jeudi 17 septembre 2009

Un sabot en or…

Après neuf mois de détention, le journaliste irakien, qui avait osé balancer sa paire de chaussures à la figure de W. Bush, a été libéré pour bonne conduite.

Le Premier ministre Nouri El Maliki pouvait-il enfin dormir tranquille alors que le sort de Mountathar El Zaïdi avait été scellé dans les jours qui ont suivi son arrestation ? Sûrement pas. Le prisonnier, qui avait traité l'ex-président US de «chien», n'a même pas pris le temps d'aller se reposer.

Son comité d'accueil, exclusivement sunnite, a tout préparé pour que sa libération soit célébrée comme il se doit… sous le nez et la barbe des membres de l'exécutif chiite. Le lanceur de chaussures, aussi excellent orateur, a exigé des excuses publiques de Nouri El Maliki.

Non pas parce que celui-ci se serait endormi sans se préoccuper de son sort mais pour toutes les humiliations qu'il aurait subies en détention. Coups de câbles, électrocutions, cellules insalubres et simulations de noyade, il faudrait tout un livre au prisonnier le plus célèbre d'Irak post-Saddam pour lister les méthodes de torture. A en croire son témoignage, les bourreaux de la prison d'Abou Ghrib seraient des enfants de cœur devant les siens. Ils auraient usé leurs semelles pour le faire craquer. Et pourtant, à ce que l'on sache, le journaliste rebelle n'a pas commis d'autres délits, à part celui d'agression d'un chef d'Etat en visite officielle.

Qu'est-ce qui explique donc les supplices sur lesquels il n'est pas près de passer l'éponge ? Ses tortionnaires se seraient-ils acharnés contre sa personne pour savoir s'il était naturellement sorti de ses gonds, au moment des faits, où s'il a été chargé par d'obscurs commendataires de passer à l'acte ?

Trop ravi que son programme spatial reçoive un appui supplémentaire du Congrès, alors que son successeur continue de trimer pour faire adopter sa réforme de la santé, Bush se garde de prononcer un mot sur son impérissable souvenir. Idem pour Nouri El Maliki qui observe avec amertume la constitution d'un nouveau bloc chiite dont les ténors ont fait de l'exclusion du parti Ouma un point d'honneur.

Le gouvernement d'El Maliki, à forte dominante chiite, réagira-t-elle à d'aussi graves accusations lorsque le lanceur de chaussures entamera sa tournée internationale de remerciements ? Il est attendu au Qatar où l'émir lui a promis un cheval en or et en Libye où le guide s'est engagé à le décorer.

Deux belles tribunes, parmi tant d'autres, du haut desquelles Mountathar El Zaïdi aura à dire sa haine des soi-disant libérateurs et la «démocratie de caoutchouc» qu'ils veulent à tout prix imposer aux Irakiens qui, eux, pratiquent la laïcité depuis des générations ?

Le président Obama a eu le bon sens de faire suivre les interrogatoires des suspects de terrorisme par la Maison-Blanche bien que le journaliste irakien n'en soit pas un. Cela prouverait au moins qu'exporter un modèle de démocratie, vidé de tout sens de respect du droit humain, ce n'est pas comme exporter des chaussures contrefaites.

Par Anis Djaad

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