dimanche 27 décembre 2009

Charités

C’est une tradition saine que de placer des fêtes aussi importantes à la fin de l’année. Je parle évidemment des fêtes à dates fixes comme le sont la Noël et le jour de l’An. D’abord cela permet aux écoliers (qui sont les premiers bénéficiaires de toutes les attentions) d’en profiter durant ces longues vacances scolaires que certains passeront au coin du feu ou sur les pistes enneigées pour ceux qui ont un papa exportateur d’euros. Alors quand l’Achoura se met de la partie, les salariés rejoignent le peloton des privilégiés puisque cela leur permet de faire un pont assez consistant qui leur donnera la fausse impression d’être logé à la même enseigne que leurs homologues d’en face.

A la différence qu’ici, la Noël ne se fête pas et que l’Achoura est célébrée d’une manière sporadique selon les régions. Autrefois, (j’utilise toujours cette formule pour parler de l’obscure période du colonialisme quand, à l’école du village, on nous enseignait l’histoire de France à coups de «nos ancêtres les Gaulois») cette fête (Noël) n’était perceptible dans notre petit village niché au pied de la montagne que par les deux semaines de congé qui nous étaient dispensées.

Les enseignants français la célébraient dans leur intimité familiale et ils évitaient de nous en parler pendant les cours, laïcité oblige. Durant la mauvaise saison d’ailleurs, les textes étudiés portaient pour la plupart sur les rigueurs de l’hiver. Et celui qui sévissait chez nous n’avait, en ce temps-là, rien à envier à celui du sud de l’Europe. Comme il n’y avait chez nous, aucune église pour nous carillonner l’annonce de la Nativité les missions catholique et protestante avaient chacune sa manière de procéder.

Si les pères blancs demeuraient assez réservés et se contentaient d’ouvrir «leur foyer» aux écoliers en manque de loisirs, foyers équipés de bibliothèque, de table de ping-pong, d’un tourne-disque et divers jeux de société, les soeurs blanches, par contre, se signalaient par leurs voix angéliques qui entonnaient des cantiques mélodieux qui transportaient les âmes des auditeurs. Le lendemain, elles procédaient à une distribution d’oranges aux enfants qui attendaient à leur porte.

Et les enfants ont toujours fait un rapprochement entre la couleur des oranges qui étaient sanguines et la couperose des joues de la religieuse désignée à la distribution. Le pasteur, protestant, homme d’une grande rigueur et d’un flegme tout britannique, recevait, lui, les enfants nécessiteux qui, par manque de loisirs, préféraient passer un après-midi à l’abri, au chaud, que de vagabonder dans les champs humides et trempés.

Ils recevaient après un bon cours sur certains épisodes de la vie du Christ, un goûter assez modeste composé d’un peu de pain, d’une barre de chocolat et d’une tranche d’Emmenthal (à l’époque on ne l’appelait pas encore fromage rouge puisqu’il était absent de l’épicerie du village où ne figurait que le fromage fondu en portions portant le label d’un sympathique bovidé!)

C’était un festin pour des enfants privés de tout, surtout que quelquefois, la femme du pasteur poussait la générosité jusqu’à servir un chocolat chaud. Il n’y avait point de cadeaux pour le ventre creux, sauf de temps en temps, un jouet, fabriqué sur les lieux-mêmes à l’occasion de travaux manuels dirigés par le pasteur.

Selim M’SILI

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