lundi 14 septembre 2009

Chelghoum El Aïd

Chelghoum El Aïd. En dehors des habitants de la région et de quelques privilégiés qui connaissent avec précision la géographie du pays, il n'y a pas grand-monde à pouvoir la fixer sur une carte.

Entre Mila dont elle dépend par le fait d'un découpage administratif dont la logique n'est pas toujours saisissable, et Constantine, physiquement plus proche mais un peu trop haute par ses prétentions de grande cité, Chelghoum Laïd, bourgade sans illusion à l'instar des autres n'inspire pas grand-chose.

Une fois remise à sa véritable place, la petite et légère légende racontée dans plusieurs versions sur l'origine de son appellation, il n'y a presque plus rien à dire de cette petite ville jetée comme par nonchalance sur une plaine improbable, acquise à l'ennui éternel et désertée par la prospérité.

Chelghoum Laïd ne fait plus rire personne. De la légende qui lui a donné son nom, il ne reste que des pincements de lèvres figés dans la lassitude. De son quotidien, on retiendra une désolation devenue anonyme d'être trop largement partagée. A force d'être tranquille ou résignée, on n'attendait même plus d'elle le coup de gueule qui la placerait un jour sous les projecteurs.

Chelghoum Laïd, comme d'autres bourgades de sa condition et de son tempérament, a toujours donné l'impression de trop se suffire de la lumière du jour pour prétendre aux feux de la rampe. Mais voilà, dans cette bourgade sans illusion où on a rarement attiré l'attention, des hommes ont accompli un geste dont le moins qu'on puisse dire est qu'il est émouvant d'originalité.

Pourtant, il suffisait juste d'y penser. Et ils ont pensé ces «Chelghoumis», à déposer plainte, avec constitution de partie civile, contre le maire et ses adjoints, pour… détérioration de biens publics !

Que s'est-il donc passé dans cette contrée acquise à l'ennui éternel pour que des âmes insoupçonnables de colère se manifestent de façon aussi originale ?

Il y a un peu plus d'une semaine, le maire et les autres élus devaient tenir une réunion pour discuter des affaires de la cité.

Au président, on reprochait de prendre des décisions sans se concerter avec ses proches collaborateurs. La discussion a apparemment tourné court et les chaises ont commencé à voler dans toutes les directions. Bagarre générale.

Pas de blessés, mais d'importants dégâts. Des tables, des vitres et matériel divers ont volé en éclats. Ce sont des élus censés être les premiers protecteurs de la chose publique qui ont mis leur énergie et leur savoir-faire au service du massacre.

Simplement, sans bruit, des hommes ont fait leur travail de citoyens. A moins que ce ne soit des citoyens qui ont fait leur travail d'hommes. Ils ont porté plainte pour dire à ces «élus» ce qu'ils pensent d'eux. Le geste est émouvant. La plainte est émouvante. Le procès, lui, promet d'être cocasse.

Slimane Laouari

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