jeudi 25 août 2011

Cécité politique

Le conflit libyen a aiguisé bien des appétits de la part de nombreux pays qui tentent de se placer au mieux de leurs intérêts dans la perspective des nouvelles institutions post-régime El Gueddafi. A mesure que le parfum de la victoire, parti de Benghazi, se répand dans l’ensemble du pays pour gagner et encenser la capitale tombée entre les mains des rebelles du CNT, les manifestations de soutien au Conseil national de transition affluent de toutes parts. Des pays qui avaient observé une attitude attentiste ou qui ont louvoyé au début du conflit en apportant un soutien discret mais actif à El Gueddafi, compte tenu de leurs relations avec le «guide» libyen et de leurs intérêts économiques dans le pays, à l’instar de la Chine et de la Russie, sont en train de recadrer leurs positions en reconnaissant à mots à peine couverts la légitimité du CNT et de son combat pour renverser le régime dictatorial d’El Gueddafi.

La course au trésor est engagée. Les Etats ayant reconnu le CNT se comptaient sur les doigts d’une main au début de la révolution, ils sont aujourd’hui une quarantaine de pays et le chiffre est sans nul doute éligible à la hausse. Il faudra s’attendre, en effet, dans les prochains jours à une cascade de reconnaissances confortées par la tournure des événements de ces dernières heures avec la déconfiture totale du régime d’El Gueddafi symbolisée par le contrôle de la capitale par les insurgés. Dans le monde arabe, hormis les monarchies du Golfe qui avaient reconnu, dès le début, le CNT, car elles avaient un compte à régler avec El Gueddafi qui ne prenait pas de gants lorsqu’il était l’homme fort de Tripoli pour prédire aux souverains arabes le même sort funeste que Saddam Hussein, les positions des autres pays arabes sont à l’avenant.

Pour d’autres considérations, géopolitiques, économiques, humaines et historiques et après s’être accommodé de l’encombrant et ombrageux personnage ménagé par les régimes en place qui ont entretenu avec El Gueddafi des relations en dents de scie au gré des humeurs du «guide», les pays du Maghreb ont pris le train presque à l’arrivée pour ceux qui ont osé franchir le pas. L’Egypte a ouvert le bal en reconnaissant le CNT il y a quelques jours, suivie de la Tunisie ; deux pays qui ont tracé la voie du printemps démocratique arabe et qui ne pouvaient pas, par conséquent, investis de cette responsabilité historique, rester en marge d’une autre révolution populaire qui est en marche à leurs frontières.

Le Maroc vient à son tour de franchir le pas en reconnaissant le CNT, se permettant même le luxe politique de doubler la mise avec la visite du ministre marocain des Affaires étrangères à Benghazi. Bien servi par la position embarrassée de l’Algérie dans le conflit libyen et le climat délétère existant entre le CNT et les autorités algériennes, Rabat se positionne et place ses billes en Libye en espérant empocher, demain, les dividendes politiques et économiques de son soutien. A cause de leur cécité politique, les responsables algériens, qui n’ont pas su s’élever à la hauteur du mouvement de l’histoire des peuples de la région, risquent de perdre un partenaire et un allié qui compte. Au plan de l’équilibre géostratégique dans la région, par rapport à l’affaire du Sahara occidental, et sur d’autres dossiers liés à la stabilité régionale et la coopération bilatérale.

Omar Berbiche

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