vendredi 7 octobre 2011

Internet : l’Algérie sur la RN 4 pour longtemps encore

L’Algérie se retrouve en 2011 pour internet dans la même situation que pour la téléphonie mobile avant l’ouverture du secteur à la concurrence en 2002. Monopole de fait d’Algérie Télécom sur l’ADSL. Incapacité à déployer une offre nationale de connexion à haut débit. 50% des habitants de la commune de Souidania, qui héberge à Rahmania le Cyber Park vaisseau amiral du web-économie algérien…, n’ont pas de téléphone fixe.

Donc pas de connexion haut débit. Même le palliatif système D de la formule Athir – CDMA radioélectrique –, lancé en 2007, ne fonctionne plus. Les BTS (bornes) sont en panne et abandonnées. Tout comme les clients. Le déploiement de la solution MSAN de très haut débit (triple play), présenté comme la panacée, a déjà six mois de retard dans le pays. Algérie Télécom n’y arrive pas. Et n’a aucune raison de faire vite. Seule au monde. Le rapport Pando Networks sur les vitesses de téléchargement dans le monde évalue un total de 27 millions de téléchargements depuis 20 millions d’ordinateurs dans 224 pays.

Pour l’ensemble du territoire, la vitesse du débit situe l’Algérie dans la moyenne mondiale avec 114 kilobits/seconde, mais lorsque l’analyse est plus fine, elle devient infamante pour l’opérateur historique (jurassique) national. La vitesse la plus basse mesurée dans une grande ville du monde est… Alger avec 56 kbps. Taux de pénétration d’internet famélique - inférieure à 15% des ménages en 2010-, qualité de services désastreuse avec le plus bas débit du monde enregistré à Alger… le monopole de Algérie Télécom sur l’espace-temps de la connectivité coûte très cher à la productivité du travail national. Comme pour la téléphonie mobile lancée seulement avec l’arrivée de nouveaux opérateurs à partir de 2002. Pour le comprendre, il faut juste comparer l’efficacité des transports routiers avant et après l’autoroute Est-Ouest.

Avec le service internet actuel, le pays circule toujours sur la RN4 entre Alger et Oran… et s’arrête à Oued Fodda pour les brochettes. A qui la faute ? Au management politique en premier. Internet est d’abord lié à la performance du réseau et des prestations du téléphone fixe. Toutes les autres formules non filaires viennent en soutien. Le gouvernement Bouteflika I a, accordons-lui cela, tenté de créer de la concurrence sur le téléphone fixe comme il l’a fait pour le mobile. Mais l’échec de la seconde licence du fixe – Lacom détenue par Orascom et Egypte Télécom – a laissé sans réaction Bouteflika II fin 2006. La faillite de Epaad trois ans plus tard a fini de restaurer le retour à la case de départ. Devant une gouvernance Bouteflika III cette fois ouvertement hostile à la multiplicité des opérateurs.

Virage complet sur la dynamique des TIC qui vaut à l’Algérie d’être aujourd’hui le pays le plus retardataire de l’Afrique du Nord dans ce domaine décisif de la compétition économique mondiale. Dans un tel contexte, il ne faut surtout pas que l’opinion soit encore leurrée. Le lancement – extrêmement tardif lui aussi - de la licence de téléphonie 3G ne va pas permettre de rattraper le gap numérique algérien. Tout juste de le maquiller. Les abonnés qui en auront les moyens financiers bénéficieront de internet sur leurs terminaux mobiles.

L’essentiel du trafic continue à se faire sur le réseau filaire partout dans le monde ou l’internet mobile (3 g et 4 g) a été lancé depuis bientôt une décennie. Même si l’avenir ergonomique et commercial de l’internet mobile est colossal. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont, finalement, le secteur où la crispation chauvine du président Bouteflika depuis 2006 (affaire Orascom Construction) a fait les plus grands dégâts. Palpables en kilobits-seconde. La feuille de route du début était la bonne. Concurrence des opérateurs sur le mobile et sur le fixe, soutien à l’émergence des providers d’internet – il n’en reste plus que 3 – ouverture du capital de Algérie-Télécom à un partenaire technologique international afin d’assurer la remontée de filière technique.

Ou alors un contrat de délégation de gestion comme pour l’eau à Alger. Il est vrai que personne n’est encore sorti dans des émeutes pour une connexion internet interrompue deux jours durant. Mais les emplois perdus, ou pas créés, tous les jours à cause de la connectivité scandaleuse du pays, elle, est une formidable matrice d’émeutes.

El Kadi Ihsane

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