenaces: elles tiennent lieu souvent de seconde nature au point qu’on les attribue la plupart du temps aux gènes. Chaque année, le mois de Ramadhan offre à nos concitoyens l’occasion de donner libre cours à leurs plus féroces appétits: c’est à qui consommera le plus de produits qui, le reste de l’année, peuplent les fantasmes d’une population anémiée par une hausse effrénée des prix et anesthésiée par une stagnation des revenus. Mais l’hyperactivité gastronomique et le gaspillage qui en découle ne sont pas, hélas, les deux mauvais côtés de ce mois censé être celui de la pondération, de l’introspection et de l’ascétisme.

A côté, se développent une nonchalance, un laisser-aller, un absentéisme qui réduisent ces services publics au strict minimum. Il faut compter en plus sur le développement d’une violence inouïe qui illustre la dégradation des rapports humains: ce n’est qu’après qu’on sourit à l’inanité des causes qui ont provoqué le déferlement de colère, d’injures ou de coups. «Bah! dit-on, c’est le Ramadhan!», l’excuse est vite trouvée pour expliquer le manque flagrant de civisme qui, le reste de l’année, n’est pas la vertu cardinale de nos concitoyens, mais qui atteint son paroxysme durant ces jours de privation et de frustration.

Et ce ne sont ni les causeries religieuses au coin du feu ou du tube cathodique, ni les génuflexions répétées qui adouciront les moeurs de gens réduits à la seule fonction digestive. Le mal est ailleurs! Mais où? Dans l’absence flagrante de l’Etat régulateur, modérateur et dissuasif? Ou bien, est-il tapi au fond de nos gènes comme une tare héréditaire? Toujours est-il que les effets négatifs enregistrés durant ce second mois de congé annuel sont perceptibles dans l’environnement: l’enlèvement des ordures ménagères est considérablement ralenti dans les cités de banlieue et seuls les grandes artères de la capitale et les quartiers huppés gardent leur aspect habituel.

Cependant, les citoyens, qui évitent d’avoir affaire aux services publics durant ce mois pour ne pas avoir à subir la mauvaise humeur d’agents privés de café, de cigarette matinale ou de sommeil (ah! le sommeil, me direz-vous, est la plus grande victime dans ces cités surpeuplées où les habitants deviennent de tardifs noctambules et où les haut-parleurs de mosquées...), déchantent souvent au lendemain des jours de fête: si cette année, on trouve encore du pain sur la voie publique ou dans certaines boulangeries, la plupart des services publics ont tourné avec le service minimum.

Des cafés, des restaurants sont restés fermés: la plupart des travailleurs de base y officiant viennent de l’intérieur du pays et profitent des fêtes de l’Aïd pour passer quelques jours supplémentaires avec leurs familles. Quant à certains services commerciaux d’entreprises publiques, ils ont simplement ouvert, avec un effectif minimum pour les mêmes raisons citées plus haut. Il en est de même pour certains services qui ont mis à profit le mois estival pour faire des opérations d’entretien: les travaux n’ayant pas été achevés, leur fermeture dictée par les retards de chantiers est prolongée sine die. Alors, cinq semaines de congé seront-elles suffisantes pour redonner le moral au travail. Pas sûr!

Selim M’SILI

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