mercredi 2 septembre 2009

La communication par le démenti

Il y a une réelle solidarité gouvernementale quand il s’agit d’affronter la société. Quand Ghlamallah, ministre des Affaires religieuses, et collecteur de dîmes, commet la sentence qui bannit la pauvreté du pays, Ould-Abbès, ministre de la Solidarité, fonction légitimée par l’aide sociale, vole à son secours pour soutenir la dénégation.

Il faut dire qu’au point où l’on est, l’Algérie, marquée par un affaissement politique, économique, social et culturel continu, n’a pas de faits positifs à faire valoir. Toujours rattrapés par les dégradations et les déficits, on s’emploie prioritairement à les nier.

Il est difficile de concevoir des projections, et encore moins à les mettre en œuvre, quand on a le souci quotidien de démentir l’échec en cours. Le ministre du Commerce dit qu’il n’y a pas de pénuries, le ministre des Travaux publics qu’il n’y a pas de retard de chantiers, le ministre de l’Intérieur qu’il n’y a pas d’insécurité, le ministre de l’Emploi qu’il n’y a pas de chômage, le ministre des Finances que la crise mondiale n’a pas eu d’effet sur les finances nationales…

Et bientôt, on démentira que l’introduction du haut débit Internet fut censurée, que l’argent du PNDRA a subi quelques graves malversations, qu’une “Turkish connection” se sucre sur le budget du développement de la pêche…

En écoutant le discours officiel, vous saurez tout ce qui vous est arrivé et qui n’aurait pas dû arriver : les faux moudjahidine, l’implication de vrais responsables dans l’affaire Khalifa, les violations du code des marchés, les comptes numérotés en Suisse, au Luxembourg et ailleurs, l’échec de la réconciliation nationale… Il suffit de reprendre le discours et de le soulager des locutions adverbiales qui désarment la réalité des faits.

Ainsi, au lieu d’être un discours positif, le discours officiel, débordé par le flux de contre-performances, se transforme en discours de démenti. Même sous la forme affirmative, il se présente en discours de travestissement du réel : il est alors question de “la lutte contre la corruption”, des “droits de l’Homme”, du “rôle de la femme”, de “croissance économique”, de “projets achevés courant telle année”, de “la paix revenue”, etc.

On est toujours dans le discours magique, concurrent du bilan objectif qu’on se garde bien de faire et qui, lorsqu’il est établi sur la base de constats de presse ou d’études internationales ou simplement parce que les dommages ne sont matériellement pas dissimulables, est démenti comme un vulgaire tract subversif.

Le souci d’enjoliver la situation l’emporte sur celui de la corriger. Et pour cette tâche, il n’y a pas que les canaux officiels qui sont à la peine ; même nous, la presse “indépendante”, souvent avec zèle, a ce devoir national de vernissage verbal d’une situation alarmante.

De ce fait, nous avons ce résultat : le pays éprouvé par la mauvaise gestion et la prébende est présenté par son cliché. Sauf que, dans ce procédé, c’est le négatif qui a plus de couleur que la photographie, elle, en noir et blanc.

Mustapha Hammouche

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