jeudi 25 août 2011

Libye, «c’était il y a longtemps et ça n’est jamais arrivé»

Par Hassane Zerrouky
Les images montrant Seif Al-Islam dans la nuit de lundi à mardi en train de démentir son arrestation et qui ont fait le tour du monde rappellent curieusement celles de Saddam Hussein saluant ses partisans le jour même où les forces américaines prenaient Bagdad. On sait ce qu’il en est advenu : Saddam n’a pu empêcher la chute de son régime. Il va de même pour Kadhafi et les siens retranchés dans le complexe fortifié de Bab Al Azizia, tombé mardi en fin d’après-midi aux mains des insurgés. Le régime de Kadhafi a donc vécu.
Celui de Abdellah Saleh au Yémen est aux abois ; quant à Bachar Al Assad, s’il continue dans la même direction, il subira tôt ou tard le même sort. Une chose est sûre : la fin politique de Kadhafi — en dépit de son appel à se battre jusqu’à la mort – marque une nouvelle étape dans les révoltes arabes et maghrébines. Mouammar Kadhafi, le plus ancien autocrate arabe, 42 ans au pouvoir, a perdu le sens des réalités à partir du moment où les capitales occidentales ont commencé à lui dérouler le tapis rouge à chacune de ses visites, tout en fermant les yeux sur son côté fantasque et les frasques de ses enfants, lui donnant ainsi l’illusion d’être un homme puissant, indéboulonnable et au-dessus des lois. Une illusion confortée de surcroît par ces félicitations et remerciements que Washington et ses alliés ne manquaient pas de lui adresser pour sa coopération contre le terrorisme islamiste et l’ouverture du marché libyen aux compagnies pétrolières occidentales. Seif Al Islam, par exemple, était reçu avec tous les égards, sa Fondation remerciée pour son rôle d’intermédiaire dans les délicates opérations de libération d’otages occidentaux. Mais Kadhafi et les siens ne savaient-ils pas qu’à la moindre occasion ces mêmes capitales l’abattraient sans coup férir ? Et c’est bien ce qu’elles ont fait au nom de la «protection » du peuple libyen ! Et c’est ce qu’elles feront demain avec ceux qui, parmi les chefs d’Etat arabes, s’accrochent à leur «koursi», manœuvrant et réprimant comme jamais pour étouffer les aspirations démocratiques de leurs peuples. Alors comment comprendre qu’en Algérie, après la vague qui a emporté Ben Ali, Moubarak, Kadhafi, et prochainement Abdellah Saleh, Bachar Al Assad, on élabore un code de l’information où sur les 15 articles le composant, dix prévoient des peines de prison pour les journalistes ! Selon El Khabar, Ahmed Ouyahia s’y serait opposé et aurait demandé la suppression de tels articles. Tant mieux si c’est vrai. La fin de Kadhafi va changer la donne politique au Maghreb et dans le monde arabe. L’Algérie est objectivement isolée. Le chaos tant souhaité en Tunisie, par certains chez nous, avec à l’arrière plan cet espoir d’un retour inespéré de Ben Ali, n’a pas eu lieu. Un retournement de situation militaire en Libye en faveur de Kadhafi, voire une solution politique qui aurait permis au guide libyen de se maintenir au pouvoir et à laquelle a œuvré l’Algérie dans le cadre de l’Union africaine, n’ont pas eu lieu. Les inquiétudes exprimées à grand renfort de publicité en Algérie sur le vol d’armes libyennes au profit de l’AQMI dans le but de discréditer les opposants à Kadhafi, n’ont eu aucun écho. Qui, en Occident, pourrait y donner du crédit alors que sur le plan interne, les autorités algériennes laissent le salafisme se propager et occuper les espaces y compris institutionnels (la TV par exemple), et ne font absolument rien pour mobiliser la population contre le terrorisme islamiste de crainte que les Algériens ne fassent le lien entre islamisme salafiste et terrorisme ! Et quand, par ailleurs, elles interdisent aux forces de progrès (quand elles ne les répriment pas) d’occuper les espaces publics et de s’exprimer sur les sujets qui préoccupent les Algériens ! Moubarak, Ben Ali, Kadhafi, Abdellah Saleh, Assad… Des despotes. Dira-t-on un jour chez nous «C’était il y a longtemps et ça n’est jamais arrivé» (Evguenia Guinzbourg, écrivaine soviétique ayant passé 21 ans dans le goulag). Aïd moubarak à tous.

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